On le sait, un certain nombre d’affaires de pédophilie ont éclaboussé l’église catholique ces dernières années. Ces affaires ont été révélées dans des pays occidentaux et c’est pourquoi elles ont fait grand bruit dans la presse. Ce qui ne signifie bien entendu pas que l’Occident ou le catholicisme aient le monopole de ce genre de comportements.
Partout, en effet, les moments d’intimité entre un adulte (un homme dans l’écrasante majorité des cas) et un enfant (garçon ou fille) peuvent donner l’occasion à des pulsions inavouées de s’exprimer.
Il peut arriver qu’un secteur d’activité professionnelle comme la santé, l’animation, l’enseignement (religieux ou pas) soit choisi par une personne précisément parce qu’il va lui permettre d’être quotidiennement au contact d’enfants et donc de multiplier les occasions de passer à l’acte.
Il peut arriver aussi qu’une personne qui a choisi ce genre d’activité professionnelle découvre fortuitement ses penchants sexuels pédophiles.
Le résultat est sensiblement le même.
La ségrégation des sexes n’élimine pas vraiment le risque puisque dans la plupart des cas qui ont défrayé la chronique , en tout cas dans les institutions religieuses, les victimes sont de jeunes garçons, généralement pré-pubères.
Tel est le cas par exemple dans une yeshiva [école religieuse juive] de Sydney en Australie, où plusieurs garçonnets ont été agressés par un employé dont on ignore la fonction exacte.
Cette affaire de » pédophilie en milieu juif présente quelques particularités sur lesquelles il faut s’attarder.
La première est que l’affaire ne fait pas trop de bruit alors qu’elle s’est déroulée dans un grand pays occidental, donc au cœur des préoccupations médiatiques, et que l’auteur présumé des actes pédophiles s’est réfugié aux Etats Unis, en Californie plus précisément, un pays encore plus central pour les médias que l’Australie.
Il n’y a guère que le groupe de presse australien Fairfax [et la presse juive] pour s'intéresser à cette affaire. Si Fairfax est un important groupe de presse australien, ses enquêtes sur la pédophilie en milieu juif rencontrent dans l'ensemble peu d'écho dans les autres pays occidentaux.
La deuxième est que les autorités rabbiniques ont non seulement gardé le silence sur les agressions sexuelles mais ont protégé l’agresseur en l’accueillant et en le cachant dans une institution sociale juive aux Etats Unis. Ces autorités ont semble-t-il bien compris qu’il y avait quelque chose de problématique dans le comportement du pédophile mais se sont gardées de le dénoncer à la police en vertu de la «mesira,» une loi talmudique qui interdit de dénoncer aux Goyim [non juifs] les délits et crimes perpétrés par un membre de la communauté.
La troisième particularité est la tentative du rabbin Boruch Dov Lesches, ex grand rabbin de Sydney, donc pas n’importe quel obscur rabbin, de minimiser le crime en émettant l’hypothèse que les gamins, qui avaient environ onze ans étaient peut-être consentants.
Et ce n’est pas à Sigmund Freud et à sa théorie sur la sexualité infantile que fait appel le rabbin pour étayer son hypothèse mais à ce qu’il croit savoir des Goyim [non juifs] dont les enfants sont obsédés par le sexe très tôt et commencent à avoir une activité sexuelle dès l’âge de cinq ans.
Toujours selon le rabbin Lesches, les adolescents [non juifs] des milieux défavorisés «n’avaient rien d’autre à faire dans la vie que de penser tout le temps au sexe» entre eux, avec des membres de leurs propres familles et même avec des «chiens.»
Le rabbin Boruch Dov Lesches est né à Tel Aviv où il a reçu sont éducation religieuse. D’obédience hassidique, il s’est installé en Australie après son mariage, pays dans lequel il a présidé le tribunal rabbinique de Sydney et organisé le système d’abattage rituel et de certification de la casherout.
