dimanche 29 janvier 2012

Sur le Nigeria et Boko Haram


J’ai été aiguillé sur cet article par le biais du blog d’Angry Arab. Je n’ai pas vraiment le temps de développer sur la situation au Nigeria, mais à quoi bon, The Economist le fait très bien.

Le gouvernement doit réfléchir rapidement à la manière de neutraliser un soulèvement islamiste qui a peut-être moins à voir avec la religion que ne le prétendent les rebelles.
The Economist (UK) 14 janvier2012 traduit de l’anglais par Djazaïri



Maiduguri –  Alors que le bruit lointain d’une bombe place par des militants est suivi quelques secondes après du crépitement des armes automatiques des soldats gouvernementaux, Satu Mari tend l’oreille dans le parking de l’hôtel qu’il possède à Maidiguri, une ville du nord-est turbulent du Nigeria. « Les bombes sont notre pain quotidien, » dit-il avec désinvolture. « les bombes sont notre bonjour et notre bonsoir. » Maiduguri s’enfonce vers une guérilla à part entière et M. Mari gère une des rares entreprises à avoir un bel avenir. Il héberge des officiers de l’armée.

Le gouvernement dépêche des centaines de soldats dans le nord du Nigeria pour combattre des militants islamistes qui seraient le produit d’une petite secte au cours de la dernière décennie. Connue sous le nom de Boko Haram, on lui reproche presque tous les actes de violence qui surviennent en ce moment dans la nation la plus peuplée d’Afrique, avec quelque 160 millions d’habitants. Après une série d’attaques contre des banques et des prisons fin 2010, les militants auraient monté d’un cran en assassinant des politiciens et des employés qui étaient chargés de préparer les élections de mars et avril de l’année dernière. On leur impute aussi des bombes qui ont explosé au quartier général pourtant très surveillé de la police nationale et dans les bureaux de l’ONU à Abuja, la capitale. Et, pour la deuxième année consécutive, Boko Haram est accusé d’avoir attaqué des messes de Noël dans des églises.

Toutes ces actions semblent largement excéder les capacités d’une petite secte connue surtout pour ses opinions sur l’éducation séculière. En haoussa, la langue la plus parlée au nord, Boko Haram signifie « l’éducation occidentale est interdite.» La fréquence et la sophistication des attaques ont conduit de nombreux observateurs, particulièrement en Amérique, à suggérer que l’organisation reçoit un soutien de réseaux terroristes internationaux. La branche algérienne d’al Qaïda et, plus improbable, les Shabab de Somalie ont été mentionnés. Le gouvernement du Nigeria, désireux d’obtenir de généreux financements en tant qu’allié sur la ligne de front de la « guerre globale contre la terreur » menée par l’Occident, a encouragé ce genre d’explications.

Cependant, les dirigeants politiques et religieux du nord majoritairement musulman, voient les choses autrement. Pour eux ; l’organisation islamiste insérée dans un réseau international qui s’active férocement dans la clandestinité est largement un bouc émissaire imaginaire. Ils disent qu’il y a bien quelques vrais fanatiques religieux dans le nord du pays mais ils laissent entendre que Boko Haram a été agrégé à un mélange trouble de criminels opportunistes et de politiciens aigris. « C’est un peu comme un Triangle des Bermudes, » explique Kashim Shettima, gouverneur de l’Etat de Bornou d’où l’organisation est originaire. « Boko haram » est devnu une franchise où n’importe qui peut se servir. »
Jonathan Goodluck, le président Nigerian semble ambivalent. Il a affirmé que Boko Haram et ses sympathisants avaient infiltré toutes les branches de l’Etat, y compris la police et l’armée. « Certains continuent à plonger la main dans l’assiette [commune] et à manger avec vous, et il vous sera impossible de savoir qui pointera une arme vers vous ou placera une bombe derrière votre maison, » avait-il dit à une congrégation dans une église à Abuja.

