On parle encore de médecine iranienne dans la presse anglo-saxonne en ce moment. Cette fois, il s’agit d’une expérience de coopération entre des acteurs de santé publique du Delta du Mississippi et le ministère iranien de la santé. On n'évitera pas le fameux parallèle nazisme-régime iranien, même si c'est pour la bonne cause. Après tout c'est le Times de Londres qui publie cette info...
Cette coopération peut justement paraître incongrue en cette époque de tension entre le gouvernement iranien et celui des Etats-Unis, dûment aiguillonnés par le régime sioniste ; elle peut notamment donner à penser sur la volonté profonde des Etats Unis d’entrer en guerre contre l’Iran.
Cet article montre par ailleurs à quel point le système de santé des USA est mal en point malgré des dépenses par habitant nettement supérieures à ce qu’on observe dans d’autres pays développés. Nous avons, comme il est dit dans le corps de l’article, des situations sanitaires voisines de celles de pays parmi les moins avancés du tiers monde. Ceci à côté de structures de soins souvent parmi les meilleures du monde, à la pointe du progrès pour le traitement de nombreuses pathologies.
C’est que le problème n’est ni technique, ni un problème de moyens mais politique et correspond à des choix de société comme le montrent les débats vigoureux sur la réforme prônée par M. Obama et combattue pied à pied par les tenants de l’assurance individuelle privée opposée à la sécurité sociale présentée comme une innovation socialisante voire communiste. De gros intérêts financiers sont bien entendu en jeu comme souvent dans les questions hautement politiques.
D’une certaine manière, ce n’est pas un hasard si la Mississippi va peut-être résoudre ses problèmes de santé publique en s’inspirant d’un pays en voie de développement. Parce que ce n’est pas un hasard non plus, si c’est dans le pays qui prétend imposer son ordre aux pays plus faibles qu’on trouve ces disparités scandaleuses de niveau de vie et d’accès aux soins.
En effet, pour comprendre la politique extérieure d’un Etat, il suffit bien souvent d’observer quelle est sa politique intérieure ; celle ci reflète nécessairement la celle là. On ne verra jamais ceux qui mènent chez eux des politiques qui aiguisent les inégalités, marginalisent les plus faibles se faire les champions de l’égalité et de la solidarité dans le monde.
Avec un projet avant-gardiste, une des communautés les plus pauvres d'Amérique se tourne vers le Moyen Orient pour essayer de résoudre la crise
par Christina Lamb, The Times (UK) 20 décembre 2009 traduit de l'anglais par Djazaïri
Alors que Mary Pryor se traine sur le côté d'une route du Mississipip pour récupérer des canettes usagées qu'elle revendra pour quelques cents, sa respiration devient haletante à cause d'une malformation cardiaque congénitale. La même maladie avait causé la mort de son père en début d'année.
Le dernier endroit au monde où elle irait chercher de l'aide est l'Iran, un pays généralement perçu comme ennemi en Amérique. Les Etats Unis et l'Iran n'ont pas de relations diplomatiques depuis trente ans et les deux gouvernements échangent quotidiennement des insultes à propos du programme nucléaire iranien. La semaine dernière, l'Iran a inculpé trois randonneurs Américains pour espionnage après qu'ils se soient apparemment égarés du côté iranien de la frontière [avec l'Irak].
Mais au moment où le Congrès débat avec acrimonie de la réforme du système de santé, c'est vers l'Iran qu'une des communautés les plus pauvres d'Amérique se tourne pour essayer de résoudre la crise de son propre système de santé.
Un médecin Etatsunien et un consultant en développement ont visité l'Iran en mai pour étudier un système de soins primaires qui a réduit la mortalité infantile de plus des deux tiers depuis la révolution islamique de 1979.
Puis, en octobre, cinq médecins Iraniens de premier plan, dont un cadre supérieur du ministère de la santé à Téhéran, ont été amenés discrètement dans le Mississippi pour donner des conseils sur la manière de mettre en place ce système sur place.
Le delta du Mississippi présente les plus mauvaises statistiques sanitaires du pays, avec des taux de mortalité infantile chez les non blancs qui se situent au niveau du tiers monde.
"Il est temps d'envisager un nouveau modèle," explique le Dr Aaron Shirley, une des principales militantes pour l'évolution du système de santé dans l'Etat.
