Vous le savez comme moi, la « communauté internationale » est préoccupée en ce moment par ce qui se passe en Libye mais aussi en Syrie (pas en Palestine, non et certainement pas à Gaza).
Si dans le cas de la Syrie, la dite communauté internationale s’est limitée à l’adoption de sanctions (dont ce pays était déjà affligé avant la crise politique qu’il vit en ce moment), la Libye a eu droit à une intervention militaire exécutée par l’OTAN. Cette dernière mandatée par je ne sais qui, s’en est allée protéger les populations civiles libyennes en bombardant toutes sortes d’infrastructures, souvent civiles.
C’est que Seïf el-Islam, le fils du colonel Mouammar Kadhafi avait parait-il promis des « rivières de sang » ainsi que nous l’a rappelé M. Sarkozy sur le pont du navire humanitaire qu’est le porte-avions Charles de Gaulle..
Pourtant, si on veut bien lire le passage dont sont extraites ces rivières de sang, on a quelque peine à déceler une quelconque expression de cruauté :
"La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd'hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts, mais des milliers et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye",
Il s’agit en fait tout bonnement d’un appel au dialogue, les rivières de sang étant précisément le résultat à éviter. Ce sang n’appartenant d’ailleurs pas exclusivement aux rebelles.
Or, ces « rivières de sang » ont joué un rôle essentiel pour emporter l’adhésion des opinions publiques !
Gageons qu’il en ira de même avec le massacre à tripoli que promet le chef du Conseil National de Transition, Moustapha Abdeljalil. Massacre dont il nous précise bien qu’il ne sera pas le fait des troupes du colonel Kadhafi mais résultera de son refus de quitter le pouvoir.
Ce qui se passe en Libye n’est en rien une nouveauté mais rappelle furieusement la rébellion katangaise qui avait secoué l’ex Congo belge au début des années 1960 (aujourd’hui République Démocratique du Congo). A l’époque déjà, la « communauté internationale » (c’est-à-dire le Royaume Uni, la France et les Etats Unis) soutenait une rébellion armée opposée au gouvernement légal, dirigé alors par Patrice Lumumba puis par Mobutu Sese Seko.
La grosse différence est qu’à l’époque, l’ONU avait à son secrétariat général un homme intègre et fidèle aux principes de la Charte de cette organisation, le contraire de Ban Ki-moon pour tout dire. Cet homme, le Suédois Dag Hammarskjöld, périra dans ce que des enquêtes classeront comme un accident d’avion.
Cette version n’a cependant jamais été admise par tous. Es le début des années 1990, des collaborateurs du secrétaire général faisaient part de leurs soupçons selon lesquels Hammarskjöld aurait été assassiné.
Aujourd’hui, Göran Björkdahl donne les résultats de ses propres investigations. S’appuyant sur des témoignages oculaires, il affirme que l’avion qui transportait le secrétaire général avait été abattu par un avion de chasse non identifié. Sans qu’on puisse cependant le prouver, tout porte à croire que la Grande Bretagne se trouvait directement ou indirectement impliquée dans cet assassinat. L’article du Guardian que je vous propose vous permettra de vous faire votre propre opinion. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne fatiguait guère à l’époque à invoquer des principes humanitaires et la « communauté internationale » était à la fois plus expéditive et, d’une certaine manière, moins hypocrite.
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Par Julian Borger et Georgina Smith, The Guardian (UK) 17 août 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri
Des témoignages oculaires selon lesquels un deuxième appareil avait tiré sur l’avion soulèvent des interrogations sur l’étouffement du crash de 1961 et de ses causes par les Britanniques
De nouvelles preuves sont apparues au sujet d’un des mystères les plus persistants de l’histoire de l’ONU et de l’Afrique. Elles suggèrent que l’avion qui transportait le secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld a été abattu au-dessus de la Rhodésie du nord (l’actuelle Zambie) il y a cinquante ans, et que cet assassinat avait été étouffé par les autorités coloniales britanniques.
Une commission d’enquête conduite par les Britanniques avait impute le crash à une erreur du pilote et une enquête ultérieure de l’ONU avait largement entériné ses conclusions. Elles avaient ignoré ou minimisé des témoignages de villageois qui vivaient aux abords du lieu du crash et donnaient à penser à un acte criminel. Le Guardian a parlé à des témoins encore vivants qui n’avaient jamais été interrogés lors des enquêtes officielles et avaient eu trop peur pour se faire connaître.
