Il y a peut-être encore des gens qui pensent que l’intervention de l’OTAN e Libye est motivée par des raisons humanitaires et la protection de la population civile sur place. A elle seule, une simple observation des événements suffit à nous démontrer qu’il n’en est rien car, tout en prétendant le contraire, les puissances coalisées font en sorte de préparer le terrain aux avancées des forces rebelles mais ciblent également des bâtiments administratifs ainsi que le colonel Kadhafi et sa famille.
Les dénégations des membres de l’axe du bien ne changent rien à cette réalité.
On peut toutefois se dire que la Libye se porterait mieux sans le colonel Kadhafi au pouvoir.
Certes, mais aucun principe légal n’autorise Londres, Paris ou Washington à se lancer dans ce genre de choses. C’est précisément pourquoi, en tant que criminels hypocrites consommés, ils pratiquent la dénégation. Or ce ne sont pas des gouvernements qui disent à la légère qu’un régime doit partir : s’ils le disent, c’est qu’ils ont décidé de se donner les moyens d’y parvenir. C’est la principale différence entre eux et le colonel Kadhafi qui tend plutôt à exceller dans des rodomontades que son pays et lui-même sont en train de payer.
Alors pourquoi cette intervention ? Pour le pétrole, tout simplement comme nous l’explique cet article de McClatchy basé sur des câbles diplomatiques obtenus par WikiLeaks.
Parce que le pétrole ne sert pas seulement à faire fonctionner votre scooter, votre Zippo ou encore toute une gamme d’industries, il est aussi une formidable source de revenus. Il est enfin, pour celui qui contrôle les diverses phases de son cycle – prospection, extraction, acheminement, commercialisation – une extraordinaire source de puissance.
C’est donc dans ce contexte que l’intervention de l’OTAN en Libye doit être comprise et les choses sont très claires après lecture : les Etats Unis ont suscité l’intervention en Libye pour contrer l’implantation des entreprises pétrolières russes en partenariat avec la société italienne ENI, leader sur le sol libyen. Ce n’est pas la première fois qu’ENI s’illustre dans une démarche stratégique qui a permis à l’Italie de disposer d’un des principaux acteurs mondiaux du secteur des hydrocarbures.
Mais là c’en était trop pour les Etats Unis et le paltoquet Bernard-Botul-Henri Lévy a donc été mandaté pour crier au crime contre l’humanité et portraiturer M. Kadhafi en Hitler.
Plus c’est gros, plus ça marche car s’il faut persuader les opinions que la guerre est juste, on n’a en réalité que faire en haut lieu de ces paravents humanitaires.
C’est d’ailleurs pour cette raison que ni la Chine, ni la Russie n’ont usé de leur droit de veto. La première craignant des rétorsions non par une insistance nouvelle sur la question du Tibet mais par des perturbations de son approvisionnement pétrolier en provenance du Moyen Orient. La seconde n’a semble-t-il pas désespéré de pouvoir faire valoir ses intérêts en Libye. Ce qui est peut-être sur le point de lui être accordé et expliquerait son rapprochement progressif avec ceux qui veulent la peau de Mouammar Kadhafi. Sans oublier que les pétromonarchies démocratiques qui soutiennent la rébellion libyenne ont un pouvoir de nuisance non négligeable en Tchétchénie et dans le Proche Etranger de la Russie.
Voilà, les crimes humanitaires de l’Occident sont motivés uniquement par la cupidité et l’appétit de puissance. Et le plus drôle dans tout ça, s’il est toutefois permis d’en rire, c’est que les pays européens agissent dans un sens contraire à leurs intérêts pour complaire au gouvernement des Etats Unis.
Ils viennent également de prouver qu’ils sont capables de diaboliser du jour au lendemain celui avec qui ils traitaient pourtant volontiers aussi bien en matière d’exploitation pétrolière que d’échanges commerciaux, dont le négoce des armes. Et qui était un de leurs alliés dans la lutte contre les membres ou sympathisants ce qu’on appelle al Qaïda qui se retrouvent comme par enchantement (une prouesse de la philosophie Bhélienne) dûment estampillés démocrates. Une leçon que d’autres gouvernants, autocrates ou pas, vont sans doute méditer quand ils auront à trancher sur des partenariats avec l’Occident ou avec des puissances comme la Russie, la Chine ou le Brésil Par Kevin G. Hall, | McClatchy Newspapers (USA) 17 mai 2011 de l’anglais par Djazaïri
WASHINGTON — En 2006, trois après que le gouvernement russe ait inculpé Mikhail Khodorkovsky – le plus riche homme d’affaires de Russie à l’époque – de fraude et ait commencé à démanteler sa compagnie pétrolière Yukos, les diplomates US en avaient déjà assez.
