lundi 24 janvier 2011

L'Amérique entre les tueurs nés et les "homegrown terrorists"

La Russie vient d'être punie pour s'être mêlée au delà de l'acceptable des affaires afghanes. Eh oui, ces Tchétchènes, ces Arabes ou encore ces Arabes Tchétchènes puisqu'un suspect potentiel pour l'attentat qui vient de semer mort et désolation dans un aéroport de Moscou était de type arabe (comme Patrick Bruel ou Enrico macias si vous voulez).
Du point de vue russe, les Tchétchènes ne sont pas des étrangers et la Tchétchénie est une république autonome à l'intérieur de la fédération de Russie. C'est un peu la même chose pour les quelques cinq millions de Musulmans qui ont la citoyenneté des Etats Unis, sauf bien sûr qu'ils n'ont pas d'Etat fédéré à eux.
Quand ces Musulmans se comportent mal, c'est-à-dire qu'ils se mettent à échafauder et à réaliser des attentats terroristes, on parle aux Etats Unis de "homegrown terrorism", littéralement le terrorisme qui a grandi à la maison par opposition au terrorisme en provenance de l'étranger.
Cette appellation "homegrown terrorism" renvoie aujourd'hui nécessairement à ceux qui sont tentés par une violence dite "djihadiste", inspirée par al Qaïda notamment. Et non, on ne l'applique pas à Jared Loughner dont l'acte meurtrier relèverait de la démence au sens où l'entend la faculté. Et oui, on a oublié Timothy McVeigh qui était mu par des idées "suprématistes", rien à voir donc avec le djihad.
Le "homegrown terrorism" fait beaucoup parler de lui aux Etats Unis où des politiciens s'évertuent à le présenter comme la menace N°1 compte tenu de la rapide radicalisation des Musulmans aux Etats Unis. Une commission parlementaire va d'ailleurs prochainement s'intéresser à ce dossier et on peut déjà préjuger de ses conclusions...
L'article que je vous propose veut faire un sort à ces accusations et il y parvient plutôt bien. Il attire notamment l'attention sur l'extrême isolement de la plupart de ceux qui ont été interpellés dans le cadre de la lutte anti terroriste et de leur singulier amateurisme. La manipulation de ces individus par le FBI n'est qu'effleurée.
L'article se veut consensuel, imputant aux politiciens de "gauche" comme de droite la responsabilité du discours sur l'importance croissante du terrorisme endogène (c'est ainsi que j'ai traduit le plus souvent homegrown) avec l'argument étrange selon lequel le discours de gauche pense ainsi prouver le bien fondé de sa critique de la politique extérieure des Etats Unis. J'aurais aimé que l'auteur de l'article nous en dise plus sur ces politiciens de gauche qui tirent la sonnette d'alarme sur  le terrorisme endogène pour cette raison.
Car si ce journaliste s'était sonné un peu plus de peine, il se serait aperçu que ceuxqu'il décrit comme de droite et ceux qu'il déclare représenter la "gauche" ont en réalité un point commun: ils représentent directement ou indirectement le lobby sioniste aux Etats Unis.
En bon djihadiste extrémiste, je forme le voeu de vous proposer tantôt un article éclairant à ce sujet
NB: "Tueurs nés" est le titre d'un film d'Oliver Stone

Le mythe du terrorisme islamique endogène aux Etats Unis
par Romesh Ratnesar, Time (USA) 24 janvier 2011 traduit de l'anglais par Djazaïri

Un spectre hante les Etats Unis. "C'est 'une de ces choses qui me maintient éveillé la nuit," avait déclaré le mois dernier le procureur général Eric Holder. La député de Caroline du Nord Sue Myrick, membre de la commission du renseignement à la chambre des représentants, a averti le président Obama qu'il "ne faisait aucun doute" que le problème était devenu une "menace globale."Le nouveau président de la commission parlementaire sur la sécurité intérieure, Peter King, prévoit d'organiser le mois prochain des auditions sur ce danger "qui menace notre sécurité à tous."

Ils insistent sur une série d'exemples d'activités djihadistes par des citoyens des Etats Unis de confession musulmane: l'homme d'origine somalienne qui à Portland en Oregon avait essayé de faire exploser une bombe factice fournie par le FBI pendant une cérémonie d'illumination de sapin de Noël en décembre, l'attentat manqué l'été dernier à Times Square par un Pakistanais naturalisé, les 14 hommes accusés en août dernier d'apporter un soutien à des militants islamistes en Somalie.

Et puis il y a Anwar al-Awlaki, le web-imam originaire de  Falls Church (Virginie) établi au Yémen dont les officiels du renseignement affirment qu'il joue maintenant le rôle de commandant régional pour al Qaïda, avec pour mission de recruter des Musulmans Américains impressionnables pour qu'ils prennent les armes contre leur pays. Aux yeux de certains, al-Awlaki et ses semblables représentent l'avant-garde d'une évolution encore plus sinistre: la "radicalisation" croissante des cinq millions de Musulmans qui vivent aux USA selon les estimations. "La radicalisation a lieu en Amérique," écrivait Myrick dans sa lettre à Obama. "L'impressionnante augmentation du taux d'arrestation de Musulmans pour implication dans des activités terroristes depuis mai 2009 rend ce fait tout à fait évident."

