Le récent attentat d'Alexandrie contre une église fréquentée par des Coptes Egyptiens [pardonnez le pléonasme puisque que Copte signifie précisément Egyptien] a ému beaucoup de monde, et pas seulement M. Sarkozy.
Les condamnations de cet acte se sont multipliées à juste titre de par le monde, ce qui ne dispense bien entendu pas d'analyser les faits.
C'est précisément ce que tente de faire Hani Shukrallah dans un article qui fait explicitement référence, jusque dans son titre, au fameux plaidoyer dreyfusard d'Emile Zola.
Ce texte mérite d'être lu avec attention car son auteur pointe du doigt l'arrière-fond politique dans lequel s'insère la tuerie commise à Alexandrie. Car Hani Shukrallah accuse en premier lieu, non les assassins membres présumés d'al Qaïda, mais le gouvernement égyptien lui-même, un régime autoritaire ami de l'Europe et des Etats Unis et qui n'a rien trouvé de mieux à faire pour neutraliser ses opposants que de pratiquer une surenchère sectaire. Shukrallah nous renvoie donc incidemment aux dernières élections massivement truquées au pays de Pharaon, sans que cela n'émeuve beaucoup en Occident.
C'est effectivement une lecture politique à laquelle doit inciter ce tragique événement.. Shukrallah nous y invite même si son approche est loin d'aller au fond des choses car l'Egypte est un pays avec ses contradictions internes mais aussi un pays complètement dépendant de puissances étrangères. Ce n'est sans doute pas l'objet de son texte, ce qu'on peut volontiers admettre
On ne saurait néanmoins comprendre la surenchère anti-copte uniquement par la volonté de concurrencer les « islamistes » sur le terrain de l'attachement à la religion musulmane. Il faudrait aussi interroger les dynamiques au niveau des élites et s'intéresser à la concurrence comme aux alliances entre les élites coptes et non coptes sur le terrain économique. Il n'est pas nécessaire de séjourner longuement en Egypte pour constater la pauvreté dans laquelle vit une grande majorité de ses habitants. Comme on peut constater également l'importance des Coptes notamment dans le commerce lié à la fréquentation touristique de ce pays. Mais les Coptes sont présents aussi dans le grand business ainsi qu'on peut le voir avec l'entreprise Orascom.Les condamnations de cet acte se sont multipliées à juste titre de par le monde, ce qui ne dispense bien entendu pas d'analyser les faits.
C'est précisément ce que tente de faire Hani Shukrallah dans un article qui fait explicitement référence, jusque dans son titre, au fameux plaidoyer dreyfusard d'Emile Zola.
Ce texte mérite d'être lu avec attention car son auteur pointe du doigt l'arrière-fond politique dans lequel s'insère la tuerie commise à Alexandrie. Car Hani Shukrallah accuse en premier lieu, non les assassins membres présumés d'al Qaïda, mais le gouvernement égyptien lui-même, un régime autoritaire ami de l'Europe et des Etats Unis et qui n'a rien trouvé de mieux à faire pour neutraliser ses opposants que de pratiquer une surenchère sectaire. Shukrallah nous renvoie donc incidemment aux dernières élections massivement truquées au pays de Pharaon, sans que cela n'émeuve beaucoup en Occident.
C'est effectivement une lecture politique à laquelle doit inciter ce tragique événement.. Shukrallah nous y invite même si son approche est loin d'aller au fond des choses car l'Egypte est un pays avec ses contradictions internes mais aussi un pays complètement dépendant de puissances étrangères. Ce n'est sans doute pas l'objet de son texte, ce qu'on peut volontiers admettre
Tout ceci aurait pu évoluer différemment dans une société plus démocratique, capable de fixer un horizon de progrès pour la grande majorité de ses citoyens. Ce n'est pas le cas en Egypte et le populisme malsain d'un pouvoir entretient une fibre ultra-chauvine qu'on a vue à l'œuvre lors des matchs de qualification pour la dernière coupe du Monde de football mais qui s'exprime aussi à l'intérieur du pays. Un pouvoir tenu à bout de bras par les Etats Unis…
Certes, le pouvoir égyptien et ses affidés ne sont pas derrière les attentats anti-coptes mais ces agressions sont comme des coins qui viennent se ficher dans des fêlures de la société déjà présentes et contribuer à leur élargissement.