Selon les habitants de la périphérie oust de la ville de Ndola, le DC6 d’Hammarskjöld avait été abattu par un deuxième avion plus petit. Ils disent que le site du crash avait été bouclé par les services de sécurité de Rhodésie du nord le lendemain matin, quelques heures avant l’annonce officielle de la découverte de l’épave, et qu’on leur avait ordonné de quitter le secteur.
Les témoins clefs ont été localisés et interviewés ces trois dernières années par Göran Björkdahl, un travailleur humanitaire Suédois basé en Afrique, qui a fait de l’enquête sur le mystère Hammarskjöld une affaire personnelle depuis qu’il a découvert que son père possédait un fragment des débris du DC6.
«Mon père se trouvait dans cette région de la Zambie dans les années 1970 et il avait questionné les habitants du coin sur ce qui s’était passé, et un homme de là-bas, voyant qu’il était intéressé, lui avait donné un morceau de l’avion. C’est ce qui m’a lancé,» explique Björkdahl. Quand il vint à son tour travailler en Afrique, il se rendit sur le site et commença à interroger systématiquement les habitants du coin sur ce qu’ils avaient vu.
L’enquête conduisit Björkdahl à des télégrammes jamais publiés auparavant – que le Guardian a pu voir – datant des jours précédant la mort d’ Hammarskjöld le 17 septembre 1961, qui illustrent la colère des Etats Unis et de la Grande Bretagne à propos d’une opération militaire onusienne avortée que le secrétaire général avait ordonnée au nom du gouvernement congolais contre une rébellion soutenue par des compagnies minières occidentales et des mercenaires dans la riche région minière du Katanga.
Hammarskjöld se rendait par avion à Ndola pour des discussions de paix avec les dirigeants du Katanga, une rencontre que les britanniques avaient contribué à arranger. Le diplomate Suédois, farouchement indépendant avait, jusque là, mécontenté presque toutes les grandes puissances du conseil de sécurité par son soutien à la décolonisation, mais le soutien que lui apportaient les pays en voie de développement garantissait pratiquement sa réélection au poste de secrétaire général lors du vote en assemblée générale qui devait se tenir l’année suivante.
Björkdahl travaille pour Sida, l’agence suédoise pour le développement international ; mais il a enquêté sur son temps libre et son dossier d’enquête ne reflète pas le point de vue officiel de son gouvernement. Cependant, son rapport fait écho au septicisme manifesté par les membres Suédois des commissions d’enquête devant le verdict officiel.
Björkdahl conclut que:
• L’avion d’Hammarskjöld a très probablement été abattu par un deuxième avion non identifié.
• Les actions des officiels Rhodésiens et Britanniques sur place ont retardé la recherché de l’avion disparu..
• L’épave avait été découverte et la zone bouclée par les soldats et la police rhodésiennes longtemps avant l’annonce officielle de sa découverte.
• Le seul survivant du crash aurait pu être sauvé mais on l’avait laissé mourir dans un hôpital local mal équipé..
• Au moment de sa mort, Hammarskjöld soupçonnait les diplomates Britanniques de soutenir secrètement la rébellion du Katanga et d’avoir fait obstruction à une démarche pour arranger une trêve.
• Quelques jour savant sa mort, Hammarskjöld avait autorisé ine offensive sur le Katanga – sous le nom de code Opération Morthor - - en dépit des réserves du conseiller juridique de l’ONU, provoquant la colère de la Grande Bretagne et des Etats Unis.
Les nouvelles preuves les plus convaincantes viennent de témoins qui n’avaient pas été interrogés auparavant, des charbonniers qui exploitent le bois aux alentours de Ndola, qui sont aujourd’hui septuagénaires et nonagénaires.
La nuit du crash, Dickson Mbewe, 84 ans aujourd’hui, était assis à l’extérieur de sa maison dans le quartier de Chifubu à l’ouest de Ndola en compagnie d’un groupe d’amis.
“Nous avions vu un avion au-dessus de Chifubu mais nous n’avions pas fait attention à lui au début, » a-t-l déclaré au Guardian. « Quand nous l’avons vu une deuxième et une troisième fois, nous avons pensé que cet avion n’avait pas obtenu la permission de se poser sur l’aéroport. Soudain, nous avons vu un autre avion approcher à grande vitesse du plus gros avion et ouvrir le feu, ce qui avait l’apparence d’une lumière vive.
