Quand on évoque les victimes, notamment civiles, d’un conflit comme celui qui est en cours en Syrie, certains disent qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.
Passons sur le fait que ces gens là pleurent quand même les victimes quand elles sont causées par le camp auquel ils sont hostiles, et indifférents aux victimes du camp qui a leurs faveurs.
On peut donner l’exemple de Bassam Mohieddine ce cinéaste Syrien âgé de 57 ans qui vient d’être assassiné près de chez lui à Damas..
Figurez-vous que dans l’annonce de sa mort, Le Nouvel Observateur a déjà pris acte du fait que la Syrie n’existait plus :
Un cinéaste alaouite assassiné près de Damas
Eh oui, c’était un cinéaste alaouite, pas Syrien. Demain, le nouvel Observateur nous parlera de tel cinéaste en nous disant qu’il est catholique, de tel autre qu’il est musulman , bouddhiste ou encore juif.
Il y a quelque chose de décidément pourri dans la presse française.
Notre ministre de la culture (kicédéja) n’a pas eu un mot sur l'assassinat de ce confrère (elle prétend être cinéaste) .
Pour en revenir aux omelettes, il y a omelette et omelette et celle que concoctent les prétendus rebelles en Syrie est déjà avariée tant elle regorge d’ingrédients apportés par les monarchies du Golfe et les puissances occidentales emmenées par les Etats Unis.
Je vous propose un article de Seumas Milne qui explique bien tout ça et notamment les manœuvres occidentales pour faire en sorte que les Syriens s’entretuent.
Tous ces gens là,ces monarques et même le premier ministre Turc, dépourvus finalement de vision historique, ne semblent pas comprendre que la destruction de la Syrie ne pourra pas être sans graves conséquences pour leurs pays respectifs.
Les Etats Unis s’en contrefichent, tant que l’exploitation et la commercialisation du pétrole et du gaz restent assurées. Ils sauront très bien gérer des micro-Etats qui passeront leur temps à s’entre déchirer entre deux trêves obtenues par la médiation de l’Oncle Sam.
Pour comprendre ce qui se passe en Syrie je ne peux que recommander la lecture d’un papier de Seymour Hersh paru dans le New Yorker en 2007 et disponible en français ici. Il y a là de quoi rendre la vue à bien des aveugles.
Sur le terrain, la situation semble évoluer en faveur des troupes gouvernementale sans qu’on puisse dire qu’il s’agit là d’un pas décisif vers un retour au calme en Syrie. Car comme le dit Seumas Milne, la paix dépend pour beaucoup de l’attitude des gouvernements occidentaux et des monarchies arabes.
Il n’est pas du tout acquis que ces derniers vont jeter l’éponge, au contraire. J’espère me tromper, mais je pense qu’il faut s’attendre à plus d’ingérence de la part de l’Occident. Avec des prétextes humanitaires, comme d’habitude.
Tenez, la France va dépêcher des équipes médicales en Jordanie auprès des réfugiés Syriens. Louable attention, il est vrai.
Mais pourquoi envoyer des médecins militaires et ne pas s’appuyer d'abord sur des organisations bien connues, comme la Croix Rouge, Médecins du Monde ou Médecins Sans frontières ?
Mon petit doigt me dit que c’est le subterfuge choisi par Laurent Fabius et le gouvernement français pour se livrer à des activités d’espionnage et d’encadrement des combattants antigouvernementaux sur le flanc sud de la Syrie.
Finalement, ce n’est peut-être pas anodin si Le Point titre ainsi son papier sur cette mission médicale :
Syrie : la France passe à l'offensive
Le soutien des régimes occidentaux et du Golfe aux combattants rebelles n’apporte pas la libération aux Syriens mais une escalade des conflits sectaires et de la guerre.
par Seumas Milne, The Guardian (UK) 7 août 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
La destruction de la Syrie bat maintenant son plein. Ce qui avait commencé comme un soulèvement populaire il y a 17 mois est maintenant une guerre civile totale alimentée par des puissances régionales et mondiales et qui menace d’engloutir l’ensemble du Moyen Orient. Alors que la bataille pour l’antique cité d’Alep continue à détruire et que les atrocités se multiplient des deux côtés, le danger que le conflit déborde par delà les frontières de la Syrie s’accroît.