De sa création en 1986 à 2006, il a dirigé l’école religieuse juive de Sydney et a été rabbin de cette ville pendant 25 ans.
En 2006, le rabbin Boruch Dov Lesches s’est établi à Monsey, quartier juif de la ville de Ramapo (New York) pour occuper la fonction de rabbin de K'hal Tzemach Tzedek Lubavitch (apparemment l’école religieuse de Chabad Loubavitch).
Le rabbin: les victimes étaient peut-être consentantes
Par Richard Baker et Nick McKenzie, Sydney Morning Herald (Australie) 23 juin 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri
Un éminent rabbin australien qui s’était abstenu d’empêcher un présumé pédophile de se livrer à des abus sexuels sur de jeunes garçons dans une école religieuse juive de Sydney a déclaré que certaines des victimes avaient peut-être consenti aux relations sexuelles et il a averti que impliquer la police maintenant serait «ouvrir une boîte de Pandore.»
L’ancien grand rabbin de Sydney, Boruch Dov Lesches a tenu ces propos incroyables lors d’une récente conversation avec une personne bien au courant d’une série de viols et d’agressions sexuelles résumés sur des enfants par un homme qui exerçait à la yeshiva [école religieuse juive] de Sydney dans les années 1980.
Les propos du rabbin Lesches vont probablement renforcer l’attention des pouvoirs publics sur la gestion des affaires d’abus sexuels par les hautes autorités rabbiniques australiennes, compte tenu notamment des allégations de dissimulation, d’intimidation des victimes et de mise à l’abri des auteurs à l’étranger.
Dans une conversation téléphonique enregistrée légalement et entendue par Fairfax media et fournie par les policiers des Nouvelles Galles du Sud qui enquêtent sur les affaires de la yeshiva, le rabbin Lesches admet avoir donné conseil au présumé violeur après avoir appris qu’il avait abusé sexuellement un garçon dix ans plus jeune que lui.
Le rabbin Lesche est aujourd’hui une personnalité de premier plan de la communauté ultra-orthodoxe de New York.
Le rabbin Lesches avait dit à l’homme que lui, aussi bien que le garçon, seraient forcés de quitter la yeshiva s’il ne pouvait pas contrôler ses pulsions.
“Dans le cas contraire, tous deux devront s’en aller.”
Le rabbin Lesches, qui n’a jamais signalé cette agression sexuelle à la police, a déclaré qu’il ignorait que l’homme n’avait pas tenu compte de son avertissement et avait par la suite agressé sexuellement au moins trois autres garçons à la fin des années 1980.
Il a déclaré que d’autres dirigeants de la yeshiva étaient responsables de la supervision de cet homme.
Dans la conversation, le rabbin Lesches a laissé entendre que les victimes de l’homme, qui étaient âgées de onze ans à l’époque des faits, étaient peut-être des partenaires consentants. «Tout le monde racontait une histoire différente et essayait de faire porter les torts sur quelqu’un d’autre,» disait-il.
“Nous parlons de très jeunes garçons… tout le monde dit, en parlant d’un autre que «il était d’accord pour faire ça.»
Interpellé sur son point de vue selon lequel de jeunes garçons pouvaient avoir été consentants, le rabbin Lesches avait répondu, “vous pourriez être surpris » et il avait ajouté que certains garçons non juifs, qu’il désigne comme des «goyim,» commençaient à penser au sexe et à avoir une activité sexuelle «dès l’âge de cinq ans.»
Il disait que les adolescents des milieux défavorisés «n’avaient rien d’autre à faire dans la vie que de penser tout le temps au sexe» entre eux, avec des membres de leurs propres familles et même avec des «chiens.»
Le rabbin Lesches disait aussi que signaler les agresseurs sexuels présumés à la police tant d’années après pouvait être «destructeur pour eux et leurs enfants» et être une cause de souffrance pour les victimes.