Ce récent attentat est par ailleurs à situer dans le contexte de l'évolution de la situation en Irak avec les graves agressions qui ont touché des Chrétiens de ce pays. Déjà, la pseudo revendication islamiste avait évoqué les Coptes. Comme quoi, il y a bien un dessein pour les sociétés de la région et les Chrétiens qui en font partie. Et ce dessein n'a certainement pas été formé par des Musulmans et certes pas comme certains tenteront peut-être de le faire croire, par les Frères Musulman dont la vision politique est sans doute plus démocratique et plus moderne que celle de ceux qui sont actuellement aux manettes au Caire. Hors ce dessein, fomenté à l'étranger, il est impossible de comprendre comment des gens qui ont vécu plutôt sereinement dans la région depuis l'avènement du christianisme (car nous avons là les premiers Chrétiens de l'histoire) en viendraient tout à coup à être considérés comme des éléments à extirper.
Ce qu'on peut noter par contre, c'est qu'aujourd'hui un chef d'Etat comme le président Français Nicolas Sarkozy retrouve des accents qu'on croyait perdus et qui nous ramènent en plein 18ème et 19ème siècle quand les puissances occidentales dont la France (laïque ou pas) au premier chef se présentaient comme les protectrices des minorités chrétiennes de la région (sauf la minorité chrétienne palestinienne comme on le sait). Ce sont précisément ces interventions européennes qui ont ouvert les premières fêlures de ces sociétés. Fêlures que les mouvements de gauche de type séculier (nassérisme, baathisme notamment) ont paru colmater un temps dans une nouvelle dynamique. Ce fut une chance historique pour les pays arabes mais comme on le sait, l'échec de ces partis a été scellé en 1967. Grâce à l'Occident et à un de ses rejetons.
Nous sommes donc probablement à la veille de grandes manœuvres interventionnistes au Moyen Orient. Quoique ces manœuvres ont lieu depuis longtemps, avec la colonisation sioniste, les agressions sionistes contre le Liban, la Syrie, l'occupation de l'Irak et de l'Afghanistan par les Etats Unis ; les sanctions onusiennes et/ou unilatérales contre l'Iran, les bombardements pratiqués quotidiennement par les Etats Unis au Pakistan !
J'ai personnellement l'impression que ce sont tous les habitants de la région, Musulmans en majorité, qui sont victimes d'agressions !
Pour conclure, je renvoie volontiers vers les intéressantes analyses de Yahia Gouasmi ou des Indigènes de la République.
La guerre des "civilisations" a commencé, et ce ne sont pas les Arabes ou les Musulmans qui l'ont déclenchée. Elle a commencé en réalité formellement avec la déclaration Balfour.
J'accuse
par Hani Shukrallah, Al-Ahram (Egypte) 1er Janvier 2011 traduit de l'anglais par Djazaïri
L'hypocrisie et les bonnes intentions n'empêcheront pas le prochain massacre. Seules une introspection sans complaisance et une ferme résolution à affronter l'ignominie qui nous ronge le permettront.
Nous allons nous rejoindre dans un chœur de condamnations. Ensemble, Musulmans et Chrétiens, gouvernement et opposition, Eglise et Mosquée, clercs et laïcs - nous allons tous nous lever et proclamer d'une seule voix une dénonciation sans équivoque d'al Qaïda, des militants islamistes, et des fanatiques musulmans de toutes tendances, variantes et couleurs, certains d'entre nous feront peut-être même l'effort supplémentaire de dénoncer l'Islam salafiste, le fondamentalisme islamique dans son ensemble, et l'Islam wahhabite qui est certainement une importation saoudienne entièrement étrangère à notre culture nationale égyptienne.
Et une fois encore, nous allons affirmer l'unité éternelle des "deux composantes de notre nation," et retrouver les accents de la révolution de 1919, avec sa bannière hissée montrant le croissant englobant la croix, offrant une expression symbolique de ce lien inaltérable.
Une bonne partie de tout cela ne sera que pure hypocrisie; une grande partie en sera nuancée de diverses manières de sorte à garder, juste sous la surface, une somme de préjugés étroits, un flagrant deux poids deux mesures et, en fait, une intolérance qui caractérise tant de ceux qui participent à la condamnation [de l'agression contre l'église].
Tout ceci sera vain. Nous sommes déjà passés par là, nous avons fait exactement la même chose, pourtant les massacres continuent, chacun plus horrible que le précédent, et le sectarisme et l'intolérance vont diffuser de plus en plus largement dans tous les secteurs et compartiments de notre société. Ce n'est pas si facile de vider l'Egypte de ses Chrétiens; leur présence ici est aussi vieille que le christianisme. Près d'un millénaire et demi de domination musulmane n'a pas éliminé la communauté nationale chrétienne, elle l'a plutôt maintenue suffisamment forte et suffisamment vigoureuse pour qu'elle joue un rôle essentiel dans le modelage de l'identité nationale, politique et culturelle de l'Egypte moderne.
