mardi 4 mars 2014

Le presbytère n'a rien perdu de son charme ni le boycott du sionisme de son éclat

La publication d'un long article sur ce qui touche à la Palestine et au conflit arabo-sioniste n'est pas chose fréquente dans la presse américaine, en dehors des journaux des grandes métropoles que sont Washington, New York et Los Angeles. Du moins quand cet article ne figure pas dans la rubrique opinion ou courrier des lecteurs.
C'est pourtant le cas cette fois ci avec ce papier paru dans un journal de Pittsburgh, une ville de Pennsylvanie peuplée d'un peu plus de 300 000 habitants et qui fut longtemps la capitale de l'industrie de l'acier aux Etats Unis.
L'article ne traite cependant pas directement du conflit du Moyen Orient mais des prises de position de l'église presbytérienne sur ce conflit, notamment sur les questions du boycott et du désinvestissement.
En effet, après avoir hésité à prôner le boycott et à retirer ses investissements , l'église presbytérienne semble décidée à aller de l'avant sur ce dossier ainsi que le signalent deux événements récents. Nous avons d'abord une déclaration d'une haute instance de cette église qui recommande de retirer les fonds qu'elle a investis dans trois entreprises qui participent à l'oppression du peuple palestinien (Motorola, Caterpillar et Hewlet Packard). Et surtout, l'église vient de rendre public un guide d'étude de la question du Moyen Orient destiné à servir de base à la réflexion des fidèles et des pasteurs.
Ce guide ne constitue donc pas une position officielle de cette église qui se caractérise par un fonctionnement dans lequel les orientations sont prises collectivement dans le cadre de synodes ou assemblées générales.
Les représentants du sionisme aux Etats Unis se sont vivement émus du contenu de ce guide, ce qu'on peut parfaitement comprendre dans la mesure où il n'éhésite pas à remettre en cause la validité des fondements mêmes du sionisme sur le plan religieux tout comme il le disqualifie politiquement .
Une évolution qui n'est pas sans rappeler celle qu'a connue récemment l'église mère en Ecosse qui a réfuté théologiquement les prétentions sionistes dans un rapport publié au premier semestre 2013. L'église d'Ecosse est en quelque sorte la maison mère du presbytérianisme qui ne représente que 4  des 100 millions de Protestants que comptent les Etats Unis.
Eglises presbytériennes à Pittsburgh
Eglises presbytériennes à Pittsburgh
4 millions, c'est à la fois peu et beaucoup si on considère que les fidèles de cette église appartiennent généralement à des couches sociales aisées et instruites qui s'engagent donc volontiers et savent se faire entendre.
Et c'est aussi beaucoup si on tient compte du poids historique de l'église presbytérienne qui a servi de modèle aux autres églises protestantes et de la relative porosité qui existe entre les divers cultes protestants aux Etats Unis.