“L’avion tout en haut a tourné et est parti dans une autre direction. Nous avons senti le changement dans le bruit du plus gros avion. Il est tombé et a disparu. »
Vers 5h du matin, Mbewe s’était rendu à son four à charbon près du lieu du crash, où il découvrit des soldats et des policiers qui étaient déjà en train de disperser des gens. Selon le rapport officiel, l’épave n’avait été découverte qu’à 15h.
“Il y avait un groupe de soldats blancs transportant un corps, deux par dzevant et deux par derrière,” a-t-il dit. « J’entendais des gens dire qu’un homme avait été retrouvé vivant et devait être emmené à l’hôpital. Personne n’a eu la permission de rester sur place. »
Mbewe n’avait pas partagé ces informations auparavant parce qu’on ne lui a jamais demandé d ele faire, dit-il. « L’atmosphère n’était pas pacifique, on nous avait chassés des lieux. J’avais peur d’aller à la police parce qu’elle aurait pu me mettre en prison. »
Un autre témoin, Custon Chipoya, un charbonnier âgé de 75 ans, prétend lui aussi avoir vu un deuxième avion dans le ciel cette nuit là. « J’ai vu un avion tourner, ses feux étaient bien visibles et je pouvais entendre le bruit du moteur, » dit-il. « Il n’était pas très haut. A mon avis, il était à l’altitude des avions qui se préparent à atterrir.
“Il est revenu une deuxième fois, ce qui nous a fait regarder, et la troisième fois, alors qu’il tournait en direction de l’aéroport, j’ai vu un avion plus petit s’approcher du plus gros. L’avion plus petit, un avion à réaction de plus petite taille, s’approchait par l’arrière et avait une lumière vive. Il a alors tiré quelques salves sur le plus gros avion en contrebas et est reparti dans la direction opposée.
“Le plus gros avion a pris feu et a commence à exploser, tombant vers nous. Nous pensions qu’il nous suivait alors qu’il arrachait branches et troncs d’arbres. Nous avons pensé que c’était la guerre, alors nous nous sommes enfuis. »
Chipoya dit être retourné sur les lieux le lendemain matin vers 6h et avoir trouvé la zone bouclée par la police et des militaires. Il n’a pas parlé de ce qu’il avait vu parce que : « Il était impossible de parler avec un agent de police à ce moment là. Nous avions juste compris que nous devions déguerpir, » dit-il.
Safeli Mulenga, 83 ans, présent également à Chifubu la nuit du crash, n’a pas vu de deuxième avion mais a été témoin d’une explosion. « J’ai vu l’avion tourner deux fois, » dit-il.
“La troisième fois, le feu est venu de quelque part au-dessus de l’avion, il était très lumineux. Ce ne pouvait pas être l’avion en train d’exploser parce que le feu arrivait sur lui, » dit-il.
Il n’y avait pas eu d’appel à témoins après le crash, et le gouvernement federal ne voulait pas que les gens en parlent, dit-il. « Certains avaient témoigné sur le crash et ils avaient été emmenés et emprisonnés. »
La nuit du crash, John Ngongo, 75 ans aujourd’hui, était dans la brousse avec un ami pour apprendre comment on fait du charbon de bois, n’a pas vu de deuxième avion mais est sûr d’en avoir entendu un, dit-il"
Soudain, nous avons vu un avion qui brûlait sur un côté venir vers nous. Il était en flammes avant d’avoir percuté les arbres. L’avion n’était pas seul. J’entendais un autre avion s’éloigner à grande vitesse, mais je ne l’ai pas vu, » dit-il.
Le seul survivant parmi les 15 personnes à bord du DC6 était Harold Julian, un sergent Américain affecté à la sécurité d’Hammarskjöld. Le rapport officiel indique qu’il est mort de ses blessures, mais Mark Lowenthal, un médecin qui avait participé aux soins prodigués à Julian à Ndola, a déclaré à Björkdahl qu’il aurait pu être sauvé.