La défection du premier ministre Syrien est le coup le plus spectaculaire marqué pour l’instant dpar un programme bien financé même s’il est peu probable qu’il signale un effondrement imminent du régime. Mais la capture de 48 pèlerins Iraniens – ou Gardiens de la révolution sous cette couverture selon qui vous croyez – ainsi que le risque de plus en plus élevé d’une attaque turque dans les régions kurdes de Syrie et un afflux de combattants djihadistes donnent une idée de ce qui est en jeu aujourd’hui.
L’interventionnisme régional et occidental est à la base de l’escalade du conflit. Ce n’est pas l’Irak, bien sûr, avec des centaines de milliers de soldats au sol, ou la Libye avec des bombardements aériens dévastateurs. Mais la forte augmentation des livraisons d’armes, des financements et du soutien technique fournis pas les Etats Unis, le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Turquie et d’autres ces derniers mois a donné un coup de fouet considérable aux moyens d’action des rebelles, ainsi qu’au bilan des victimes.
Barack Obama a jusqu'ici résisté aux demandes des faucons néo-conservateurs et libéraux pour une intervention militaire directe. Au lieu de cela, il a autorisé des formes plus traditionnelles de soutien militaire clandestin, dans le style du Nicaragua, apporté par la CIA aux rebelles syriens.
Les Etats-Unis, qui avaient soutenu le premier coup d'Etat en Syrie en 1949 , financent depuis longtemps des organisations d'opposition. Mais il y a quelques mois, Obama a donné un ordre secret autorisant (ainsi qu’un soutien ouvert, financier et diplomatique) un soutien clandestin à l'opposition armée. Ce qui comprend les paramilitaires de la CIA sur le terrain, le «commandement et le contrôle»ainsi que l'assistance en matière de télécommunications, et l'acheminement des livraisons d'armes du Golfe via la Turquie pour des groupes de combattants syriens partenaires. Après le blocage le mois dernier par la Russie et la Chine de sa dernière tentative pour obtenir l'appui des Nations Unies pour un changement de régime par la force, l'administration américaine a fait savoir qu'elle allait maintenant intensifier le soutien aux rebelles et coordonner avec Israël et la Turquie des plans de «transition» pour la Syrie.
"Vous remarquerez que ces deux derniers mois, l'opposition a été renforcée," a déclaré un haut fonctionnaire américain au New York Times vendredi dernier. "Maintenant nous sommes prêts à accélérer." Ne voulant pas être en reste, William Hague, se vantait que la Grande-Bretagne était aussi en train d’accroître sont soutien "non-létal" spour les rebelles. Les Etats autocratiques d’Arabie Saoudite et du Qatar apportent l'argent et des armes , comme l'a reconnu cette semaine le Conseil National Syrien (CNS) soutenu par l’Occident, tandis que la Turquie, membre de l'OTAN, a mis en place la logistique et la formation de base pour l'Armée Syrienne Libre (ASL) dans ou près de la base aérienne américaine d'Incirlik.
Pour les Syriens qui veulent la dignité et la démocratie dans un pays libre, la dépendance rapide et multiforme de leur soulèvement vis-à-vis de l'aide étrangère est un désastre - plus encore que ce ne fut le cas en Libye. Après tout ce sont désormais des officiels du régime dictatorial et sectaire d’Arabie Saoudite qui choisit quels groupes armés obtiendront de l’argent, et non pas des Syriens. Et ce sont des agents secrets des États-Unis, le pays qui parraine l'occupation israélienne du territoire syrien et des dictatures dans la région, qui décident quelles unités rebelles auront des armes.
