samedi 13 février 2010

Haïti: les liens inattendus entre adoption illégale, proxénétisme, trafic d'enfants et de femmes

Vous avez tous entendu parler de ces membres d'une église protestante US qui s'apprêtaient, avant d'être arrêtés, à faire sortir illégalement d'Haïti, encore sous le choc d'un terrible séisme, une trentaine d'enfants.
Des avocats ont été requis pour prêter assistance à ces ressortissants US désormais incarcérés à Port-au-Prince. Jusque là rien que de très normal, comme chaque fois qu'un prévenu est confronté à la justice. Il y a pourtant des choses moins normales dans cette affaire. Et quand je dis des choses, il s'agit en réalité de l'intervention, en faveur des présumés trafiquants d'enfants, d'un "avocat" citoyen de la république Dominicaine. Sauf que cet "avocat" n'est inscrit à aucun barreau et qu'il est recherché par la police du Salvador en tant que cerveau présumé d'un réseau de trafic de femmes et de fillettes destinées à la prostitution.
Je n'en dis pas plus car tout lecteur un peu attentif à l'actualité fera les liens nécessaires.

Enquête sur le conseiller juridique des Américains arrêtés en Haïti
par MARC LACEY et IAN URBINA, The New York Times (USA) 12 février 2010 traduit de l'anglais par Djazaïri

PORT-AU-PRINCE, Haiti — La police du Salvador a commencé une enquête pour savoir si un homme soupçonné de diriger un réseau de trafic de filles et de femmes d'Amérique Centrale et de la Caraïbe est aussi le conseiller juridique des Américains accusés d'avoir essayé d'emmener sans autorisation 33 enfants hors d'Haïti.
Quand le juge chargé de l'enquête sur l'affaire haïtienne a eu connaissance jeudi de l'enquête au Salvador, il a indiqué qu'il commencerait sa propre enquête sur le conseiller, un ressortissant Dominicain qui était dans les bureaux du juge quelques jours auparavant.

Ces enquêtes sont le dernier rebondissement d'un dossier très politique qui s'est ouvert en plein coeur d'une zone ravagée par un tremblement de terre. Un avocat de l'organisation a déja été récusé après avoir été accusé de tenter d'offrir des pots de vin pour faire sortir de prison les dix Américains.

Le conseiller, Jorge Puello, a déclaré jeudi, lors d'un entretien téléphonique, qu'il n'avait participé à aucune activité illégale au Salvador et qu'il ne s'était jamais rendu dans ce pays. Selon lui, il s'agit d'un cas d'erreur sur la personne. "Je n'ai rien à voir avec le Salvador," a-t-il dit, donnant à comprendre que son nom était très courant en Amérique latine, comme John Smith aux Etats Unis.
 Jorge Puello
"Un trafiquant de drogue Colombien a été arrêté avec 25 cartes d'identité, dont une portant mon nom," a-t-il dit sans donner de détails.

"Donnez des preuves," a-t-il dit devant notre insistance sur les accusations de trafic d'enfants pendant le bref entretien qui s'est terminé quand il a annoncé qu'il entrait dans un ascenseur. Recontacté plus tard, il s'est mis en colère et a affirmé n'avoir enfreint aucune loi.

Les dix Américains sont incarcérés depuis le 29 janvier dans la partie arrière du même commissariat de police qui sert de siège au gouvernement haïtien de René Préval depuis le tremblement de terre. Ils ont su par leurs avocats que certains d'entre eux au moins pourraient sortir jeudi. Mais le juge chargé de leur dossier, Bernard Saint-Vil a recommandé au procureur de les mettre en liberté provisoire et de les autoriser à quitter le pays dès lors que l'un de leurs dirigeants restait sur place jusqu'à la fin de l'affaire.

M. Puello intervenait en tant que porte parole et conseiller juridique en République Dominicaine pour certains des détenus.

Le chef de la police des frontières du Salvador, le commissaire Jorge Callejas, a indiqué dans un entretien téléphonique qu'il enquêtait sur les accusations selon lesquelles un homme avec un passeport dominicain au nom de Jorge Anibal Torres Puello dirigeait un réseau de trafic d'êtres humains qui recrutait des femmes Dominicaines et des fillettes Nicaraguayennes pour les faire travailler comme prostituées au Salvador.