Ce n'est en fait pas évident. Même si les actes extrémistes violents commis par des Musulmans US semblent avoir augmenté, ce n'est pas le cas de leur efficacité [à nuire]. Les Américains Musulmans restent plus modérés, divers et intégrés que les populations musulmanes de toute autre société occidentale. En dépit des efforts des propagandistes d'al Qaïda comme al-Awlaki, les preuves de l'existence à l'intérieur des Etats Unis d'une sympathie même ténue pour l'ennemi sont minuscules. La paranoïa sur le terrorisme endogène surestime donc énormément la force d'al Qaïda et traduit l'incapacité de nos dirigeants à évaluer honnêtement les véritables menaces contre la sécurité de l'Amérique.

Ceux qui tirent la sonnette d'alarme sur la menace du terrorisme endogène taisent souvent un fait saillant: malgré tout le tapage fait autour des cas de djihadisme endogène, pas un seul civil n'a été tué par un terroriste islamique sur le sol des Etats Unis depuis le 11 septembre 2001 (le massacré perpétré par le major Nidal hasan à Fort Hood au Texas en 2009 ne correspond pas à la définition commune du terrorisme: ses motifs n'étaient pas entièrement idéologiques, pas plus qu'il n'a visé délibérément des civils). La cause en est un certain nombre de facteurs, dont l'attaque de l'armée contre la direction d'al Qaïda, des mesures mécuritaires intérieures renforcées, une bonne gestion policière et une certaine dose de chance. Mais le fait que tous les plans terroristes endogènes aient été mis en échec avant leur réalisation démontre l'inconséquence des terroristes eux-mêmes. Dans presque chaque cas - y compris celui de Faisal Shahzad, qui avait été le plus près de r éussir avec l'attentat à Times Square - on a découvert que ces terroristes locaux avaient agi presque entièrement seuls. Il n'y avait pas de vaste conspiration. Les attentats terroristes ne demandent peut-être pas beaucoup d'argent ou d'ingéniosité, mais un loup solitaire n'a guère de chances d'exécuter les frappes qui tuent en masse et que redoutent le plus les spécialistes de l'anti terrorisme.
Certes, des individus violents - d'Hasan à Jared Lee Loughner - restent capables de provoquer le chaos. Mais il n'existe aucune preuve que de nombreux Musulmans Américains soient enclins à agir ainsi. Même si des voix alarmistes citent en exemple l'aliénation des jeunes Musulmans en Europe de l'Ouest comme un précurseur de ce qui va se passer aux Etats Unis, la probabilité que ça se passe ainsi ici est très faible. Une enquête Gallup réalisée en 2009 avait constaté que les Américains Musulmans se montraient beaucoup plus satisfaits de leurs conditions de vie que leurs correligionaires d'autres pays occidentaux - et encore plus que les populations de n'importe quel pays majoritairement musulman à la seule exception de l'Arabie saoudite. Ces dix dernières années, moins de 200 personnes ont été inculpées aux Etats Unis pour présomption d'activités djihadistes. L'an dernier, un rapport très complet de la Rand Corporation concluait qu'à peine 1 Américain Musulman sur 30 000 pouvait être considéré comme ayant rejoint le djihad, "ce qui suggère une population musulmane américaine qui reste hostile à l'idéologie djihadiste et aux incitations à la violence."

Alors pourquoi le mythe du terrorisme endogène persiste-t-il? En partie parce que, comme toute représentation politique solidifiée, elle sert les intérêts des grandes gueules à chaque extrémité du spectre politique. A droite, la menace d'un terrorisme se formant au pays participe à la perpétuation d'une lutte incessante à l'échelle des civilisations contre l'extrémisme islamique. A gauche, la notion d'Américains Musulmans se lançant dans le djihad colle bien avec l'idée que la politique étrangère des Etats Unis fabrique une nouvelle génération de terroristes.

Et pourtant, al Qaïda est plus faible et moins capable aujourd"hui qu'il ne l'était avant le 11 septembre ; son attrait pour les Musulmans moyens dans le mondetend à se rétrécir plutôt qu') s'accroître. Les faits que les émules d'Oussama ben Laden comme al-Awlaki aient atteint une telle notoriété atteste de l'éviscération du leadership d'al Qaïda. Les Etats Unis sont devant des défis beaucoup plus importants et urgents pour le bien être et la sécurité de leurs citoyens, et il s'agit de rien d'autre que la facilité avec laquelle des individus instables peuvent obtenir légalement des armes mortelles.
Répondre à ce danger contribuera plus à la protection des Américains que ne le pourra jamais l'obsession de la menace fantomatique du terrorisme endogène.

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