La lecture de la presse turque est intéressante en ce moment et elle nous renseigne sur le niveau de désorientation de la diplomatie d’Ankara. A force en effet de vouloir gagner sur tous les tableaux, le Turquie va se retrouver dans la situation qui était la sienne avant l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, c’est-à-dire strictement inféodée aux Etats Unis. La différence notable étant sans doute que la Turquie se sera aussi fait des ennemis auprès de pays qui ne demandaient qu’à se rapprocher d’elle.
Et pour couronner le tout, la Turquie n’aura sans doute même pas la satisfaction d’obtenir de simples excuses officielles de la part de l’entité sioniste pour l’assaut meurtrier contre la Mavi Marmara. Le régime sioniste attend patiemment que la Turquie rentre sagement au bercail. En attendant, le gouvernement turc, si en pointe contre les autorités de Damas en est réduit à ses sempiternelles gesticulations à l'égard de Tel Aviv.
Ainsi, le très viril Abdullah Gül, président de la république de Turquie, en est réduit à éviter un déjeuner officiel en Autriche afin de ne pas avoir à passer le sel à Ehud Barak, ministre sioniste de la défense dont il a découvert qu’il faisait partie des invités de la présidence autrichienne. C’est que le protocole turc n’avait même pas pu obtenir plusieurs jours à l’avance, ainsi qu’il l’avait demandée, la liste officielle des hôtes du président Heinz Fischer.
Alors, si le gouvernement turc n’est pas capable d’obtenir en temps voulu une simple liste, on peut imaginer ce qu’il en sera des excuses sionistes.
Privé de déjeuner, Abdullah Gül s’est alors consolé en visitant un quartier peuplé majoritairement d’émigrés Turcs. Une visite qui devait certainement s’apparenter à une cure de modestie, une sorte de rappel que si la Turquie est en plein développement économique, les temps difficiles sont encore récents et que la prospérité est encore loin d’avoir diffusé dans toute la population.
Une population qui, ne l’oublions pas, comporte une minorité arabe non négligeable (des Syriens en fait) avec une forte composante alaouite.
Et ces Alaouites là sont mécontents de la politique menée par leur gouvernement dont l'attitude à l'égard de la situation syrienne, pourrait déclencher une force centrifuge de plus dans une Turquie qui n’a toujours pas réglé une question kurde qui pourrait s'aggraver en cas de chute brutale du régime syrien.
A Antakya (Antioche), une cité cosmopolite à la frontière avec la Syrie, la minorité Alaouite a pris position contre Ankara en défendant avec acharnement Bachar al-Assad – craignant pour leur sort s’il est renversé.
AFP, Cumhuriyet (Turquie) 10 décembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri
ANTAKYA- Rejetant la position ferme de leur gouvernement et les sanctions contre Damas, l’organisation conteste la réalité de la repression meurtrière qui a cause la mort de plus de 4 000 personnes en Syrie depuis mars, selon des chiffres de l’ONU.
“Nous savons fort bien qu’il n’y a pas d’oppression en Syrie,” affirme Ali Yeral, president de l’association Ehli Beyt Alawite d’Antakya – résumant ainsi l’attitude prédominante.
«Il y a certes quelques petits problèmes… mais il faut laisser du temps au régime du president Bachar al-Assad pour mettre en place des réformes démocratiques.»
Les Alaouites sont une branche chiite minoritaire qui compte la famille Assad au pouvoir en Syrie parmi ses adhérents.
Elle a environ deux millions d’adeptes en Syrie, fortement représentés dans la haute hiérarchie de l’armée et du parti Baath au pouvoir – et des centaines de milliers en Turquie, surtout autour d’Antakya où ils gardent des liens étroits avec leurs drères de l’autre côté de la frontière.
Les Alaouites expatriés sont en majorité restés fidèles au régime assiégé de Damas.
«Tout est calme dans les villes (syriennes). Il n’y a rien à Lattaquié (au nord-ouest du pays) ; les gens qui arrivent ici disent que la vie est normale,» affirme Suheyla Kocak, une actrice du théâtre municipal d’Antakya qui a mis en scène de nombreuses rpièces en Syrie.
«Où les incidents se produisent-ils? Dans des zones reculées, où les gens sont ignorants et à qui on peut facilement tourner la tête. C’est dans ce genre d’endroits qu’ils se battent entre eux et s’entretuent. »
«Des millions de personne sont dans les rues pour soutenir les réformes (d’Assad)», ajoute Ali Yeral.
«Mais certaines chaînes de télévision, en particulier al Jazeera, font tout pour l’ignorer et nous montrent à la place 200 ou 300 membres d’une organisation terroriste sanguinaire qui manifestent, » explique Yeral.
Ce qui sous-tend ce négationnisme est peut-être la crainte de représailles contre les Alaouites, en Syrie et ailleurs, si le régime d’Assad devait disparaître.
"Si Assad est renversé, il est evident qu’il y aura un massacre d’Alaouites,” affirme Yeral.
«Après ça, le Hezbollah libanais sera dans la ligne de mire, puis l’Irak, l’Iran, et cela touchera au passage la Turquie et l’Arabie Saoudite.»
Yusuf Mutlu, un restaurateur, impute la violence en Syrie aux Frères Musulmans. Ce mouvement est interdit en Syrie et tous ses responsables vivent en exil.
“Ce sont les Frères Musulmans qui créent tous ces incidents,” soutient-il.
Mutlu dit avoir peu de sympathie pour les 7 500 réfugiés Syriens dans la region d’Antakye avec leurs récits terrifiants sur les dévastations perpétrées par l’armée syrienne.
Il n’est pas convaincu par les appels d’Ankara à Assad pour qu’il démissionne, ni par la sagesse des sanctions contre Damas alors que les relations entre la Syrie et la Turquie étaient chaleureuses il y a seulement un an.
«En tant qu’Alaouite, je suis profondément blessé … qu’un dirigeant politique de la république turque fasse de la discrimination religieuse, » ajoute-t-il, faisant référence à une déclaration d’Husseyin Celik,un haut responsable du parti AKP au pouvoir, dans laquelle il avait souligné le rôle des Alaouites dans la structure du pouvoir syrien.
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