"Il y a quarante ans, quand j'étais médecin résident à l'hôpital de Jackson, je prenais en charge l'admission de bébés malades et j'étais étonnée par tous ces enfants venant du delta avec des diarrhées, des méningites, des pneumonies.
"Après des années de recherche médicale et la dépense de millions de dollars, rien n'a vraiment changé."
Alors que la Chambre des Représentants et le Sénat évaluent le coût des réformes du système de santé de Barack Obama, Shirley souligne que de bons soins primaires évitent aux gens de se retrouver en premier lieu à l'hôpital.
Par ailleurs, le besoin de réforme n'est nulle part aussi aigu que dans le Mississipi. Cet Etat de sud a les plus forts taux d'obésité infantile, d'hypertension et de grossesses juvéniles des USA. Plus de 20 % des gens n'ont pas d'assurance santé.
Baptist Town, ou vit Pryor, est un cas typique. Dans cette banlieue délabrée de Greenwood, l'effondrement de l'industrie du coton a provoqué un chômage de masse. Ici, les magasins sont un mont de piété, le salon de beauté Juanita, un prêteur pour libertés sous caution et un bureau qui propose des "prêts d'avances sur salaires."
Le fils de Pryor, Kenneth, ainsi que sa belle fille Lizzie qui vit avec elle, sont tous deux sans emploi et leur fille unique est morte de sa maladie cardiaque à l'âge de 26 ans. En l'absence de centre local de soins ou de transport, ils vont au service d'urgences de l'hôpital s'ils ont besoin d'un médecin.
L'idée de chercher des solutions en Iran est venue quand James Miller, un consultant établi dans le Mississippi, a été appelé pour conseiller un hôpital rural en difficulté financière. Il était choqué de constater que l'Etat avait le troisième niveau de dépenses de santé par tête mais arrivait bon dernier en termes de résultats.
Miller, directeur général de l'Oxford International Development Group, s'est souvenu d'une conférence en Europe où des officiels Iraniens avaient expliqué comment leur pays avait révolutionné son système de soins.
Confronté à des difficultés financières et à un manque de médecins formés au début de la guerre Irak-Iran de 1980, le nouveau gouvernement avait lancé un système basé sur des "maisons de santé" de la communauté, chacune d'entre elles s'adressant à environ 1500 personnes.
Des habitants avaient été formés pour constituer un personnel de soins nommé behvarz; ces derniers de déplacent dans leur secteur, donnent des conseils en matière de nutrition, d'hygiène et de contraception et pratiquent aussi des contrôles de tension artérielle ainsi que de pathologies comme le diabète.
Ce fut un succès si retentissant, réduisant la mortalité infantile de 69 % et la mortalité maternelle en zones rurales de 30 pour 100 000 naissances à 30. Il existe plus de 17 000 maisons de santé en Iran qui couvrent plus de 90 % de sa population rurale de 23 millions de personnes.
Miller a contacté Shirley qui est considérée comme une pionnière de la médecine "communautaire" dans le Mississippi et qui venait de transformer un centre commercial abandonné de Jackson en "centre médical" pour les pauvres.
"J'ai pensé que si les Iraniens avaient pu le faire avec une fraction des ressources dont nous disposons, alors pourquoi ne le pourrions-nous pas? avait dit Shirley.
Un médecin Iranien les a aidés à entrer en contact avec l'université de Chiraz qui gère plus de 1 000 maisons de santé et forme des personnels de santé.
Shirley et Miller se sont rendus en Iran en mai et ont été étonnés d'être accueillis à bras ouverts. Quand ils allaient dans des villages reculés pour visiter les maisons de santé, les Iraniens n'étaient pas moins étonnés.
Ils nous disaient que c'était un miracle," dit Miller. "Non seulement des Américains venaient ici, mais ils venaient aussi apprendre de nous au lieu de nous dire quoi faire."
Un villageois s'était exclamé; "Nous avons toujours su que la pluie tombait mais jamais que la pluie pouvait tomber vers le haut."
Ils ont signé un accord avec l'université de Chiraz pour constituer le projet de santé rurale du Mississippi et de la République Islamique d'Iran et ont sollicité du Département US du Trésor une autorisation spéciale pour les "transactions avec l'Iran."
