Il y a beaucoup de choses à dire sur l’actualité du moment. Par exemple sur l’enregistrement attribué à Mohamed Merah diffusé par TF1. Outre le moment plus qu’opportun de cette diffusion avec les prétendus incidents antisémites de Villeurbanne et dans un train et tout le tohu-bohu fait par le Nouvel Observateur, Manuel Valls et le CRIF à l’unisson, on ne peut qu’être étonné par la teneur des propos de Merah, passé du statut de relégué du système scolaire à celui de diplômé en sociologie politique de l’université du Mirail.
L’enregistrement, à l’authenticité douteuse, diffusé par TF1 a sans doute moins à voir avec la tuerie de Toulouse en elle-même qu’avec la campagne en cours pour démontrer l’existence d’un nouvel antisémitisme caractéristique des jeunes de confession musulmane. Et ce nouvel antisémitisme, n’est rien d’autre que la dénonciation ferme et résolue du sionisme.
Bon, mais il faut choisir alors je vais vous parler encore de la Syrie…
Le régime syrien doit faire face en effet non seulement aux assauts de bandes armées financées par les monarchies (démocratiques) du Golfe mais aussi à un tir de barrage médiatique exécuté par une presse occidentale qui n’a au fond rien à envier à celles des dictatures.
La différence étant que dans les dictatures, les lecteurs se méfient d’instinct de ce que racontent leurs journaux.
Il en va bien entendu autrement dans les démocraties libérales avancées où l’impératif altruiste est toujours prêt à déclencher les forces du bien.
L’unanimisme médiatique dans le cas de la Syrie n’est donc pas pour surprendre.
Il existe pourtant quelques voix dissonantes. On a déjà évoqué ici celle du commentateur Anglais Peter Hitchens, on peut ajouter celle de Russ Baker.
Russ Baker s’exprime essentiellement sur son propre site. C’est cependant un journaliste chevronné bien connu qui a collaboré avec des journaux comme le Sunday Times, Der Spiegel, le Washington Post ou encore la Frankfurter Allgemeine-Zeitung. Russ Baker a cependant considéré qu’il était difficilement possible d’exercer correctement son métier dans ce qu’on appelle aux Etats Unis les «corporate media», les organes d’information aux mains de l’industrie et de la finance.
C’est donc en journaliste libre qu’il donne son point de vue sur l’information relative à la situation en Syrie.
par Russ Baker, WhoWhatWhy (USA) 8 juillet 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
Vendredi, nous avons lu dans le New York Times et ailleurs qu’un des plus importants soutiens et alliés du régime du président Syrien Bachar al-Assad avait fait défection. L’impression laissée par cette information est que le gouvernement de M. Assad est en voie d’effondrement, ce qui donne de la crédibilité à ceux qui poussent Assad à céder le pouvoir.
Mais ce que les médias ne signalent pas est que le général de brigade Manaf Tlass n’a pas fait directement défection du cercle rapproché d’Assad. Il était déjà tombé en disgrâce au début de la révolte et avait perdu son commandement en mai 2011 – il y a 14 mois. Si vous aviez eu cet élément d’information complémentaire, vous auriez interprété les articles de presse de manière complètement différente.
Quand un élément factuel qui contredit une impression d’ensemble est absent d’un reportage, le reportage en tant que tel est alors presque sans valeur.
Il en va de même des reportages sur des évènements horribles sans vérification factuelle ni enquête de terrain. Vous vous souvenez du massacre de Houla ? Qui l’a perpétré ?
Houla Whoops
Les médias nous ont dit que plus de 100 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été sauvagement massacrés à bout portant dans le village de Houla en mai dernier. La tuerie, rapportée dans le monde entier, avait été attribuée à une milice loyale à Assad, les Shabiha. Voici un exemple tiré su site web de la BBC :
Des survivants du massacre dans la région de Houla en Syrie ont parlé à la BBC de leur stupeur et de leur effroi quand les forces du régime sont entrées dans leurs maisons et ont tué leurs familles…La plupart des témoins qui se sont exprimés auprès de la BBC ont dit qu’ils pensaient que l’armée et des miliciens shabiha étaient responsables.«Nous étions à la maison, ils sont entrés, les shabiha et les forces de sécurité, ils sont venus avec des kalashnikovs et des pistolets automatiques, » a déclaré un survivant, Rasha Abdul Razaq.
Par la suite, des informations sorties au compte gouttes ont mis en doute cette version, d’autant que les personnes tuées étaient en majorité elles-mêmes en faveur d’Assad. Le reportage de la BBC ne nous dit pas qui était Rasha et n’a donné aucune preuve qu’elle était vraiment présent sur place ni, si elle était sur place, qu’elle avait des éléments quelconques pour affirmer que les tueurs étaient identifiables par leur affiliation. La BBC a cité une autre source qui n’a donné aucun nom. Malgré la faiblesse de son matériel, le récit de la BBC a été repris dans le monde entier pour devenir peut-être la version définitive des évènements.
Vous n’avez donc sans doute pas eu connaissance d’un article de la Frankfurter Allgemeine-Zeitung, un bon vieux et sérieux journal allemand pour lequel j’ai écrit par le passé. Ce journal a publié il y a un mois un article d’un de ses correspondants qui a recueilli des témoignages oculaires de personnes dont il dit qu’elles sont allées dans la région de Houla. Le correspondant, Rainer Hermann dit que ces témoins oculaires étaient des opposants à Assad ont néanmoins constaté que les partisans du gouvernement n’étaient pas responsables du massacre.
