Voilà maintenant un moment que j’ai commencé à traduire le texte que je vous propose, mais mon ordinateur n’a pas arrêté de me faire des misères, s’arrêtant souvent de manière impromptue et refusant obstinément de rédémarrer.
J’espère ne pas trop m’avancer en écrivant que j’arrive finalement au bout de cet article qui reste néanmoins intéressant parce que c’est un des rares articles de la presse grand public américaine qui met sérieusement en question les rapports des services secrets occidentaux supposés justifier une agression contre la Syrie.
Ce n’est donc pas pour rien si Vladimir Poutine a traité John Kerry de menteur, un menteur étant une personne qui assène une contre vérité en toute connaissance de cause.
Quitte à proférer un mensonge en effet, autant en proférer un très gros.
- Alors, convaincus les enfants?
La décision par la France d’une action militaire (illégale) est donc soumise non seulement au bon vouloir des autorités américaines, mais aussi aux pseudo preuves produites par l’appareil de propagande de Washington.
par Hannah Allam et Mark Seibel | McClatchy (USA) 3 septembre 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri
Le dossier rendu public par l’administration Obama pour [justifier] une attaque contre la Syrie est truffé d’incohérences et repose principalement sur des preuves indirectes, ce qui nuit aux efforts de cette semaine pour rallier le soutien de l’opinion publique aux Etats Unis et à l’étranger pour une frappe contre le régime de Bachar al-Assad.
Le dossier exposé par le Secrétaire d’Etat John Kerry vendredi contenait des assertions qui ont été contestées par les Nations Unies, incohérent dans certains de ses aspects avec les rapports des services de renseignements français et britannique, ou n’ayant pas la transparence suffisante pour être pris pour argent comptant par les spécialistes de l’armement chimique.
Après les affirmations mensongères sur les armes [de destruction massive] qui avaient précédé l’invasion de l’Irak sous le commandement des Etats Unis, on attend des preuves extrêmement solides pour tout soutien à une intervention militaire. Et si peu contestent l’utilisation d’un agent chimique pendant l’attaque du 21 août dans la périphérie de Damas – et sans doute à une plus petite échelle auparavant –de nombreux secteurs de l’opinion demandent des preuves scientifiques et indépendantes avant de soutenir la version des Etats Unis selon laquelle le régime d’Assad a utilisé du gaz sarin dans une opération qui a tué 1429 personnes, dont plus de 400 enfants.
Quelques un des arguments des Etats Unis qui posent question:
L’administration Obama a rejeté la validité d’une équipe d’inspection de l’ONU en soutenant que ces enquêteurs étaient arrivés trop tard pour que leurs conclusions soient crédibles et qu’ils n’apporteraient aucune information dont les Etats Unis ne disposaient pas déjà.
Le porte parole de l’ONU Farhan Haq a rétorqué qu’il était «rare» qu’une telle enquête débute dans un laps de temps aussi court et il a affirmé que «ce genre de délai d’à peine quelques jours n’affecte pas la possibilité de collecter des échantillons exploitables» selon le site web de l’ONU. Par exemple, a ajouté Haq, le sarin peut être décelé dans des prélèvements biomédicaux plusieurs mois après son utilisation.
Les Etats Unis affirment que du sarin a été utilisé lors de l’attaque du 21 août, citant à l’appui des tests positifs sur le sang et les cheveux des premières personnes à porter secours – des échantillons «qui ont été fournis aux Etats Unis,» a déclaré Kerry dimanche à la télévision sans préciser les modalités de recueil des échantillons.
Les spécialistes dissent que les preuves se dégradent avec le temps, mais il est tout simplement faux de prétendre qu’une enquête conduite cinq jours après une attaque présumée serait sans valeur. Comme l’observait un article du New York Times, deux organisations de défense des droits de l’homme avaient dépêché une équipe de médecine légale dans le nord de l’Irak en 1992 et avaient trouvé des traces probantes de gaz sarin ainsi que de gaz moutarde – quatre ans après une attaque à l’arme chimique.