“Ne parlez pas ainsi… après un temps aussi long, tout le monde souffre,” disait-il. «Si vous commencez à faire quelque chose à ce sujet, ce ne sera pas productif et ce ne sera bon pour personne.»
Une loi traditionnelle, la mesira, interdit à un juif de signaler un délit commis par un autre juif à des autorités non juives; son influence reste très forte dans certaines communautés ultra-orthodoxes.
Le rabbin Lesches, qui n’a pas répondu aux questions de Fairfax Media, est le troisième haut responsable rabbinique à avoir été identifié comme ayant su quelque chose au sujet des agressions sexuelles contre les garçons de la yeshiva de Sydney dans les années 1980.
En février, Fairfax media avait rapport comment l’auteur présumé, qui avait été envoyé à l’étranger, a récemment reconnu sa culpabilité devant certaines de ses victimes. Il avait parlé de la manière dont le chef spirituel du centre, le rabbin Pinchus Feldman, l’avait une fois averti de cesser ses agissements.
En réponse à ce reportage, le rabbin Feldman avait publie une déclaration selon laquelle il n’avait pas de souvenir d’une quelconque personne lui ayant avoué avoir commis des abus sexuels sur des enfants il y a 25 ans plus tôt.
Début mars, une autre importante figure rabbinique, le rabbin Moshe Gutnick a admis ne pas avoir appelé la police quand un juene garçon l’avait contacté il y a 20 ans pour lui parler d’une agression sexuelle à la yeshiva de Bondi.
Le rabbin Gutnick, qui est à la tête de l’Organisation des Rabbins d’Australasie, a déclaré avoir reçu un appel téléphonique anonyme et alerté la direction de la yeshiva au sujet des accusations du garçon. Il a dit que, avec le recul, il aurait « probablement appelé la police.»
Il semble que le rabbin Gutnick a dit à la police de Bondi tout ce dont il pouvait se souvenir de l’appel téléphonique. Dans une déclaration publiée dans l’Australian Jewish News cette année, il a affirmé «se sentir très triste de ne pas avoir reconnu ce que j’ai su seulement maintenant être un légitime appel à l’aide.»
“Je lance un appel à toute la communauté – aux victimes et à leurs parents, aux membres de la communauté et à ses leaders. Si vous avez des informations, rapprochez vous de la police SVP. N’ayez pas peur,» a exhorté le rabbin Gutnick.
Le Sydney Yeshiva Centre a indiqué qu’il a mis en place une politique globale de protection de l’enfance et que le centre s’est mis en relation avec la police concernant les allégations. Dans une déclaration, le centre a affirmé «condamner sans équivoque toute forme de violence» et qu’il assume ses responsabilités en matière de sécurité des enfants avec la plus grande vigilance.
“La Yeshiva… s’est toujours efforcée de se conformer pleinement à ses obligations légales et morales en matière de sécurité des enfants.»
Fairfax media peut aussi révéler que les membres de la famille de l’homme vise par l’enquête de la police pour les incidents à la yeshiva de Bondi sont de gros soutiens financiers de la communauté ultra-orthodoxe de Monsey à New York dont le chef spirituel est le rabbin Lesches.
L’agresseur présumé avait aussi été nommé au conseil d’administration d’une entreprise australienne qui fournit du matériel éducatif pour les élèves juifs plusieurs années après qu’il ait agressé des garçons.
L’agresseur présumé a été hébergé ces dernières années par une importante organisation juive d’action sociale de los Angeles, des emails de 2011 entre cet homme et un des cadres supérieurs de l’organisation montrant qu’il risquait de voir révélé son passé à Sydney.
«Je n’ai aucune idée de comment quelqu’un vous a retrouvé – mais des appels arrivent quotidiennement de nombreux endroits. Pour l’instant nous vous avons protégé» avait écrit un dirigeant de l’organisation de Los Angeles dans un email destiné à l’homme [l’agresseur présumé].