M. Puello dit ne même pas avoir de passeport. Quand on a montré à M. Callejas une photo de M. Puello prise en Haïti, M. Callejas a déclaré qu'il pensait que c'était celle de l'homme qu'il recherchait. Il a précisé qu'il essayerait d'arrêter M. Puello sur la présomption d'avoir attiré des femmes vers la prostitution et d'avoir pris des photos d'elles explicites qui ont été diffusées sur ds sites internet. "C'est lui, la même barbe et le même visage," a déclaré M. Callejas dans une interview jeudi. "Ce ne peut être que lui."

Le juge Saint-Vil a dit qu'il pensait aussi que lla photo du trafiquant présumé du dossier de la police salvadorienne semblait correspondre à celle de l'homme qu'il a rencontré au tribunal. Il a indiqué avoir l'intention d'entamer sa propre enquête pour savoir si un suspect pour trafic avait travaillé avec les Américains détenus en Haïti.

"J'étais sceptique à son sujet parce qu'il était arrivé avec quatre gardes du corps, ce que je n'ai jamais vu d'un avocat," a déclaré le juge dans une interview. "J'envisage d'aller immédiatement au fond des choses."

Le juge a déclaré qu'il demanderait l'assistance du Département US de la sécurité intérieure pour examiner les antécédents de M. Puello. Un porte parole du département d'Etat a affirmé que les officiels Américains apportaient un appui dans l'enquête concernant les Américains, "en fournissant les éléments d'enquête demandés."

Un mandat d'arrêt Interpol a été émis pour quelqu'un nommé Jorge Anibal Torres Puello, selon la police et des documents publics.

On s'interrogeait pour savoir si M. Puello, le conseiller, qui dit que l'église baptiste de Central Valley en Idaho l'a recruté pour les Américains était autorisé à pratiquer le droit. Aucune personne de ce nom ne figure sur le registre du barreau de la République Dominicaine.

M. Puello a affirmé avoir une autorisation et appartenir à un cabinet juridique de 45 personnes. Mais son bureau de Saint Domingue s'est avéré n'être qu'un petit local qui ne pourrait pas accueillir 45 avocats. Alejandro, le frère de M. Puello, affirme que la société d'avocats dispose d'un autre bureau dans le quartier des affaires en centre ville,mais il a refusé d'en donner l'adresse.

M. Puello a déclaré dans une interview qu'il avait représenté les Américains gratuitement parce qu'il était un homme religieux qui compatissait à leur situation. "Je suis le président de la communauté juive sépharade en République Dominicaine," a-t-il dit. "J'aide les gens dans ce genre de situation. Nous n'allons pas facturer un centime à ces gens."
Mais d'autres avocats des détenus ont affirmé que les familles ont fait un virement de 12 000 dollars à M. Puello pour payer le transport des Américains hors d'Haïti s'ils sont relâchés, et que M. Puello leur a dit lors d'une conférence téléphonique mardi soir qu'il avait besoin de 36 000 dollars supplémentaires. M. Puello affirme ne pas avoir participé à une conférence téléphonique.

Un avocat des familles a affirmé que M. Puello lui a dit avoir une licence pour exercer comme avocat en Floride, mais l'avocat dit avoir vérifié et ne pas avoir trouvé trace de cette licence. M. Puello a déclaré dans l'interview ne jamais avoir dit qu'il avait une licence d'avocat en Floride.
M. Puello dit être né à Yonkers (Etat de New York) d'une mère Dominicaine. Il dit que son nom complet est Jorge Puello et qu'il n'a pas d'autres noms. Mais dans une autre interview, il dit que son nom est Jorge Aaron Bentath Puello. Il dit aussi être né en octobre 1976, et non en octobre 1977, qui est selon la police la date de naissance du suspect dans le dossier salvadorien.

Le dossier indique que la police a trouvé des documents ayant trait à la communauté juive séfarade dans une maison de San Salvador où les trafiquants avaient séquestré des femmes.

Blake Schmidt a contribué à ce reportage depuis San Jose au Costa Rica, et Jean Michel Caroit depuis Saint Domingue. Kitty bennett a contribué à l'enquête.

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