par Peter Smith / Pittsburgh Post-Gazette (USA) 22 février 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri
 Un groupe chargé par l'Eglise presbytérienne des Etats Unis de promouvoir « une paix juste en Israël/Palestine » publie un guide d'étude qui contient des descriptions du sionisme comme une hérésie à la racine de la crise du Moyen Orient.
Dans le même temps, une haute instance dirigeante recommande le retrait par l'église de ses investissements dans trois sociétés liées à l'occupation par Israël de territoires palestiniennes.
Ces deux démarches, quoique menées séparément dans les dernières semaines ont été saluées par les partisans de la cause palestinienne mais ont combiné leurs effets pour déstabiliser les relations entre les Presbytériens et les Juifs, aussi bien au niveau local que national.
 Des représentants de l'Eglise Presbytérienne de Pittsburgh – une des plus importantes organisations de cette église au niveau national – ont rencontré des responsables juifs locaux la semaine dernière pour discuter des controverses.
« Nous avons redécouvert ce que nous savions déjà, à savoir notre accord fondamental [avec les organisations juives, NdT] sur à une solution du problème avec deux Etats, et notre accord fondamental sur la caractère intolérable de la situation des Palestiniens telle qu'elle est et la nécessité de la corriger » déclare le Révérend Sheldon Sorge, ministre général du culte pour l'Eglise Presbytérienne.
 Sans être une déclaration officielle de l'église, le guide d'étude, « Zionism Unsettled » [en suspens ou déréglé?] représente le travail d'un groupe créé il y a dix ans par l'Eglise Presbytérienne de Pittsburgh. Les 72 pages illustrées du guide, produit par l'Israel/Palestine Mission Network of the Presbyterian Church (U.S.A.) dénonce ce qu'il qualifie de'années de discussions stérieles pour une solution à deux Etats, expliquant qu'Israël a de facto cré un seul Etat qui opprime les Palestiniens dans le style de l'apartheid. Il dénonce le « nettoyage ethnique «  des Palestiniens chassés par Israël de centaines de villes et villages en 1948 et affirme que cet Etat est lee résultta d'une « relation toxique entre théologie et politique ».
Gregg Roman, directeur du Conseil des Relations Communautaires de la Fédération Juive du Grand Pittsburgh, déclare avoir compris que le guide d'étude "n'est pas quelque chose qui émane de la base [des prêtres et des fidèles, NdT]." Mais il l'a appelé "un cours accéléré pour plaider la disparition de l'Etat juif."
Il explique que quand on le lit, c'est « comme si aucune guerre n'était menée contre Israël, comme s'il n'y avait pas des campagnes teroristes par des organisations comme le Hezbollah et le Hamas... et il ignore le fait que les Israéliens... et la communauté juive américaine soutiennent une solution à deux Etats. »
 Parmi les organisations juives d'envergure nationale, l'Anti-Defamation League déclare que le guide d'étude est peut-être « le document le plus antisémite produit par une grande église américaine de mémoire récente », tandis que Steve Gutow, président du Jewish Council for Public Affairs l'a qualifié de « digne d'une organisation raciste [hate group], pas d'une importante église américaine. »
La direction de l'Eglise Presbytérienne au niveau national a également pris ses distances avec la publication, insistant sur le caractère décentralisé de presbytérianisme. Quoique produite par une émanation officielle de l'église et vendue via le réseau de distribution à domicile de l'Eglise Presbytérienne, le rapport est publié à l'intention de l'église plutôt qu'en son nom, déclare Linda Valentine, directrice exécutive de la Presbyterian Mission Agency,qui supervise la plupart des buraux de l'église au niveau national depuis son siège à Louisville dans le Kentucky.
La politique de notre église consiste en « appels à un règlement négocié entre Israël et la Palestine et le droit pour chaque Etat d'exister dans des frontières sûres et reconnues, » écrit Mme Valentine. « L'église a condamné les actes violences des deux parties au conflit, ainsi que l'occupation illégale de territoires palestiniens par des colonies israéliennes. Notre église a fermement condamné l'antisémitisme sous toutes ses formes, dont le refus de reconnaître l'existence légale d'Israël. Dans le même temps, nous pensons que la condamnation des injustices perpétrées au nom de l'Etat d'Israël,... ne constituent pas de l'antisémitisme. »
 'Un déséquilibre chronique'
Martha Reese de l'Illinois, qui fait partie de l'équipe rédactionnelle de « Zionism Unsettled », déclare dans un entretien que le guide essaye de « corriger un déséquilibre chronique dans la manière dont le conflit est compris. »
Elle explique que beaucoup d'Américains n'ont pas compris l'impact que le sionisme a eu sur les Palestiniens et qu'elle espère que les congrégations chrétiennes, juives et musulmanes se serviront du guide d'étude  « comme un outil pour engager de difficiles conversations. »
Mme Reese déclare que le réseau n'a pas de position officielle quant à savoir si la solution ultime est un ou deux Etats mais indique qu'il est en faveur de « l'autodétermination et de l'égalité. »
 Elle dit que la prise de position officielle des Presbytériens pour une solution à deux Etats doit être vue à la lumière de la prolifération de colonies juives en Cisjordanie. « Nous devons avoir la certitude que notre position offcielle est vraiment réaliste compte tenu de réalités changeantes. »
 Alors que certaines organisations protestantes conservatrices sont connues pour leur soutien farouche à Israël, les obédiences protestantes plus libérales critiquent depuis longtemps son occupation de territoires palestiniens en Cisjordanie. Pour les Presbytériens, le débat s'est accéléré en 2004 quand leur assemblée générale approuva des démarches en vue de retirer des investissements en Israël liés à son occupation [des territoires palestiniens].
Ce qui avait provoqué une vive réaction de la part de dirigeants juifs et de nombreux Presbytériens qui considéraient que c'était apporter une caution morale au mouvement plus large dans les campus universitaires et ailleurs pour appliquer des pressions économiques sur Israël. Des assemblées réunies par la suite avaient fait machine arrière tout en appelant à des investissements promouvant la paix dans la région, et d'autres obédiences protestantes ont aussi envisagé avant de reculer sur cette question du désinvestissement.
 En 2012, une assemblée presbytérienne avait rejeté à une majorité de deux voix seulement une proposition de retrait des fonds de l'église investis dans Motorola Solutions, Caterpillar et Hewlet Packard parce que ces entreprises sont des fournisseurs des forces israéliennes et des colons juifs en Cisjordanie occupée. Elle avait cependant recommandé un boycott des produits fabiqués en Cisjordanie occupée par Israël.
 Début février, la Presbyterians' Mission Agency a recommandé à nouveau que la prochaine assemblée générale prévue pour juin 2014 retire ses investissements de ces trois entreprises après qu'un rapport de l'église a conclu qu'elles « s'enferraient dans leur participation à des activités non pacifiques. »
Le Révérend Randy Bush, pasteur de l'East Liberty Presbyterian Church dit ne pas avoir encore lu le guide d'étude et donc ne pas pouvoir en parler. Mais il affirme que le désinvestissement pourrait aider à freiner l'expansion des colonies israéliennes et du mur de séparation sur les terres palestiniennes. « Nous avons observé un e consolidation de politiques qui rendent la paix plus difficile, » dit-il.
 Si les organisations pro-israéliennes ont critiqué la proposition de désinvestissement, elles prêtent plus d'attention ces jours-ci à « Zionism Unsetteld » qui, selon elles, va plus loin qu'appeler Israël à se retirer sur les frontières d'avant son occupation de la Cisjordanie en 1967.
En fait, le guide d'étude remet en cause la légitimité même du projet sioniste, en observant qu'il est enraciné dans la croyance en un « exceptionnalisme » - selon lequel son groupe d'appartenance religieuse est plus important que n'importe quel autre.
 « L'exceptionnalisme théologique et éthique du sionisme juif et chrétien... ont été soustraits au débat public malgré les inadmissibles violations des droits humains qui trouvent racine dans leurs croyances fondamentales, » lit-on dans le guide.
« Le défi posé aux relations inter-religieuses est de trouver un moyen de respecter les différences théologiques et les expériences historiques qui leur ont donné naissance tout en les empêchant de devenir des excuses pour l'injustice. »
Une section du guide rédigée par le Révérend Naim Ateek – pasteur anglican et directeur du Sabeel Ecumenical Liberation Center, une organisation chrétienne palestinienne influente à Jérusalem-Est – ajoute que « le sionisme est le problème. » Il le qualifie d'hérésie qui « commet une injustice théologique par son appel à Dieu, à l'histoire et à la race. »

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