La situation en Syrie est devenue un vrai casse-tête pour le gouvernement turc qui ne sait maintenant plus comment s’en dépêtrer.
Après l’avoir encouragé Ankara à soutenir la sédition armée dans le pays voisin, les démocraties humanistes occidentales ont clairement fait savoir qu’elles n’étaient pas intéressées par le déclenchement d’une guerre ouverte avec la Syrie.
Pas plus qu’elles n’acceptent de mettre la min au portefeuille pour aider les autorités turques à faire face aux besoins des Syriens qui se sont réfugiés sur son sol.
La Turquie se retrouve maintenant donc seule face aux problèmes posés par la situation en Syrie. On peut compter sur les prétendus rebelles prétendument démocrates pour essayer de provoquer la guerre ouverte dont Recep Tayyip Erdogan et son équipe ne veulent pourtant pas.
C’est ainsi qu’il faut interpréter le récent transfert de ce qui est présenté comme la direction militaire de l’Armée Syrienne Libre en territoire syrien dans ce que les derniers évènements ont transformé en zone tampon, ou en réduit, de facto.
Avec le refus explicite d’accueillir de nouveaux réfugiés, nous avons là les premiers signes d’une volonté de désengagement. Une volonté qu’on peut aussi repérer dans la proposition faite par le gouvernement turc d’une démission du président Bachar al-Assad qui pourrait être remplacé par le vice-président actuel Farouk al Chareh.
Recep Tayyip Erdogan ne sait plus comment sortir la tête haute d’une affaire qui se réduirait à une question de personne. J’imagine volontiers le premier ministre Turc supplier à genoux Bachar al-Assad de suite le pouvoir, seul expédient qui lui reste pour sauver la face.
Parce que le gouvernement turc a fait montre d’irréflexion et de sottise dans sa gestion de l’affaire syrienne. Avant d’emboîter le pas à Londres ou à Paris, il aurait dû se rappeler que son pays partage une longue frontière et bien d’autres choses avec la Syrie : une histoire, des Alaouites et des Kurdes entre autres.
Et que tout bouleversement dans le pays voisin est susceptible d’avoir des répercussions en Turquie où les lignes de fracture sont très présentes et peuvent s’élargir jusqu’à causer des troubles de nature à remettre en cause la stabilité du pays et la paix civile.
J’’ai déjà parlé sur ce blog de ces lignes de fracture avec les trois minorités précitées, kurdes, alaouites et alévies.
Vos journaux n’en ont bien sûr pas parlé, mais ce sont plus de 150 000 manifestants, essentiellement alévis, qui ont défilé dimanche dernier à Ankara pour réclamer justice et égalité mais aussi pour signifier leur refus de l’escalade militaire avec la Syrie voisine.
A bon entendeur, M. Erdogan!
Zaman (Turquie) 7 Octobre 2012 traduit de l'anglais par Djazaïri
Des manifestants se sont affrontés à la police dimanche alors d’environ 155 000 manifestants étaient rassemblés place Sıhhiye à Ankara ce dimanche, dans une manifestation organisée par la Fédération Alevi Bektaşi et le Fédération des Associations Alévis pour exprimer leur demande d’égalité.
La police a tiré du gaz lacrymogène sur certains manifestants parce qu’ils avaient refusé d’être fouillés à leur arrivée sur la place Sıhhiye. Il y a eu un bref affrontement entre manifestants et policiers quand la foule a commencé à pousser après la barricade de la police à l’entrée. L’agence de presse Cihan a rapporté que ceux qui se sont heurtés à la police aux checkpoints de l’entrée appartenaient à la Plateforme Socialiste des Opprimés (ESP) et à une organisation marginale nommée Partisan. Cihan indique que ce sont ces organisations qui ont lancé des objets contre la police. Un manifestant a été arrêté et trois agents de police ont été blessés dans ces incidents.
Le rassemblement, appelé le "Laik ve Türkiye Demokratik ICIN ESIT Yurttaşlık Mitingi" (manifestation de l’égalité citoyenne pour une Turquie laïque et démocratique), a commencé dans la matinée, les manifestants alévis s’étant regroupés à la gare d'Ankara avant de se diriger sur Sihhiye vers 10:30. Les manifestants ont scandé des slogans appelant à la justice pour le massacre de Sivas en 1993 où 35 alévis avaient été tués, à l'abolition des cours de religion obligatoires, à l’octroi aux lieux de culte des Alévis (cemevi, mot dérivé de l’arabe djemaa) le même statut que les mosquées, tout en protestant contre l’éventualité d’une guerre avec la Syrie et en exprimant un soutien au peuple syrien.
Outre l’ESP et Partisan, la manifestation a vu la participation d’autres organisations associatives et politiques, dont le Parti de la Solidarité et de la Liberté (ÖDP), le Parti Communiste Turc (TKP), l’Association Halkevleri, le Parti Populaire de Libération (HKP) et beaucoup d’autres.
Ces organisations protestaient aussi contre les insuffisances de l’enquête sur des incidents récents où les maisons d’habitants Alévis avaient été marquées en rouge dans plusieurs villes.
Un bus du Parti Républicain Populaire (CHP) ouvrait la marche pour la foule dans sa marche entre la gare de chemin de fer et Sıhhiye. Le fan club Çarşı de l’équipe de football de Beşiktaş jouait du tambourin et il y avait un groupe de caisses claires nommé Kızıldavul (tambour rouge).
En 2010, le gouvernement avait organisé sept ateliers sur une période de six mois qui avaient vu la participation de 400 universitaires, théologiens, membres d’organisations de la société civile, politiciens, journalistes et représentants Alévis et Bektaşis.
Malgré tout, un certain nombre d’organisations avaient protesté contre le gouvernement, accusant les autorités de «sunniser» les Alévis dans le pays.
Toute la lumière n’a pas encore été faite sur l’histoire des Alévis au temps de l’empire ottoman, mais les relations entre les communautés sunnite et alévie en Anatolie ont été difficiles dès le début. En 1511, l’armée ottomane avait brutalement réprimé en Anatolie une révolte des Turkmènes Kizilbaş (tête rouge) de confession alévie, et 40 000 d’entre eux avaient péri. La bataille de Çaldıran, entre l’empire Ottoman sous Yavuz Sultan Selim et le dirigeant Séfévide Ismaïl en 1514 avait eu pour conséquence un édit impérial ordonnant la mise à mort de tous les Kızılbaş de la région.
Les siècles qui suivirent furent aussi troublés, mais pas aussi brutaux. En fait, les troupes impériales ottomanes – appelées janissaires – étaient recrutées exclusivement dans des loges Bektaşi. Ce qui reste difficile à apprécier, c’est l’étendue de la persécution des Alévis à l’époque républicaine. Des centaines d’Alévis furent tués dans des pogroms, dont beaucoup considèrent qu’ils avaient été ourdi en sous-main par des organisations secrètes à l’intérieur de l’appareil d’Etat, dans les villes de Çorum, Yozgat et Kahramanmaraş, dans les années 1970. 34 artistes Alévis avaient péri brûlés vifs en 1992 dans l’incendie de l’hôtel Madimak à Sivas. Il y a eu d’autres incidents, comme celui dans le quartier alévi de Gazi à Istanbul en 1995, quand des Alévis avaient été la cible de tirs à l’arme automatique.
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