Aujourd'hui cependant, deux cents ans après la naissance de l'Etat nation égyptien moderne, et au moment où nous entrons dans la deuxième décennie du 21ème siècle, ce qui semblait auparavant inimaginable semble ne plus être de l'ordre de l'inconcevable: une Egypte sans Chrétiens, où la croix aurait glissé hors de l'étreinte du croissant, et hors du drapeau qui symbolise notre identité nationale moderne. J'espère être mort depuis longtemps si ce jour doit arriver, mais mort ou vivant, ce sera une Egypte que je ne pourrais pas reconnaître et à laquelle je n'aurais aucun désir d'appartenir.
Je ne suis pas Zola, mais je peux aussi accuser. Et ce ne son pas les criminels sanguinaires d'al Qaïda où de n'importe quelle autre bande de truands impliqués dans l'horreur commise à Alexandrie qui me préoccupent.
J'accuse un gouvernement qui semble considérer qu'en faisant de la surenchère sur les islamistes il finira par les déborder.
J'accuse l'ensemble des députés et des officiels du gouvernement qui ne peuvent pas s'empêcher d'importer leurs propres mentalités sectaires au parlement, ou dans la multitude d'administrations publiques locales et nationales, à partir desquelles ils exercent sans contrôle une autorité à la fois brutale et désespérément inepte.
J'accuse ces personnages de l'Etat qui croient qu'en renforçant la tendance salafiste ils affaiblissent les Frères Musulmans, et qui aiment à l'occasion jouer sur les sentiments sectaires anti-coptes, un excellent moyen sans doute de détourner l'attention de problèmes politiques autrement plus importants.
Mais par dessus tout, j'accuse les millions de Musulmans supposés modérés parmi nous; ceux qui année après année sont de plus en plus marqués par les préjugés, le repli sur soi et l'étroitesse d'esprit.
J'accuse ceux d'entre nous qui accueilleraient avec colère une décision de stopper la construction d'un centre musulman près de Ground Zero à New York, mais applaudissent la police égyptienne quand elle interrompt la construction d'une cage d'escalier dans une église du district d'Omranya dans l'agglomération cairote.
J'étais dans les parages, et je vous ai entendu parler dans vos bureaux, dans vos clubs et dans vos soirées: "Les Coptes doivent recevoir une leçon," "Les Coptes sont de plus en plus arrogants," "les Coptes convertissent en secret des Musulmans," et dans un même souffle, « les Coptes empêchent des Chrétiennes de se convertir à l'Islam, ils les kidnappent et les enferment dans des monastères. »
Je vous accuse tous parce que dans votre sectarisme aveugle, vous êtes même incapables lde voir a violence que vous faites subir à la logique et au simple bon sens, d'oser accuser le monde entier de double standard à notre encontre et, en même temps, d'être complètement incapable de montrer un minimum de prise de conscience de votre flagrant double standard .
Et enfin, j'accuse les intellectuels de gauche, Musulmans comme Chrétiens, qui, par complicité, peur ou manqué de volonté de faire ou de dire ce qui pourrait déplaire aux "masses", sont restés de côté, trouvant suffisant de s'associer à un futile chorus de dénonciation après l'autre, alors même que les massacres s'étendent et deviennent de plus en plus horribles.
Il y a quelques années, j'avais écrit un commentaire dans le quotidien arabe Al-Hayat sur un éditorialiste de journal égyptien. Cet éditorialiste, dont j'ai depuis oublié le nom, écrivait pour vanter le patriotisme d'un Copte Egyptien qui avait lui-même écrit pour dire qu'il préférait être tué de la main de ses compatriotes Musulmans plutôt que de chercher une intervention américaine pour le sauver.
M'adressant à ce Copte patriote, je lui posais simplement la question: où s'arrête cette volonté de sacrifice de soi pour le salut de la nation. Donner sa propre vie est peut-être une démarche assez noble et même louable, mais veut-il aussi donner la vie de ses enfants, de sa femme, de sa mère ? Combien d'Egyptiens Chrétiens, lui demandais-je, voulez-vous sacrifier avant de faire appel à une intervention étrangère, un million, deux millions, trois ou la totalité d'entre eux ?
Nos options, disais-je alors comme je continue à le dire aujourd'hui ne sont pas si réduites, si dépourvues d'imagination et de résolution que nous nous trouvions dans l'obligation de choisir entre voir tous les Coptes Egyptiens tués, un par un ou en masse, ou de nous précipiter vers l'Oncle Sam. Est-il vraiment si difficile de nous concevoir nous-mêmes en tant qu'êtres humains rationnels pourvus d'un minimum de cran afin d'agir pour déterminer notre destin, le destin de notre nation ?
C'est en fait la seule option qui se trouve devant nous, et nous ferions bien de nous en saisir avant qu'il soit trop tard.
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