Les militants de l'opposition insistent pour affirmer qu'ils vont préserver leur autonomie, fondée sur un soutien populaire profondément enraciné. Mais il est clair que la dynamique du soutien externe risque de transformer les organisations qui en dépendent en instruments de leurs commanditaires, plutôt que les personnes qu'ils cherchent à représenter. Les financements du Golfe ont déjà aiguisé le sectarisme religieux dans le camp des rebelles, tandis que les informations de cette semaine sur la désaffection de l’opinion vis-à-vis des combattants rebelles à Alep illustrent les dangers de groupes armés étrangers qui s’appuient sur des gens d’ailleurs plutôt qie sur leurs propres communautés.
Le régime syrien est bien entendu soutenu par l’Iran et la Russie, comme il l’est depuis des dizaines d’années. Mais une meilleure analogie pour comprendre l’implication des pays occidentaux et du Golfe dans l’insurrection syrienne serait si l’Iran et la Russie sponsorisaient une révolte armée, disons, en Arabie Saoudite. Pour les médias occidentaux, qui ont largement traité du soulèvement syrien comme d’une lutte unidimensionnelle pour la liberté, les preuves aujourd’hui inévitables de tortures et d’exécutions de prisonniers ar les rebelles – ainsi que de kidnappings par des organisations du genre al Qaïda, qui une fois de plus se retrouvent dans une alliance avec les Etats Unis – semblent avoir été comme un choc.
En réalité, la crise syrienne a toujours eu plusieurs dimensions correspondant aux lignes de faille les plus sensibles de la région. C’était au début un authentique soulèvement contre un régime autoritaire. Mais il a écolué de plus en plus vers un conflit sectaire dans lequel le régime Assad dominé par les Alaouites a pu se présenter lui-même comme le protecteur des minorités – alaouite, chrétienne et kurde – contre une marée d’opposition dominée par les sunnites.
L'intervention de l'Arabie saoudite et d'autres autocraties du Golfe, qui ont essayé de se protéger d’un bouleversement arabe plus large en jouant la carte anti-chiite, a pour objectif transparent une société sectaire, pas une société démocratique. Mais c'est la troisième dimension - alliance de la Syrie avec Téhéran et le mouvement résistance chiite libanais, le Hezbollah - qui a transformé la lutte en Syrie en guerre par procuration contre l'Iran et en un conflit global.
Beaucoup d’opposants Syriens opposeront qu’ils n’avaient d’autre choix que d’accepter le soutien de l’étranger s’ils devaient se défendre eux-mêmes contre la brutalité du régime. Mais comme le soutient le leader de l’opposition indépendante Haytham Manna, la militarisation du soulèvement a réduit sa base populaire et démocratique – tout en aggravant considérablement le bilan des victimes.
Il y a toutes les chances que la guerre puisse se répandre hors de Syrie. La Turquie, qui a une importante population alaouite chez elle ainsi qu’une minorité kurde réprimée depuis longtemps, a revendiqué le droit d’intervenir contre les rebelles Kurdes en Syrie après le retrait par Damas de ses troupes dans les villes kurdes. Des affrontements provoqués par la guerr en Syrie se sont intensifiés au Liban. Si la Syrie devait de fragmenter, tout le système post-ottoman des frontières et des Etats du Moyen Orient pourrait être remis en question avec elle.
Cela pourrait se produire aujourd'hui indépendamment de la durée de survie d’ Assad et de son régime. Mais l'intervention en Syrie revient à prolonger le conflit, plutôt que de donner un coup fatal au pouvoir. Seule la pression pour un règlement négocié, que l'Occident et ses amis ont si vigoureusement bloqué, peut maintenant donner aux Syriens la possibilité de déterminer leur propre destin - et de stopper la descente du pays aux enfers.
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