“Je considère cet épisode comme ayant été un de mes pires échecs professionnels au cours de ce qui sera une longue carrière, » écrit Lowenthal dans un courriel. « Je dois en premier lieu demander pourquoi les autorités US n’avaient-elles pas mis en place leur propre dispositif de recherche et secours ? Pourquoi n’yai-je pas pensé à l’époque ? Pourquoi n’ai-je pas contacté les autorités US pour leur dire, ‘Envoyez d’urgence un avion pour évacuer un citoyen des Etats Unis détaché auprès de l’ONU qui est en train de mourir d’une défaillance rénale ? ‘»
Julian a été laissé à Ndola pendant cinq jours. Avant de mourir, il a dit à la police qu’il avait vu des lumières dans le ciel et une explosion avant le crash.
Björkdahl soulève aussi des questions sur les raisons pour lesquelles le DC6 avait dû décrire des cercles autour de Ndola. Le rapport officiel prétend qu’il n’ya zvait pas d’enregistreur de conversations dans la tour de contrôle en dépit du fait que ses équipements étaient neufs. Le rapport du contrôle aérien sur le crash n’avait pas été déposé avant 33 heures après les faits.
Selon les documents sur les événements de la nuit, le haut Commissaire britannique pour la fédération de Rhodésie et du Nyassaland [actuel Malawi], Cuthbert Alport, qui se trouvait à l’aéroport cette nuit là, « avait déclaré soudain avoir entendu qu’ Hammarskjöld avait changé d’avis et avait l’intention de se rendre ailleurs.De ce fait, le directeur de l’aéroport n’avait pas déclenché d’alerte d’urgence et tout le monde était simplement allé se coucher. »
Les récits des témoins sur un autre avion concordant avec d’autres récits de personnes proches du dossier sur la mort d’Hammarskjöld. Deux de ses proches collaborateurs, Conot Cruise O’Brien et and George Ivan Smith, sont devenus tous deux convaincus que le secrétaire général a été abattu par des mercenaires au service d’industriels Européens au Katanga. Ils sont également persuadés que les autorités britanniques ont participé à étouffer cette attaque. En 1992, ils avaient publié ensemble une lettre dans le Guardian pour présenter leur théorie. La suspicion sur les intentions britanniques est un thème récurrent dans la correspondance que Björkdahl a examinée et qui date des jours qui ont précédé la mort d’Hammarsskjöld.
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Formellement, le Royaume Uni appuyait la mission de l’ONU mais, en privé, le secrétaire général et ses collaborateurs pensaient que les officiels Britanniques faisaient obstacle aux démarches de paix, probablement en raison d’intérêts miniers et des sympathies pour les colonialistes blancs côté katangais.
Le matin du 13 septembre, le chef séparatiste Moise Tshombe avait signalé sa disponibilité pour une trêve avant de changer d’avis après avoir rencontré pendant une heure Denzil Dunnet, consul de Grande Bretagne au Katanga.
Il n’est pas douteux qu’au moment de sa mort, Hammarskjöld qui s’était déjà aliéné les Soviétiques, les Français et les Belges, avait aussi mis en colère les Américains et les britanniques avec sa décision de lancer l’opération Morthor contre les chefs rebelles et les mercenaires au Katanga.
Le secrétaire d’Etat US Dean Rusk avait dit à un des collaborateurs du secrétaire général que le président Kennedy était “extrêmement contrarié » et menaçait de retirer son soutien à l’ONU. Le Royaume Uni, avait dit Rusk, était « tout aussi contrarié. »
Au terme de son enquête, Björkdahl n’a toujours pas de certitude sur qui a tué Hammarskjöld, mais il est quasiment certain qu’il a été assassiné : « Il est clair que de nombreuses circonstances pointent vers l’implication possible de puissances occidentales. Il y avait un mobile – la menace pour les intérêts occidentaux dans les énormes gisements miniers du Congo. Et c’était l’époque de la libération de l’Afrique, et on avait des blancs qui tentaient désespérément de s’accrocher.
"Dag Hammarskjöld essayait de coller à la charte de l’ONU et aux règles du droit international. J’ai l’impression d’après ses télégrammes et sa correspondance privée qu’il était dégoûté par la conduite des grandes puissances. »
Le service historique du ministère britannique des affaires étrangères a refuse de s’exprimer à ce sujet. Les officiels britanniques considèrent que, si longtemps après les faits, aucune recherche ne pourrait démontrer de manière concluante ou réfuter ce qu’ils voient comme des thories de la conspiration qui ont toujours entouré la mort d’Hammarskjöld.
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