Gazprom, une émanation de l’ancien ministère soviétique chargé du gaz, s’employait à racheter l’immense empire Yukos, attisant la crainte aux Etats-Unis de voir bientôt la Russie et son leader énergique, Vladimir Poutine, prendre virtuellement le contrôle de tout le gaz naturel destiné à l’Europe.
Les Etats-Unis voulaient empêcher que cela arrive. Alors l’ambassade américaine en Slovaquie a recruté un consultant pétrolier Texan et a commencé à conseiller secrètement le gouvernement slovaque sur la manière d’acheter la part de 49 % que Yukos détenait dans Transpetrol, la compagnie slovaque de transport d’hydrocarbures par pipeline.
Sans expérience dans le domaine pétrolier, le gouvernement slovaque ne savait pas combien il aurait à débourser. Le consultant, qui participait aux négociations, avait assuré le ministre slovaque de l’économie, Lubomir Jahnatek, que le prix de 120 millions de dollars proposé par le groupe en possession des avoirs de Yukos était une bonne affaire. Gazprom était prêt à payer beaucoup plus.
« Nous avions fait clairement savoir à toutes les parties que nous ne voulions pas que notre rôle de conseil technique soit rendu public, » écrivait l’ambassade dans un câble du 10 août 2006 qui présentait ce qui devint finalement un accord. Il est évident que Jahnatek apprécie ce que lui apporte le consultant et continuera à se tourner vers lui et vers l’ambassade US pour des informations dans les semaines à venir où il va devoir négocier un accord ».
Cette communication, une partie du cache des câbles du Département d’Etat que WikiLeaks a transmis à McClatchy et à d’autres agences d’informations, est seulement une indication de la manière dont le gouvernement US a manœuvré au fil des ans pour influer sur les marchés mondiaux du pétrole et du gaz naturel.
Avec un pétrole qui se vend à près de 100 dollars le baril et l’essence à près de 4 dollars le gallon à la pompe, les Américains pourront se consoler en apprenant que la sécurisation de l’approvisionnement pétrolier a été depuis des années la préoccupation principale des ambassades US à travers le globe.
Sur les 251 287 documents WikiLeaks, McClatchy en a obtenu 23 927 – presque un sur dix – portant sur les hydrocarbures. A elle seule, Gazprom est mentionnée dans 1789 documents.
Dans les câbles, on constate que des diplomates US échafaudent des manières d’empêcher des entités étatiques comme Gazprom de prendre le contrôle d’installations pétrolières de première importance, en pressant les compagnies pétrolières à ajuster leurs politiques pour qu’elles cadrent avec les objectifs de la politique étrangère des Etats-Unis, en aidant les compagnies pétrolières des Etats-Unis à arranger des accords aux termes avantageux et en pressant les gouvernements étrangers à assister les compagnies qui veulent accepter les offres US.
L’approche US semble parfois mystifiante. Un câble secret du 17 août 2009 émanant de l’ambassade US à Ryad en Arabie Saoudite, rappelait comment, quelques jours plus tôt, le chargé d’affaires US Richard Erdman avait poussé le ministre du pétrole d’Arabie Saoudite, Ali al Naimi à se rapprocher de la Chine.
Mais c’était avec une arrière-pensée. A l’époque, les Etats-Unis essayaient de persuader la Chine de soutenir des sanctions contre l’Iran pour le programme d’enrichissement de l’uranium de ce pays. Les Etats-Unis considèrent que ce programme fait partie des efforts de l’Iran pour développer des armes atomiques. « Nous ne verrions pas d’inconvénient à ce que des ventes saoudiennes remplacent une partie des exportations pétrolières de l’Iran vers la Chine;» avait dit Erdman à Naimi dans un câble.
