mardi 16 février 2016

Intervention russe en Syrie: clarté et cohérence des buts et des moyens

On n'a guère l'habitude d'entendre ou de lire les diplomates russes s'exprimer sur la politique étrangère menée par leur pays. 
Ici, c'est l'ambassadeur de Russie en Grande Bretagne qui publie une tribune dans un tabloïd londonien à grand tirage. Et il le fait pour exposer la vision russe du conflit en Syrie ainsi que de son règlement.
Deux choses ressortent nettement de son propos. La première est que l'intervention de l'aviation militaire russe a été dictée par la perspective de voir la capitale syrienne tomber entre les mains de Daesh avec la bénédiction des puissances occidentales qui auraient "repeint en blanc" un Sunnistan qui correspond aux objectifs stratégiques des Etats Unis. La deuxième chose qui apparaît nettement, c'est que le gouvernement russe a une vision très précise des buts de son intervention et des moyens militaires mais aussi politiques de les atteindre. Et cette vision ne nie le rôle d'aucun acteur pour peu qu'il n'entre pas dans la liste des organisations terroristes, une liste à établir entre "partenaires" et dont certaines organisations pourraient sortir sous certaines conditions
La diplomatie russe nous offre en définitive un brillant contre exemple de celui donné par les actions brouillonnes, nocives, criminelles et contraires au droit international entreprises dès 2011 par les puissances occidentales et leurs alliés régionaux. Des actions qui n'ont fait qu'aggraver la situation tout en fermant méthodiquement toutes les issues vers une solution de la crise en Syrie.

Alexander Yakovenko: la Russie et les Etats Unis sont partenaires pour essayer de mettre fin à la guerre en Syrie

par Alexander Yakovenko, ambassadeur de Russie au Royaume Uni,
The Evening Standard (UK) 15 février 2016 traduit de l'anglais par Djazaïri
La récente réunion à Munich du Groupe de Soutien International à la Syrie (GSIS) qui cherche un règlement en Syrie - avec la présence de la Russie, des Etats Unis, de la Turquie, de l'Arabie Saoudite et de l'Iran - s'est conclue avec un plan pour essayer de trouver des moyens de mettre fin aux hostilités entre les organisations de l'opposition syrienne et le gouvernement, sans toutefois faire de compromis sur la lutte contre l'Etat Islamique (Daesh) et d'autres force extrémistes.
Cette réunion intervenait après les succès de la récente offensive de l'armée syrienne qui, selon les experts, a progressivement mis en route la dynamique qui lui permettra de mettre un terme à la guerre civile en Syrie.
Alexander Yakovenko lors de la présentation de ses lettres de créance à la reine Elizabeth II

Pour avoir une idée de l'immense défi qu'affronte la communauté internationale, on peut regarder comment la situation en Syrie a évolué ce quatre dernières années. Nous avons constaté un processus de radicalisation du côté de l'opposition. Beaucoup d'organisations syriennes se sont liées à des organisations terroristes étrangères qui étaient bien équipée et financées par divers acteurs régionaux qui, à leur tout, projetaient leurs propres agendas de politique intérieure sur le champ de bataille syrien.
La situation en était arrivé au point où les Américains avaient renoncé à trouver des gens en qui ils auraient pu faire confiance parmi les organisations rebelles qui combattent le gouvernement syrien. Il y a quelques mois, nos collègues britanniques nous avaient dit que la situation en Syrie était un foutoir complet. La situation était rendue encore plus compliquée par l'émergence de Daesh, un mélange explosif de fanatiques religieux et de lambeaux du régime baathiste, dont des anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein.
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Dans le même temps, les Etats Unis constituaient leur coalition anti-Daesh forte de quelque 70 pays membres qui se lança dns des frappes aériennes inefficaces contre Daesh pendant plus d'un an avant que la Russie doive intervenir avec son aviation militaire à la demande du gouvernement syrien. L'été dernier, nos partenaires occidentaux nous avaient dit que'en Octobre Damas tomberait entre les mains de Daesh. Ce qu'ils avaient prévu de faire par la suite, nous l'ignorons. Ils auraient probablement fini par repeindre les extrémistes en blanc pour les accepter en tant qu'Etat sunnite à cheval sur la Syrie et l'Irak.
En ce circonstances l'intervention russe a changé la donne de manière décisive, permettant à l'opposition syrienne démocratique de se réapproprier la cause d'une Syrie démocratique qui avait été détournée par des organisations terroristes étrangères. C'est alors seulement que les principaux acteurs pouvaient se réunir dans le GSIS pour ue approche globale en vue de trouver une solution politique en Syrie et d'éradiquer Daesh. L'ampleur de cette double tâche n'a jamais été sous-estimée, compte tenu de la situation sur le terrain. C'est pourquoi le GSIS a accepté de faire l'inventaire des organisations d'opposition authentiques et de celles qui sont terroristes. C'est difficile à cause des ingérences régionales. Par exemple, les Kurdes syriens n'ont pas été invités aux discussions de Genève en raison de l'opposition de la Turquie.
Hélicoptère russe en couverture de soldats syriens
Cette démarche, impulsée par les Russes et les Américains pour séparer les modérés des organisations extrémistes est cruciale. Elle permettra à l'opposition modérée de rompre ses alliances avec les groupes terroristes de l'étranger. Elle permettrait aussi de soulager l'armée syrienne en tant que principale force à affronter Daesh sur le terrain. Dès lors, un front anti-terroriste commun pourrait se faire jour pendant qu'une solution politique à la crise syrienne se discute entre le régime et l'opposition à Genève. Pendant ce temps, l'armée de l'air russe et la coalition dirigée par les Etats Unis continueront leurs frappes aériennes contre Daesh.
Cette approche est la vraie chance de pouvoir résoudre le problème syrien. Ce n'est pas facile, mais si nous voulons mettre fin à cette guerre nous devons essayer.

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