Cet article est tiré du blog « Democracy in America » qui rassemble des contributions des correspondants du magazine The Economist qui traitent de politique américaine.
Ce papier est signé seulement des initiales du correspondant, M.S., mais il faut dire qu’il aurait, à quelques petits détails près, pu parfaitement être signé de Gilad Atzmon dont le journaliste semble avoir lu le livre "The Wandering Who ?."
Où alors ce journaliste a abouti indépendamment aux mêmes conclusions que le fameux jazzman ex sioniste.
En même temps, il faut dire que c’est Netanyahou en personne qui nous convie à rejoindre l’analyse d’Atzmon quand il fait ce geste très symbolique qui consiste à offrir le Livre d’Esther au président des Etats Unis.
Ce qui revient à demander à Barack Obama d'assumer le rôle qui avait été celui du roi de Perse dans le Libre d'Esther.
Ce livre relate comme il est dit dans l’article une tentative d’élimination des Juifs en Perse à l’instigation d’un certain Haman, vizir du roi Ahasuerus. Une tentative déjouée grâce à Esther, l’épouse crypto-juive du roi et ce sont finalement les ennemis des Juifs qui seront exterminés.
La prière qui commémore ces événements observe cependant explicitement que la haine des Juifs est un phénomène qui traverse les époques et n’a pas de fin (ce sont les mêmes conclusions auxquels est arrivé le sieur Bernard-Botul-Henri Lévy, soi disant en philosophant alors qu’il s’est contenté de régurgiter sa doctrine religieuse).
On signalera quand même que l’histoire (celle qu’on professe à l’université non talmudique) ne connaît pas de roi Ahasuerus, pas plus que de vizir Haman ou de reine Esther.
Le complexe d’Auschwitz
Par M.S., The Economist (UK) 6 mars 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
Pendant sa rencontre avec Barack Obama lundi, Bibi Netanyahou a déclaré que “Israël doit être toujours en mesure de se défendre elle-même contre n’importe quelle menace. »
“Je crois que vous comprendrez, M. le Président, qu’Israël doit se réserver le droit de se défendre, » a déclaré Netanyahou. « Après tout, c’est le but même de l’Etat juif, restaurer le contreôle par le peuple juif de notre destin. C’est pourquoi ma suprême responsabilité en tant que premier ministre d’Israël est de faire en sorte qu’Israël reste maîtresse de son destin.»
Flash info: Israël n’est plus maîtresse de son destin. Il n’y a rien de terriblement surprenant à ce qu’un pays de moins de huit millions d’habitants ne soit pas maître de son destin. La Suède, la Suisse, la Serbie et le Portugal ne sont pas maîtres de leurs destins. En ce moment, de nombreux pays avec des populations de 100 millions d’habitants et plus ne peuvent pas vraiment être présentés comme maîtres de leurs destins. La Chine et la Grande Bretagne ne sont pas maîtresses de leurs destins, et même les Etats Unis qui sont de loin la première économie mondiale ne sont pas vraiment maîtres de leur destin.
Mais Israël a encore moins de contrôle sur sa propre destinée que n’en ont la Grande Bretagne ou le Portugal. La principale raison en est que, à la différence de ces pays, Israël refuse de renoncer à son empire. Israël est incapable de soutenir ses ambitions impériales en Cisjordanie, ni même de les articuler de lanière cohérente. Ayant permis à son idéologie fondatrice [le sionisme, NdT] de l’emmener inconsciemment et sans discontinuer dans ce que Gershom Ginsburg appelle un « empire accidentel » de colonies extrémistes nationalistes religieuses qui défient ouvertement ses propres tribunaux, Israël est politiquement incapable de s’en désengager. Les batailles partisanes engendrées par son occupation du territoire palestinien la rendent de moins en moins capable de se désengager. Elle est immobilisée, figée dans un conflit qui la tue à petit feu. Des pays vivant un crépuscule impérial, telle la Grande Bretagne de la fin des années 1940, sont souvent saisis par un sentiment de désespoir paralysant. Depuis plus de dix ans, le ton discours politique en Israël est un mélange de panique, de désespoir, d’hystérie et de résignation.