Naimi avait répondu que l’Arabie Saoudite, en grande rivalité avec l’Iran, serait bientôt le plus grand fournisseur de pétrole de la Chine, et c’est ce qui se produisit. En 2010, l’Arabie Saoudite était le premier fournisseur de pétrole de la Chine, l’Iran venant au troisième rang, selon le site web chinois ChinaOilWeb.
Un câble secret du 30 juillet 2009 de l’ambassade US à Ryad retrace comment le secrétaire d’Etat au Trésor Timothy Geithner s’était appuyé, lors d’une visite dans le royaume, sur son homologue Saoudien, Ibrahim al-Assaf, pour contenir la hausse des prix du pétrole.
“Geithner avait déclaré que ce serait positif pour la reprise mondiale qi les prix du pétrole ne montaient pas plus haut, que ce soit en raison de la spéculation ou de la production OPEP,” disait le câble, notant que Geithner avait concédé « que les Etats Unis n’avaient pas trouvé la bonne manière de limiter la volatilité du prix du pétrole. »
Les documents montrent également comment dans leur chasse mondiale au pétrole, des entreprises de pays alliés aussi bien qu’ennemis compliquent la réalisation des objectifs politiques des Etats Unis.
Un objet répété des foudres des Etats Unis est le géant pétrolier italien ENI, la plus grande entreprise italienne et dont l’Etat italien détient 30 % des parts. Ses efforts pour renforcer sa présence en Iran tout comme ses liens étroits avec le russe Gazprom sont des thèmes fréquents dans les câbles.
“Le PDG d’ENI, Paolo Scaroni, a dit à l’ambassadeur que le ministre Iranien de l’énergie a propose à ENI des opportunités d’investissements dans les champs pétroliers de South Pars et d’Azadegan, » du sud de l’Iran » disait un câble secret de l’ambassade US en Italie daté du 12 janvier 2007. « Scaroni a dit qu’ENI est intéressé par de nouveaux investissements en Iran tant que des sanctions multilatérales contre l’Iran ne sont pas en vigueur. En effet, l’Iran verse de l’argent qu’elle doit à ENI au terme de contrats existants, et les investissements sont structurés de sorte que le retour sur investissement d’ENI est basé sur les prix mondiaux du gaz et du pétrole.
L’ambassade était particulièrement chagrinée de voir que ENI cherchait à organiser ses nouveaux partenariats en Iran de sorte à pouvoir prétendre que l’Iran ne faisait que lui rembourser d’anciennes dettes envers la compagnie, certaines datant des années 1950. Ce qui permettrait à ENI d’aider l’Iran à développer les champs pétroliers et à contourner toute sanction imposée pour son programme nucléaire dont les Etats Unis croient qu’il vise à la production d’armes nucléaires.
L’ambassade avait recommandé aux officiels en poste à Washington de mettre la pression sur Scaroni lors d’une prochaine visite pour faire capoter tout accord. Un câble suivant indique que c’est ce qu’ils firent.
Scaroni était sur le point d’essayer encore avec l’administration Obama, selon le compte rendu du 5 mai 2009 d’une rencontre avec un autre cadre d’ENI. « L’ambassade pense que le gouvernement US a de bonnes raisons de se montrer sceptique devant cette requête, » disait le câble.
Les relations d’ENI avec Gazprom étaient le sujet d’un câble du 24 avril 2008 qui exhortait les Départements d’Etat et du Trésor à exprimer très clairement leur mécontentement à Scaroni.
Etait spécifiquement en cause, un accord de l’ENI qui aurait donné à Gazprom l’accès au pétrole libyen et engagé ENI à assister Gazprom dans la construction d’un pipeline à travers la mer Noire. Ce projet aurait été en concurrence avec un projet similaire soutenu par le gouvernement US qui aurait relié les champs gaziers de la région de la Caspienne directement à l’Europe, sans passer par la Russie et Gazprom.
A l’époque, Silvio Berlusconi était sur le point de devenir une deuxième fois premier ministre de l’Italie et l’ambassade avait exhorté l’administration US à faire pression aussi sur lui [littéralement : à lui tordre le bras].
“L’ambassade voulait faire pression sur le nouveau gouvernement Berlusconi pour forcer ENI à agir moins comme paravent pour les intérêts de Gazprom, » disait ce câble confidentiel. « ENI… semble travailler à soutenir les efforts de Gazprom pour dominer la fourniture d’énergie en Europe, et contre les efforts de l’UE, que soutiennent les Etats Unis, pour diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie.