Les sources de Hermann décrivent les évènements de la manière suivante : des rebelles anti-Assad ont attaqué des barrages routiers de l’armée disposés aux abords immédiats de Houla pour protéger contre les milices sunnites les villages qui sont affiliés en majorité à la secte alaouite d’Assad. Les soldats postés aux barrages mis en grande difficulté ont alors appelé du renfort, ce qui a débouché sur une bataille de 90 minutes qui a vu les deux camps subir de lourdes pertes.
C’est dans ce laps de temps que des miliciens non identifiés sont entrés dans Houla.
Comme Hermann l’écrivait le 7 juin :
« Selon des témoins oculaires… ceux qui ont été tués étaient presque exclusivement de familles appartenant aux minorités chiites et alaouites de Houla. Plusieurs dizaines de membres d’une même famille ont été massacrés, c’étaient des convertis de l’Islam sunnite à l’islam chiite. Des membres de la famille Shomaliya, des Alaouites, ont aussi été tués tout comme la famille d’un membre sunnite du parlement syrien qui est considéré comme un collaborateur. Juste après le massacre, les auteurs auraient filmé leurs victimes pour les présenter comme des victimes sunnites dans des vidéos postées sur internet.… «Leurs constatations contredisent les allégations des rebelles qui ont accusé les miliciens shabiha proches du régime.»
Ainsi, Hermann a apparemment été en mesure de faire quelque chose dont la plupart des journalistes occidentaux ont été incapables: trouver des opposants à Assad qui sont néanmoins prêts à fournir des témoignages qui ne servent pas leurs propres intérêts.
Leurs histoires d’affrontements intercommunautaires est plus logique que celle qui a fait le tour du monde et a transformé de nombreuses personnes qui ne prêtaient pas grande attention à la situation en partisans d’une déposition d’Assad. Mais tout le monde doit néanmoins donner des précisions de sorte à ce que nous puissions être en mesure de déterminer ce qui est vrai.
Presque tous les récits dans les articles des grands médias ont la caractéristique d’émaner de l’opposition et presque tous imputent tous les maux au régime et presque tous observent en avertissement que les informations « n’on pu être vérifiées de manière indépendante.»
Parlons Turquie
Bien que le journalisme classique se targue d’être « objectif » et de ne pas prendre parti, je ne me souviens pas avoir beaucoup entendu parler du point de vue du régime syrien, en dehors des démentis généraux et peu convaincants après des informations sur les méfaits du régime. On a presque l’impression que le gouvernement syrien ne veut pas être entendu.
Mais il s’avère que ce n’est pas le cas.
Avec le voisin turc de la Syrie de plus en plus en pointe pour que l’OTAN renverse Assad, il est intéressant de voir qu’un journal turc a coulu savoir ce que le dirigeant syrien avait à dire :
Dans un entretien accordé au journal turc Cumhuriyet, Bachar al-Assad a adressé une critique extraordinairement intéressante du premier ministre Turc Recep Tayyip Erdogan. Une version traduite en anglais par l’agence syrienne de presse SANA montre Assad mettant en avant sa bonne volonté à l’égard du peuple turc dans la première partie de lentretien avant de soulever des questions sur les motivations de l’alliance qui cherche à le renverser :
Assad: …. Aujourd’hui Erdogan versee des larmes hypocrites pour le peuple syrien. Pourquoi n’a-t-il pas pleuré sur ceux qui ont été tués dans certains pays du Golfe alors que ce sont des gens innocents, pacifiques et désarmés ? Pourquoi ne parle-t-il pas de la démocratie dans certains pays du Golfe ?Le journaliste: Quel pays?Assad: Le Qatar, par exemple. Pourquoi n’a-t-il rien fait après l’incident du Mavi Marmara à part gesticuler ?Pourquoi a-t-il défié israêl avant de soudain accepter de déployer le bouclier antimissile en Turquie ? L’a-t-il déployé pour protéger la Turquie de l’attaque d’un pays hostile ? Les Etats Unis ont-ils construit ces bases pour leur propre protection dans cette région ? Quel pays de la régionest en mesure de menacer l’Amérique? Aucun.
Pas besoin d’être un admirateur d’Assad (et qui l’est ?) pour trouver de l’intérêt à lire ses propos. Entendre, pratiquement pour la première fois, l’autre partie sonne un choc salutaire – qui me rappelle une règle qu’on nous enseignait à l’école de journalisme mais dont entendait plus parler par la suite, sauf sous ses aspects les plus superficiels ; Pour découvrir ce qui se passe vraiment, faites un véritable effort pour parler avec les deux camps.
Rien qu’Hillary, Tout le temps
Alors que les médias occidentaux ignorent purement et simplement les déclarations des dirigeants Syriens, ils fonctionnent comme une image inversée de l’agence de presse syrienne officielle, publiant un flot continu de déclarations des dirigeants qui veulent la chute d’Assad. Par exemple, à nouveau dans le New York Times, les propos souvent repris de Mme Clinton sur Tlass.
Plus tard, lors d’une conférence de presse, Mme Clinton a déclaré que la nouvelle de la défection du général Tlass et d’autres officiers supérieurs était un signal très fort de la fin prochaine du régime Assad. Elle a présenté le général Tlass comme un allié de longue date et très proche du régime » de M. Assad et de son père.
On a donc une Hillary Clinton qui veut présenter de manière distordue l’évènement Tlass et une presse qui n’est que trop heureuse de la suivre.
Il y a de plus en plus de preuves que nous, Américains, sommes trompés par notre gouvernement sans que les élus du peuple ne pipent le moindre mort dans la presse à ce sujet. C’est une situation qui, n’est malheureusement pas vraiment une information nouvelle.
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