La dislocation des Etats existants est un des moyens auquel font appel les grandes puissances pour asseoir leur domination. Il est en effet plus facile de dominer de petits Etats ou de petites entités politiques constamment en conflit les unes avec les autres. Parfois, comme au Soudan, ce sont des facteurs géographiques et économiques locaux qui incitent à pousser à la partition des Etats.
Ces Etats ou entités sont alors en concurrence pour bénéficier du soutien des puissances qui ont favorisé ou imposé l’émiettement. Ces mêmes puissances ont également un accès plus facile aux ressources du sous-sol de ces pays.
On peut effectivement le plus souvent continuer à exploiter les mines ou les puits de pétrole même si un pays est en proie à une agitation endémique ou à ce qu’on appelle un conflit de basse intensité.
C’est un plan de fragmentation de ce genre qui semble être actuellement à l’étude pour l’Afghanistan. L’ingénieur chargé du projet est un député conservateur britannique et la discussion implique essentiellement Londres et Washington, les deux piliers de l’OTAN.
Bien sûr, le plan n’est pas présenté comme un projet de partition mais c’est certainement le résultat auquel il aboutira.
Si l'objectif avoué de cet émiettement est l'affaiblissement du pouvoir d'Hamid Karzai, un objectif non dit est d'affaiblir la position de l'Iran qui sinon, se trouverait renforcée après le départ des troupes de l'OTAN.
La presse iranienneet afghane avait fait état de ce projet dès la mi-août 2012
Un député Conservateur propose de diviser le pays en zones dont certaines pourraient aller aux Talibans
Par Brian Brady & Jonathan Owen, The Independent (UK) 9 septembre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
L’Afghanistan pourrait être découpé en huit «royaumes» différents – et certains d'entre eux pourraient être gouvernés par les talibans - selon un plan controversé en cours de discussion à Londres et à Washington.
Sous le nom de «Plan C», le projet radical pour l’avenir de l’Afghanistan énonce des réformes de nature à reléguer le président Hamid Karzai au rôle de figurant.
Conçu par le député conservateur et collaborateur du Foreign Office Tobias Ellwood, il pose en avertissement que le pays fera face à un avenir sombre quand il sera livré à lui-même. M. Ellwood soutient qu’un Etat «régionalisé» avec un nouveau premier ministre puissant pourra faire face à la faible gouvernance, aux disputes tribales et à la corruption dont beaucoup craignent qu’elles plongent l’Afghanistan dans le chaos quand l’ International Security Assistance Force (Isaf) se retirera en 2014.
Des sources haut placées au gouvernement ont confirmé que le Plan C – Trouver une solution politique en Afghanistan a été présenté au ministre des affaires étrangères William Hague, et a été discuté avec des officiels de la Maison Blanche. M. Ellwood, un ancien capitaine dans les Royal Green Jackets a aussi discuté ce plan avec des officiels du gouvernement pakistanais à Londres.
Mais des experts ont critiqué cette tentative « d’imposer» un système démocratique à l’Afghanistan, et souligné que les leaders de la coalition devraient se concentrer sue la stratégie du retrait militaire qui leur permettra d’évacuer leurs forces à l’échéance butoir de 2014.
Wazhma Frogh, directrice de l’Afghanistan's Research Institute for Women, Peace and Security, a déclaré : «Quel est ce député britannique qui siège à Londres et décide pour l’Afghanistan ? C’est à nous, le peuple de ce pays, de décider si nous voulons nous scinder en Etats ou nous disparaître en tant que nation. Je suis surprise de voir un député d’un pays démocratique concevoir l’avenir et donner des solutions pour un pays dans lequel il n’aura pas à vivre et où ses enfants n’auront pas non plus à vivre.»
M. Ellwood, qui travaille maintenant comme collaborateur parlementaire du ministre délégué du Foreign Office David Lidington, a soutenu qu’un règlement politique – même en incluant les Talibans – était nécessaire pour garantir la stabilité à long terme de l’Afghanistan.
«L’Isaf peut être confiante dans le fait que la révision de sa stratégie sécuritaire fonctionne finalement, mais la menace insurgée ne sera pas supprimée par le seul recours à la force,» explique-t-il dans un rapport lu par The Independent on Sunday. «Les Talibans ne participeront pas à un dialogue significatif s’il n’y a pas de stratégie politique faisable à laquelle ils peuvent participer… Une solution alternative [offre] une structure politique moins centralisée qui reflète mieux la composition ethnique du pays, les pôles économiques déjà existants et les intérêts régionaux des talibans qui pourraient alors être intéressés à un règlement politique.»
Le plan divise l’Afghanistan en huit zones, basées sur les «pôles économiques» de Kaboul, Kandahar, Herat, Mazar-i-Sharif, Kunduz, Jalalabad, Khost et Bamyan. Les zones seraient administrées par un conseil représentant les divers groupes ethniques et supervisé par un ou plusieurs pays étrangers. M. Ellwood soutient aussi que la création d’un poste de premier ministre, avec beaucoup des pouvoirs «disproportionnés » détenues actuellement par le président participeraient à apaiser les inquiétudes sur l’homme qui a dirigé le pays pendant près de huit années.
Les 8 régions (ou Etats?) projetées pour l'Afghanistan |
Mais Thomas Ruttig, co-directeur de l’ Afghanistan Analysts Network déclare : «Scinder les pays en régions de ce genre aura pour résultat de renforcer le poids de ceux que nous avons déjà commencé à appeler ‘hommes d’influence, les power brokers locaux (ou régionaux) et ce qu’on appelait avant les ‘seigneurs de la guerre’ et dont l’incurie du pouvoir entre 1992 et 1996 avait été la première causes de l’ascension des Talibans.»
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