Pagina 12 est un quotidien argentin réputé de gauche. Compte tenu de la composition de sa rédaction, sans être un organe communautariste tant s’en faut, il s’intéresse beaucoup à la vie de la communauté juive en Argentine, que ce soit dans des aspects qui intéressent à priori l’ensemble des Argentins (par exemple les incidents antisémites) ou dans des aspects plus internes à la dite communauté.
C’est le cas avec cet article qui porte sur le refus par la principale association israélite de Buenos Aires (l’AMIA) d’autoriser l’inhumation d’un enfant mort-né dans un cimetière juif parce que la grand-mère maternelle de cet enfant n’était pas juive de naissance mais par conversion.
Peu importe si la mère et le père de cet enfant mort-né sont eux des juifs pratiquants et même impliqués dans la vie communautaire et religieuse juive en Argentine.
Des faits qui entrent en résonance non seulement avec d’autres faits similaires ou d’une nature voisine constatés sous d’autres cieux, mais aussi avec des temps et une idéologie qu’on croyait révolus au nom du « plus jamais ça ! ».
Or, les idées de sang impur et d’utérus ou de ventre non juif (en fait d’ovule) qui apparaissent dans cet article nous informent tout simplement que le « plus jamais ça ! » est vide de sens, sauf à préciser que le « ça » ne concerne qu’une forme de racisme et pas les autres.
Ce qui est parfaitement étonnant, faut-il dire, c'est que ces thèses puissent s'étaler ouvertement sans qu'elles soient largement dénoncées et leurs tenants stigmatisés..
Je me suis personnellement amusé de la naïveté de l’auteur de l’article qui semble penser que l’évocation de l’incident du bébé va avoir une influence quelconque sur la façon dont va être dirigée l’AMIA et en particulier sur l’éventualité que les juifs orthodoxes soient évincés de la direction. Il en est même réduit à fonder quelque espoir sur le rabbin Bergman !
L’ambassade sioniste et les organisations sionistes en Argentine ne permettront pas, c’est évident, une prise de contrôle de l’AMIA par des éléments qui pourraient à terme s’avérer être des sionistes trop tièdes. Le judaïsme orthodoxe avec sa doctrine de l’élection et ce qui en découle ainsi qu’on peut le lire dans cet article, est en effet le terreau idéologique le plus favorable au sionisme.
En pleines négociations pour définir qui dirigera l’AMIA (association mutuelle israélite argentine), ses responsables actuels ont empêché l’enterrement d’un bébé dans les cimetières de la communauté parce que sa grand-mère maternelle n’est pas juive de naissance
par Raúl Kollmann, Pagina 12 (Argentine) 26 avril 2011 traduit de l’espagnol par Djazaïri
Les responsables de l’AMIA, qui sont alignées sur la ligne orthodoxe de la communauté juive, n’ont pas permis l’enterrement dans un cimetière juif qu’un bébé décédé avant la naissance, au huitième mois de gestation, fils de la chanteuse liturgique de la synagogue de Lamroth Hakol et de son mari. La raison invoquée est que la grand-mère maternelle était une convertie au judaïsme, ou qu’il n’était pas issu d’un utérus juif.
Cette affaire a suscité l’indignation des parents de l’enfant, Yanina et Pablo, qui ont dû se rabattre sur un enterrement dans un cimetière privé. Une forte controverse agite depuis la communauté juive parce qu’on en revient à discriminer entre ce qu’un jour l’actuel président de l’AMIA, Guillermo Borger, avait appelé les « vrais juifs et les autres. » En outre, ce débat intervient dans les semaines qui précèdent l’élection du nouveau chef de l’AMIA, par des commissions dans lesquelles le Bloc Uni Religieux (BUR) forme la minorité la plus importante, mais ou deux listes dont la vision est plus ouverte pourraient, en cas d’alliance dans l’assemblée des représentants, imposer une ligne de conduite différente de la ligne orthodoxe actuelle.