Le président, un Chrétien impopulaire dans le nord musulman, suit les conseils de ses hauts responsables de la sécurité qui veulent du sang. Il a placé une bonne partie du nord en état d’urgence. Il semble disposé à donner à la police et aux forces armées les mains libres pour effectuer des opérations à grande échelle. Et il s’est donné comme objectif de dépenser une somme étonnante correspondant à 20 % du budget fédéral pour la sécurité cette année.

Certains craignent que de telles mesures aggravent les choses. Déjà déployés dans certaines parties du nord, les soldats sont vues comme des occupants par les locaux. Leur rudesse, parfois leur comportement violent nourrissent des sentiments de révolte. Un  retour de flamme est déjà en train de se produire.

Le nord a un besoin urgent de développement économique. Alors que le riche sud pétrolier est en plein essor, près de trois quart des habitants du nord vivent avec moins de 200$ par an, bien en dessous des seuils de pauvreté. Peu de programmes gouvernementaux viennent réellement en aide à cette région.

Les 80 millions de Musulmans du pays mettent cette situation au compte d’une perte d’influence politique. Quand l’armée dirigeait le Nigeria, les nordistes étaient souvent aux responsabilités, mais cela s’est terminé il y a douze ans. Un sentiment de marginalisation a provoqué une insatisfaction politique que les extrémistes nordistes ont alimentée. Pourtant, les services de renseignements chargés de les traquer semblent rarement les trouver, que ce soient des extrémistes religieux ou des opportunistes politiques. Pendant que les barbouzes continuent leur travail, le gouvernement doit rapidement s’occuper de doléances anciennes et légitimes.

Pour l’instant, c’est le contraire qui s’est produit. La décision gouvernementale audacieuse de supprimer le subventionnement du carburant à partir du 1er janvier, quel que soit son bien fondé économique, a encore élargi le fossé entre riches et pauvres. Des grèves d’ampleur nationale ont suivi cette mesure. La tension et l’anarchie se sont accrues.
Pourtant, l’Etat nigérian a montré qu’il peut mettre fin à une insurrection s’il joue ses cartes correctement. Il y a quelques années de cela, la plus grande partie des violences politiques au Nigeria se produisait dans le delta du Niger au sud du pays. Tout comme les habitants du nord aujourd’hui, ceux du delta se plaignaient de la corruption, de la pauvreté, de l’inégalité et du manque de développement. Certains habitants du delta avaient soutenu des organisations armées ; d’autres avaient bénéficié de leurs largesses. Dans les neuf premiers mois de 2008, près de 1 000 personnes avaient été tuées pendant les troubles et près de 3 00 prises en otage. Sur plusieurs années, le coût pour le Nigeria, du fait des vols de pétrole et des sabotages d’oléoducs, a été estimé à environ 24 milliards de dollars.

Mais un accord signé en 2009, comprenant une amnistie, a permis de ramener une paix relative dans la région. Les militants ont reçu de l’argent et un pardon inconditionnel. Près de 26 000 d’entre eux avaient accepté Selon des chiffres officiels, plus de 15 000 anciens militants ont reçu une formation professionnelle ou une instruction élémentaire sur le tard..

Même si le delta est beaucoup plus sûr, le programme d’amnistie n’a pas encore ramené totalement la paix. Et son coût a été élevé. Les militants repentis touchent chacun 393 dollars par mois en numéraire plus des bons d’alimentation pendant la phase de réhabilitation. Dans le budget de l’Etat pour cette année, 458 millions de dollars seront dépensés pour financer l’amnistie – plus que ce qui est accordé à la commission pour l’éducation fondamentale qui offre un enseignement primaire gratuit. Certains affirment que le véritable objectif de Boko Haram n’est pas un Etat islamique mais une portion du gâteau de l’amnistie. Si c’est le cas, le gouvernement devrait alors explorer cette possibilité.

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