On a parlé d’ENI tout récemment parce que c’est le plus important acteur du secteur pétrolier en Libye et Scaroni a exprimé publiquement sa préoccupation devant l’action conduite par les USA pour évincer son homme fort, Mouammar Kadhafi, qui n’est pas conforme aux intérêts de l’Italie. Le 20 avril, Scaroni a annoncé qu’ENI avait suspendu provisoirement son accord en Libye qui aurait donné à Gazprom une grosse participation dans le pétrole libyen, un recul que les Américains cherchaient à obtenir depuis 2008 ainsi que le montrent les documents WikiLeaks
Parfois, cependant, les efforts des Etats Unis ont visé à ouvrir les vannes du pétrole russe.
Un câble secret de Moscou daté du 16 avril 2009 dit comment la compagnie ConocoPhillips, basée à Houston, envisageait de s’associer à la firme ruse Lukoil pour soumissionner pour des contrats pétroliers en Irak. L’effort conjoint en Irak avait la bénédiction de Poutine, affirmaient les responsables de ConocoPhillips qui observaient que Poutine avait proposé de faire une remise de dette à l’Irak si le consortium américano-russe obtenait un contrat.
Le pétrole irakien était le sujet de nombreux câbles de diplomates en Irak dont certains traitaient de l’annonce surprise en 2007 de l’accord pour un partage de production conclu entre la firme texane Hunt Oil Co et le gouvernement autonome de la région du Kurdistan dans le nord de l’Irak. Le problème étant que l’Irak n’avait pas encore promulgué de loi sur le pétrole et que le PDG de l’entreprise, un homme d’affaires de Dallas, Ray Hunt, était un ami du président George W. Bush. Et Hunt avait travaillé dans le comité des conseillers de Bush en matière de renseignements extérieurs.
Un câble du 9 septembre 2007 de l’équipe du gouvernement US pour la reconstruction du Kurdistan présentait David McDonald, le chargé d’affaires de Hunt Oil pour le Moyen Orient comme indifférent par rapport aux aspects légaux de l’accord.
“Il n’exprimait aucune inquiétude sur la controverse susceptible d’entourer la signature d’un PSC (accord de production) avec le gouvernement de la région du Kurdistan et qui couvre des secteurs d’activité actuellement hors du contrôle légal de ce gouvernement, » avait averti l’équipe de reconstruction. « Il avait dit, « C’est une réelle opportunité qui l’emporte sur l’ambigüité légale.’ »
Le câble disait que McDonald avait décrit la chasse au pétrole dans le nord de l’Irak comme “tirer sur un poisson dans un tonneau.”
Les câbles fourmillent d’informations sur le secteur de l’énergie qui ne peuvent que causer la surprise. Un câble de l’ambassade des Etats Unis à Malabo, en Guinée Equatoriale, plaide que l’administration Obama devrait être plus attentive à l’égard de cette petite nation d’Afrique de l’ouest, observant qu’un brusque retournement de tendance politique pourrait coûter leur emploi à des centaines de travailleurs Américains du secteur pétrolier et menacer 20 % de l’approvisionnement des Etats Unis en pétrole.
“Si on met à part les importations énergétiques des USA venant d’Amérique du Nord (c.à.d. des voisins immédiats, le Canada et le Mexique), nous voyons que plus de 30 % du gaz et du pétrole que nous importons vient de la région du golfe de Guinée – plus, par exemple, que du Moyen Orient, observait un câble du 21 mai 2009. “La plus grande portion du territoire maritime du golfe de Guinée appartient à la petite Guinée Equatoriale”.
Le câble ajoutait que l’Espagne et la Chine sont activent dans le pétrole dans ce pays où les sociétés US Marathon Oil Corp. et Hess Corp ont investi pas moins de 30 % de leur capital.
En dépit de la réputation peu flatteuse de Teodoro Obiang, le président de la Guinée Equatoriale, qui s’est autoproclamé un Dieu vivant, le moment semblait opportune pour relancer les relations bilatérales, suggérait le câble où on notait qu’Obama était un patronyme courant là-bas.
“Le récent changement dans l’administration US – dans un pays où on a la plus forte densité “d’Obamas” per capita au monde – a été reçu comme un signe annonciateur de relations plus chaleureuses,” disait le câble