La prochaine étape consistera à convaincre les communautés du Mississippi. Ils ont commencé avec Greenwood où Shirley était déjà en discussions pour l'installation d'un centre local de soins.
Les responsables communautaires ont été choqués quand il a conseillé de prendre l'Iran comme modèle. "Pour être honnête, je n'étais pas emballé par l'idée de copier l'Iran," explique Larry Griggs, chef de la brigade locale de pompiers. "Ce n'est pas exactement un des pays qu'on apprécie vraiment aux USA."
Ils ont dû aussi surmonter l'héritage de méfiance entre les noirs du sud des Etats unis et les responsables de la santé publique suite à une série de scandales relatifs à des expérimentations médicales. Le cas le mieux connu est l'expérience Tuskegee entre 1932 et 1972 dans laquelle 399 noirs, des fermiers pauvres et illettrés souffrant de la syphilis avaient été laissés sans soins alors que de la pénicilline était disponible. Plus de cent avaient péri.
Pour vendre l'idée iranienne, Miller l'a présenté comme "un modèle de système de santé du type Coccinelle," mettant en avant que la voiture populaire de Volkswagen avait été conçue par le régime nazi pour montrer que "de bonnes choses pouvaient venir d'un endroit pas très populaire dans le monde d'aujourd'hui."
Parmi les experts Iraniens venus dans le Mississippi, se trouvent deux des architectes du programme, le Dr Hossein Malekafzali, un ancien ministre qui enseigne la santé publique à l'université de Téhéran, et le Dr Kamal Shadpour, coordonnateur de cette initiative au ministère de la santé.
La ville de Greenwood a été convaincue et a loué un hall d'exposition de voitures désaffecté contre un loyer de 1 dollar par mois pour la première maison de santé du Mississippi qui doit ouvrir ses portes le mois prochain. Quinze agglomérations du delta ont manifesté leur intérêt et la faculté de santé publique de Harvard supervisera le projet.
Paula Gutlove, sous directrice de l'Institute for Resource and Security Studies, un think tank US, affirme que le recours à un modèle iranien a eu une valeur de choc positif. "La nature exotique du travail avec l'Iran la rend intrigante aux yeux des sponsors et financiers potentiels," dit-elle.
Les premiers candidats du delta du Mississippi devraient être formés en tant qu’auxiliaires de santé en Iran au printemps. Si ça marche, Shirley espère étendre le programme au reste des USA. « Exactement comme le Mississippi était le ground zero du mouvement des droits civiques, il peut aussi l’être pour la santé, » dit-elle.
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La connexion avec l’Iran pose néanmoins un problème. Sachant que de nombreux Américains pourraient être scandalisés, ils n’ont pas parlé du projet. Même le gouverneur du Mississippi n’est pas au courant. « Nous avons délibérément travaillé sous le seuil de détection du radar, » explique Shirley.
Ce programme entre en résonance avec la politique Obama d’engagement et avec son soutien à la dite « diplomatie intelligente » qui se sert des liens entre chercheurs comme moyen de briser les barrières entre pays.
Après son discours du Caire en juin dernier à destination du monde islamique, le président a nommé trois émissaires scientifiques qui se rendront au Moyen Orient le mois prochain.
« Les Iraniens sont un peuple fier avec 5 000 ans d’histoire et une immense contribution à la science et à la médecine, » a déclaré un officiel du Département d’Etat.
« Un projet comme celui du Mississippi a une puissance incroyable et il fait appel à cette façon de voir l’histoire de l’Iran. C’est une excellente façon de laisser la porte ouverte entre les deux pays. »
Gutlove souligne que des rencontres similaires entre des scientifiques Américains et Soviétiques dans les années 1980 avaient contribué à ouvrir la voie à la fin de la guerre froide. « Ce que nous avions fait dans les années 1980 avait créé des liens durables réduisant le fossé, » dit-elle.
« C’est un projet gagnant-gagnant, » explique Shirley. « Non seulement nous avons finalement une méthode pour traiter les inégalités au Mississippi, mais nous construisons aussi des liens entre peuples. »
Le chemin à parcourir risque d’être long. Téhéran a refusé de coopérer et de garantir l’accès à son programme nucléaire et, dans un acte de pure provocation, a testé la semaine dernière un missile capable d’atteindre Israël et l’Europe.
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