Les assertions américaines ont aussi été contestées dans une synthèse des services de renseignements que le gouvernement britannique a rendue publique la semaine dernière. «Il n’y a pas de délai connu au-delà duquel des échantillons environnementaux ou physiologiques seraient dégradés au point de ne plus être exploitables,» selon le rapport qui a été distribué au parlement avant le vote qui a refusé une participation de la Grande Bretagne à toute frappe [contre la Syrie].
Un autre point contesté est celui du bilan des victimes causes par les attaques présumés du 21 août. Ni les propos de Kerry, ni la version déclassifiée du rapport des services secrets sur lequel il s’appuie n’expliquent comment il est parvenu à un bilan de 1429 morts, dont 426 enfants. L’unique référence [pour ce bilan] était «une évaluation gouvernementale préliminaire.»
Anthony Cordesman, un ancien haut fonctionnaire de la défense qui collabore maintenant avec le Center for Strategic and International Studies de Washington, s’est intéressé à ces discordances dans un essai publié dimanche.
Il a critiqué Kerry pour s’être «fourvoyé en donnant le chiffre beaucoup trop précis» de 1429, et il a observé que ce chiffre ne correspondait pas avec l’estimation britannique de «au moins 350 tués» ou avec celles d’autres sources de l’opposition syrienne, plus exactement de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme qui a confirmé 502 morts dont près d’une centaine d’enfants et des «dizaines» de combattants rebelles, et il [Cordesman] a exigé que Kerry divulgue les noms des victimes prises en compte dans le bilan établi par les USA.
“Le président Obama a alors été obliqé d’arrondir le nombre à ‘bien plus de 1 000 personnes’ – créant ainsi un nœud de contradictions sur les faits les plus basiques,» écrit Cordesman. Il ajoute que cette bévue n’était pas sans rappeler «les erreurs que les Etats Unis avaient commises en préparant le discours sur l’Irak du Secrétaire d’Etat ‘Colin° Powell à l’ONU en 2003.
Une version déclassifiée d’un rapport des services de renseignements français sur la Syrie qui a été rendu public lundi n’a pas vraiment clarifié les choses; la France a confirmé seulement 281 tués même si elle partage largement l’avis des Etats Unis sur l’utilisation d’armes chimiques par le régime pour l’attaque du 21 août.
Une autre assertion de l’administration américaine qui fait sourciller est celle selon laquelle les services de renseignements US ont «recueilli de nombreux renseignements humains, électroniques et spatiaux » qui montrent que le régime avait préparé son attaque trois jours à l’avance. Le rapport US affirme que des militaires gouvernementaux se trouvaient dans une zone connue pour servir à «mélanger des armes chimiques, dont le sarin» et que les forces du régime s’étaient préparées pour l’attaque du 21 août en mettant des masques à gaz.
Cette affirmation soulève deux questions: pourquoi les Etats Unis n’ont-ils pas prévenu les rebelles de l’attaque imminente et sauvé ainsi des centaines de vies? Et pourquoi l’administration [Obama] est-elle restée silencieuse sur cette activité suspecte quand au moins en une occasion précédente les officiels US avaient provoqué un remue ménage international après avoir observé des agissements semblables ?
Le 3 décembre 2012, après que des officiels américains eurent affirmé avoir décelé que la Syrie mélangeait des ingrédients pour des armes chimiques, le président Barack Obama avait à nouveau averti Assad que l’utilisation de telles armes serait l’inacceptable franchissement de la ligne rouge qu’il avait imposée l’été de cette année là. La secrétaire d’Etat de l’époque, Hillary Clinton avait renchéri, et l’ONU avait retiré de Syrie ses personnels non indispensables.
L’activité suspecte du mois dernier n’a cependant été évoquée publiquement qu’après l’attaque meurtrière. Et des personnalités de l’opposition affirment que les rebelles n’avaient pas été avertis à l’avance afin de pouvoir protéger les civils du secteur.