L'actuel dirigeant de l'AMIA avait déjà fait la distinction entre les "vrais juifs" et les autres |
Le drame du bébé qui n’a pu être enterré dans un cimetière juif s’est produit il y a deux semaines. Pagina 12 a vérifié cette histoire auprès de personnes proches du couple qui nous ont relaté des détails ahurissants. Yanina travaille depuis huit ans à Lamroth, elle enseigne la Torah et chante pendant les cérémonies religieuses. Elle a été dans une école maternelle juive dès l’âge de deux ans, elle a suivi l’enseignement primaire à l’école Ramat Shalom et l’enseignement secondaire à Amos, où on travaille en hébreu. A l’adolescence, elle a consacré sa vie sociale au Maccabi et elle s’est mariée avec Pablo au temple de Lamroth Hakol. Son mari travaille depuis 20 ans dans des institutions juives.
Quand le couple est passé par cette épreuve douloureuse qu’est la perte d’un bébé sur le point de naître, il a décidé de l’enterrer dans un cimetière de la communauté. Mais les autorités de l’AMIA les en ont empêché parce que la mère de Yanina n’était pas née juive, mais avait été convertie au judaïsme par le séminaire rabbinique latino-américain, qui avait été fondé par Mar-shall Meyer. La ligne orthodoxe n’accepte pas les conversions réalisées par cette institution et, à la vérité, n’accepte aucune conversion effectuée en Argentine. C’est-à-dire que la raison pour laquelle on n’a pas autorisé l’enterrement du bébé est qu’on a découvert ce qu’ils [les orthodoxes] considèrent comme un « sang impur » chez la grand-mère maternelle de l’enfant. Dans un courriel poignant, le couple affirme qu’ils ont été traités comme des « juifs de deuxième catégorie. »
Les autorités de l’AMIA n’autorisent pas l’enterrement de personnes converties dans les cimetières qu’ils administrent. De plus, comme notre journal l’avait signalé à l’époque, elles avaient décidé de la construction d’une zone séparée à La Tablada [cimetière israélite à Buenos Aires], ce que n’avaient pas accepté des tendances plus progressistes qui considéraient qu’il s’agissait d’une discrimination, parce que les familles ont le droit d’être enterrées dans le même cimetière. Ce qui est ahurissant, c’est que cette situation n’existe qu’à Buenos Aires. A Santa Fe, par exemple, il n’existe aucun obstacle à l’enterrement d’une personne convertie au judaïsme dans le cimetière de la communauté. On observe la même chose dans les autres régions de l’intérieur du pays.
Le courant orthodoxe n’accepte pas non plus que des femmes exercent des fonctions sacerdotales ; ce qui a conduit à des moments de forte tension lors de la célébration du nouvel an juif à laquelle ils étaient invités par la présidente [Mme Kirschner]. Comme dans la délégation de trouvait aussi la femme rabbin de la communauté Bet El, les dirigeants de l’AMIA avaient levé les bras au ciel et s’étaient décommandés. Dans la même veine, le rabbin orthodoxe Samuel Levin avait soutenu que le rabbin progressiste Daniel Goldman devait être condamné à une peine de prison pour avoir appuyé la loi pour l’égalité dans le mariage.
Dans ce contexte tendu et avec l’affaire du bébé de Yanina et Pablo en arrière-plan, c’est à partir de demain que commencent les négociations en vue de l’assemblée de l’AMIA qui se tiendra le 12 mai. Il y aura 90 représentants, il faudra au moins 46 voix pour élire le président. Le Bloc Uni Religieux a obtenu 37 représentants, Accion Plural (l’aile la plus progressiste et libérale en matière religieuse), 32, Frente Comunitario, 18 et la liste Iajas, 3. Les deux dernières organisations sont supposées ne pas adhérer non plus à l’orthodoxie, ce qui pourrait théoriquement permettre d’imposer un président non orthodoxe. Toutefois, l’AMIA Pour Tous, qui intègre le Frente Comunitario, sous la houlette du rabbin Bergman, a voté avec les orthodoxes ces trois dernières années. Cela a été considéré comme une sorte de trahison et on estime que Bergman – un proche de PRO [j'ai cherché, mais pas trouvé la signification de ce PRO, NdT] – possède la clef pour au moins cinq votes décisifs.
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