Personne ne porte une plus grande responsabilité pour le piège dans lequel Israël se trouve aujourd’hui enfermée que M. Netanyahou. En qualité de premier ministre à la fin des années 1990, il a fait plus que n’importe quel autre dirigeant Israélien pour détruire le processus de paix. L’accaparement illégal de terres par les colons était toléré et discrètement encouragé dans l’espoir confus qu’il serait un atout pour les négociations territoriales. Des affrontements violents et des provocations éclataient à chaque fois que le processus de paix semblait sur le point de franchir une étape concrète ; l’alibi le plus charitable consisterait à prétendre que les Israéliens n’avaient pas su faire preuve de la retenue attendue d’eux dans leurs représailles contre le terrorisme palestinien, ce qui sous-entend qu’ils auraient été vraiment intéressés par une solution à deux Etats. M. Netanyahou pensait que les accords d’Oslo étaient un mirage, et les actions de son gouvernement à la fin des années 1990 ont contribué à la réalisation de ce mirage.
S’étant enfermés eux-mêmes dans une lute à mort avec les Palestiniens sans pouvoir la reconnaître où la dénouer, les Israéliens ont opéré un déplacement de la source de leur anxiété vers une cible plus lointaine : l’Iran. Une bombe nucléaire iranienne ne serait pas un développement heureux pour Israël. Comme ne l’avaient pas été non plus un Pakistan nucléaire ni, de fait, la Corée du Nord. L’idée que l’Iran nucléaire représente un nouvel holocauste est exagérée, et la croyance que la source des malheurs existentiels d’Israël puisse être éliminée par une frappe aérienne est une erreur. Mais l’Iran fait un ennemi idéal pour les Israéliens parce que, à la différence des Palestiniens, il peut s’assimiler à une figure familière du roman national juif : l’antisémite éliminationniste. Avec les gros sabots qu’on lui connaît, M. Netanyahou a marqué sa rencontre avc M. Obama en lui offrant un exemplaire du Livre d’Esther. Ce livre parle d’un complot ourdi par Haman, vizir du roi de Perse Ahasuerus, pour massacrer les Juifs du pays, et des efforts de la belle Esther, l’épouse secrètement juive du roi Ahasuerus, pour persuader le roi de l’en empêcher. C’est une version de ce même récit de répression, de menace d’extermination et de résistance que les Juifs commémorent à Pâque dans la prière "Ve-hi she-amdah": « Parce qu’à chaque génération ils se lèvent pour nous détruire, mais le Seigneur, béni soit-Il, nous délivre d’eux.»
M. Netanyahou est moins séduisant qu’Esther, mais il semble faire la cour à M. Obama et à l’opinion américaine de manière tout aussi efficace. La relation israélo-américaine ressemble maintenant à cette sorte d’interdépendance qu’on voit parfois dans les mariages ratés, où le partenaire le plus obstiné et le plus instable entraîne l’autre dans des projets de plus en plus illusoires et dangereux dont les résultats désastreux ne semblent avoir pour effet que de légitimer leur vision paranoïaque. Si M. Netanyahou réussit à convaincre l’Amérique de soutenir une attaque contre l’Iran, il faut espérer que ses conséquences catastrophiques ne serviront pas à justifier l’attaque qui les a provoquées.
M. Netanyahou pense que la mission du sionisme était de donner au people juif le contrôle de sa destinée. Personne n’a le contrôle de son destin quant il est en guerre avec ses voisins. Mais en tout cas, c’est seulement une des manières de penser la mission du sionisme. Une autre mission que citaient fréquemment les sionistes du début était d’aider les Juifs à sortir de la «mentalité de ghetto.» Le cadeau offert par M. Netanyahou à M. Obama montre qu’il est toujours dans cette mentalité.
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