“Quand j’ai lu le memo de l’administration, c’était très convaincant, mais ils étaient au courant trois jour savant l’attaque et ils n’ont jamais prévenu personne dans le secteur,” déclare Radwan Ziadeh, un militant syrien d’opposition qui anime le Syrian Center for Political and Strategic Studies à Washington. «Tout le monde [à Washington] avait cette preuve mais ils n’ont rien fait ? »
Chez les spécialistes en armes chimiques et d’autres analystes qui ont étudié de près le champ de bataille syrien, la principale réserve quant aux affirmations des Etats Unis, tient au fait qu’ils ne comprennent pas la méthodologie derrière le recueil d’informations. Ils disent que les preuves présentées indiquent l’utilisation d’une substance chimique, mais ils considèrent que des questions demeurent sur la manière dont les renseignements ont été collectés, l’intégrité de la chaîne de transmission des échantillons ainsi que sur les laboratoires impliqués.
Eliot Higgins, un Britannique qui fait la chronique de la guerre civile en Syrie sur la blog Brown Moses, une ressource documentaire fréquemment citée sur les armes observées sur le champ de bataille syrien, a écrit lundi un poste où il énumère en détail les photographies et les vidéos qui semblent étayer la thèse des USA selon laquelle le régime d’Assad dispose de munitions qui peuvent servir de vecteurs pour des armes chimiques. Mais il n’est pas allé jusqu’à franchir le pas.
Sur le blog, Higgins demande: “Comment savons-nous que ce sont des armes chimiques? C’est ce que nous ne savons pas. Comme je l’ai dit tout le temps, ce sont des munitions qu’on a lié à de présumées attaques chimiques, pas des munitions chimiques utilisées dans des attaques chimiques. Il revient en définitive à l’ONU de confirmer l’utilisation d’armes chimiques.»
Les lacunes du dossier ont déjà permis à la Russie de rejeter les preuves américaines comme «non concluantes,» le ministre des affaires étrangères Serguei Lavrov déclarant dans un discours lundi qu’on avait montré à Moscou «quelques éléments mais qu’il n’y avait rien de concret, pas de coordonnées géographiques ou de détails.. et aucune preuve que les tests [en laboratoire] avaient été pratiqués pas des professionnels » selon l’agence officieuse de presse RT news.
“Quand nous demandons plus d’éclaircissements, nous recevons la réponse suivante: ‘vous savez que ce sont des informations classifies; alors nous ne pouvons pas vous les montrer,’” a déclaré Lavrov. « Il n’y a donc toujours pas de faits concrets.»
Les propos de Lavrov venaient rappeler que la Russie, un des derniers alliés d’Assad, était lin d’être suffisamment convaincue pour mettre un terme à ses blocages répétés des résolutions onusiennes contre le régime syrien.
Mais le scepticisme existe aussi chez des pays armes des Etats Unis, comme la Jordanie qui a refusé d’approuver une action [militaire] tant qu’elle n’aura pas étudié les conclusions des inspecteurs en armement chimique de l’ONU, et le Royaume Uni où le parlement a voté contre une intervention avant même la divulgation par les Etats Unis d’un rapport des services de renseignements qui contredisaient celui rendu public la veille par les autorités britanniques.
On ne sait pas trop quel a été le poids des preuves fournies dans la décision du parlement ; on est aussi très préoccupé [en Grande Bretagne] par toute éventuelle intervention conduite par les Etats Unis après l’expérience irakienne.
Les Etats Unis ont reçu un coup de pouce lundi donné par le chef de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, qui a déclaré à une conférence de presse qu’il avait vu des « informations concrètes » qui l’ont convaincu de la responsabilité du régime d’Assad pour ce qui ressemble à une attaque chimique qui a tué des centaines de personnes en août.
Rasmussen a dit que si le monde ne réagissait pas, il enverrait un «signal dangereux aux dictateurs,» mais il a laissé aux Etats membres de l’OTAN le soin de décider de leurs propres réponses et il n’a pas plaidé pour une action autre que la protection de l’Etat membre qu’est la Turquie frontalière de la Syrie.
Les allies des Etats Unis dans le monde arabe et en Europe ont annoncé qu’ils préféraient repousser le moment d’une éventuelle frappe militaire après la publication de ses conclusions par l’équipe d’inspection de l’ONU. L’ONU a pour mandat de déterminer si des armes chimiques ont été utilisées, mais pas de désigner le coupable. Les officiels de l’ONU ont indiqué qu’ils essayaient d’accélérer l e travail de l’équipe d’inspection tout en assurant l’intégrité de la procédure.