jeudi 23 juillet 2009

"Tuez Khaled", ou la pratique de la censure en démocratie libérale

En 1997, les services secrets sionistes (Mossad) avaient tenté d’assassiner en l’empoisonnant Khaled Meshaal le leader du Hamas qui était l’hôte du roi de Jordanie.
Cette affaire fait curieusement l’objet d’une large amnésie dans la presse française (faites une recherche dans google si vous ne me croyez pas). Amnésie qui sera peut être résorbée si «Kill Khalid», un livre du journaliste Australien Paul McGeough vient à être proposé en langue française. McGeough traite en effet à fond de ce dossier qu’il replace d ans le contexte de l’émergence du Hamas en tant que force incontournable dans l’espace politique palestinien et international.
Justement, The First Post en Grande Bretagne s’interroge sur le sort fait à ce livre par la presse britannique car si l’ouvrage a trouvé un éditeur, il peine à trouver des journaux pour en rendre compte dans ce qu’on appelle les revues critiques et a également du mal à se frayer un chemin vers les étagères des libraires.
Or, non seulement McGeough est un journaliste réputé mais, si on en croit The First Post, le livre est de qualité. Avis d’ailleurs partagé par une critique élogieuse aux Etats Unis.

Alors que se passe-t-il au Royaume Uni ? The First Post est magnanime car autant que les groupes de pressions sionistes, il incrimine la crise économique qui empêcherait les journaux d’assumer le travail de justifications que ne manqueraient pas de leur infliger les mêmes groupes de pression. Et ceci concernerait tous les sujets portant à polémique...
Or, nous savons bien ce qu’il en est puisque les mêmes journaux qui évitent de parler de ce sujet controversé n’hésitent pas à affronter des groupes de pression ou certains secteurs de la population comme on l’a vu au moment de la publication des caricatures de Mahomet.

En somme, nous avons là encore une illustration de la manière dont la censure opère dans les démocraties libérales.


Khaled Meshaal, malade après avoir été empoisonné

par des agents du Mossad, est transféré à l'hôpital


Malgré des critiques élogieuses aux Etats Unis, le livre de Paul McGeough sur une tentative d’assassinat ratée du Mossad a été ignoré par les médiats britanniques.
Par Philip Knightley, The First Post (UK) 21 juillet 2009 traduit de l’anglais par Djazaïri


En avril dernier, Quartet Books a publié « Tuez Khaled : l’échec de l’assassinat de Khaled Meshaal et l’ascension du Hamas » [Kill Khalid: The Failed Assassination of Khalid Mishal and the Rise of Hamas]. Il a été écrit par le correspondant de guerre Paul McGeough, un spécialiste du Moyen Orient.
La sortie du livre aux USA a été accompagnée de critiques enthousiastes. J’avais entendu parler de McGeough et même si je ne le connaissais pas, quand on m’a demandé d’écrire une citation pour la jaquette du livre, j’ai lu le manuscrit et ai été heureux de le faire.

J’ai découvert un livre exceptionnel et des plus passionnants – une histoire politique sérieuse que l’auteur a rendue sous la forme d’un thriller à rebondissements. Au coeur de l’ouvrage, se trouve le récit de la manière dont, en 1997, les services secrets israéliens du Mossad ont tenté d’assassiner Khaled Meshaal, le chef du Hamas, en plein jour dans les rues d’Ammam en Jordanie. Sous couvert d’ouvrir une canette de coca-cola, les assassins avaient pulvérisé un poison violent dans son oreille.

Mais les agents du Mossad n’avaient pas pu s’enfuir. Les gardes du corps de Khaled [Meshaal] réussirent à en capturer deux et les autres durent se réfugier dans l’ambassade israélienne. Alors que Meshaal sombrait dans le coma, des troupes jordaniennes cernèrent l’ambassade israélienne et, après les protestations d’un roi Hussein de Jordanie furieux, Bill Clinton fit pression sur le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour qu’il tente de régler le problème.

Netanyahu avait d’abord affirmé qu’il était trop tard pour annuler les effets du poison. Mais quand Hussein ajouta la menace qu’en cas de décès de Meshaal, les agents du Mossad détenus par la Jordanie seraient tous pendus, l’antidote fut rapidement fourni. Meshaal survécut, de justesse, et le cadre de son ascension politique phénoménale était mis en place.
Contenant des entretiens avec tous les acteurs importants, dont une rencontre sans précédent avec Meshaal lui-même, le livre de McGeough retrace l’histoire du Hamas à travers une décennie d’attentats suicide, de luttes politiques internes et d’accroissement du soutien populaire, culminant avec le bataille pour Gaza en 2007 et l’impasse politique actuelle.

C’est un livre sérieux avec un message important sur une des zones du monde les plus sensibles. Après deux excellentes revues dritiques – dans la London Review of Books et dans le Times Literary Supplement – il a été pratiquement ignoré.

Le responsable de Quartet Books, Naim Attallah, s’en est inquiété au point de contacter les rédactions littéraires de toutes les publications importantes. La plupart lui ont dit ne pas envisager de rendre compte du livre. De plus, ses agents commerciaux l’ont informé que certaines librairies étaient réticentes à l’avoir même en stock.

Attallah a alors émis un communiqué de presse accusant les milieux du livre d’une « tactique non dite » pour limiter la circulation du livre auprès du public en raison d’une décision de « rejeter le Hamas dans la trappe des ‘organisations terroristes’ sans prendre sérieusement en considération ses aspects valables en tant que voix partie prenante au débat.»

Il a ajouté : «Quiconque espère la paix au Moyen Orient doit certainement admettre que le Hamas est complètement partie prenante de toute avancée vers un accord de paix. Aucun progrès ne peut être accompli sans son implication.»
Il est difficile d’identifier les motivations d’organisations pour leur inaction dans n’importe quelle controverse. Mais il me semble que dans ce cas, l’establishment littéraire britannique doit répondre. Je pense qu’il a développé un état d’esprit défavorable à la controverse. Le Hamas a été désigné comme une ‘organisation terroriste.’ A partir de là, rendre compte d’un livre sur une ‘organisation terroriste’ amènerait un critique littéraire à prêter le flanc à la critique.

En outre, cela pourrait provoquer les protestations d’une des nombreuses organisations qui soutiennent Israël. Il faudrait y répondre.
Des memos devraient être échangés et des lettres écrites.

Dans une époque de coupes dans le personnel et le budget, plus d’un chef de rubrique littéraire doit être tenté de décider que rendre compte d’un livre prêant à controverse tel que 'Kill Khalid'.

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