L'Anti Defamation League avait sans doute quelque raison d'arguer d'une montée de l'antisémitisme en Espagne. Et l'American jewish Congress vient d'en déceler une autre dans le quotidien espagnol El Mundo.
Je devrais plutôt dire qu'il s'agit du deuxième faux pas de ce journal puisque on lui avait reproché en septembre d'avoir publié un entretien avec l'historien Anglais David Irving, une des bêtes noires de ceux qui prétendent incarner la doxa sur l'holocauste.
Ce que l'American Jewish Congress reproche cette fois au journal espagnol, c'est d'avoir publié un article sur la situation au Honduras qui attire l'attention sur le poids économique et politique d'un certain nombre de familles qui seraient derrière le putsch qui a renversé le président Zelaya accusé de vouloir faire cheminer son pays sur les pays d'Hugo Chavez, le président du Vénézuela.
Je vous propose donc cet article qui n'a suscité aucune réaction en Turquie alors qu'on y lit que l'ennemi du peuple, ce sont les Turcos.
Sauf, c'est vrai que ces Turcos ne sont pas Turcs mais Juifs originaires de pays arabes. Pas tous en fait, parce que je serais étonné de trouver des Juifs Arabes s'appelant Rosenthal.
L'article expose donc, sur un ton assez neutre, la domination d'une oligarchie familiale close sur la vie politique et économique d'un petit pays d'Amérique Centrale. Il se trouve que les familles qui composent cette oligarchie sont juives. Juives palestiniennes même pour certaines; cette référence à la Palestine historique n'a pas dû être pour rien dans la réaction du Congrès Juif Américain...
En quoi est-il antisémite d'exposer ces faits?
Ces familles auraient été catholiques, musulmanes ou encore bouddhistes, qui aurait trouvé à redire à un article sur l'importance de leur rôle?
Presque toutes financent les deux partis
L'entente d'une poignée de familles avant et après le coup d'Etat
par Jacobo G. García | Tegucigalpa El Mundo (Esp)28 novembre 2009 traduit de l'espagnol par Djazaïri
Le seul point commun à tous les murs du dédale de rues de Tegucigalpa est qu'ils sont tous recouverts de graffiti.
Ils sont en ciment, ont une lointaine origine coloniale, électrifiés ou garnis de tessons de verre acérés pour éviter les intrusions, mais toujours avec des graffiti et leurs fautes d'orthographe comme "avajo Goriletti" [à bas Goriletti]ou "les Turcs hors du Honduras."
Presque tous pointent les mêmes personnes; au concours "des plus détestés", Micheletti, l'église et les "Turcs" l'emporteraient haut la main devant ceux qui ont été expulsés du pouvoir le 28 juin, concentrant à eux seuls plus d'insultes de peinture à la bombe que quiconque, y compris l'armée.
Micheletti pour avoir poignardé dans le dos 'Mel' [Zelaya], son vieil ami du parti Libéral. L'église pour avoir accusé Zelaya d'être coupable d'avoir conduit le pays vers la situation actuelle et les "Turcs" parce qu'ils sont l'oligarchie. Un mot désuet dans le monde développé mais qui, dans le troisième pays le plus pauvre d'Amérique latine renvoie à une poignée de famille qui agissent en coordination après comme avant le coup d'Etat qui a destitué le président qui flirtait avec le chavisme.
Même si tout le monde les appelle "les Turcs", il s'agit en réalité de familles d'origine juive venues de pays arabes dans les années 1940 et 1950, loin du désert et des conflits. Ce sont les Rosenthal, les Facussé, les larach, les Nasser, les Kafie ou les Goldstein. Cinq noms qui contrôlent l'industrie du montage, l'énergie, les télécommunications, le tourisme, la banque, la finance, les moyens de communication, les cimenteries et le commerce, les aéroports ou le parlement. Presque tout. Ils forment le noyau dur de ces 3 % de Honduriens qui contrôlent 40 % de la production nationale. Ce sont les élus [privilégiés ) d'un pays où 70 % des habitants sont pauvres.
Des personnages comme Jaime Rosenthal, candidat à quatre reprises aux présidentielles et propriétaire de banques, d'un aéroport, de brasseries, d'équipes de football et de moyens de communication. Il a des investissements dans le ciment, des compagnies de téléphone, l'exportation de la viande, les assurances et les télécommunications. Ou les Facussé, associés aux Nasser et qui ont partagé leur influence pendant des décennies entre la politique et les affaires. Ils sont les parrains du secteur textile dans un pays voué à confectionner de nombreux vêtements de marque qui sont destinés au marché des Etats Unis. Ils contrôlent aussi des entreprises de la chimie ou des bois précieux. De ces familles sont issus de nombreux ministres et il n'y a pas de décision dans le pays qui ne passe pas par eux.
La plupart d'entre eux ne savait ni lire ni écrire et encore moins parler l'espagnol à leur arrivée, mais ils ont prospéré derrière leurs comptoirs, créant des journaux, exploitant des mines ou introduisant l'électricité et le téléphone dans le pays. Ils se mariaient entre eux, envoyaient leurs fils dans des universités américaines, supplantant la bourgeoisie traditionnelle (d'origine espagnole et allemande) et trois générations plus tard ils contrôlent encore le pays sans admettre quiconque dans leur club de 'puissants.'
Puissants parmi les puissants
Ce sont des familles comme la famille Atala, propriétaires de la banque Ficohsa ou les Kafie, "puissants parmi les puissants", selon le livre "Honduras, pouvoirs de fait et pouvoir politique," sous la direction de Victor Meza. C'est le groupe familial le plus influent du pays et un des plus importants d'Amérique Centrale grâce à ses investissements dans la banque, l'alimentation ou la construction et à ses nombreux contrats avec les administrations. "Des appels d'offres qu'elle perd rarement" signale le livre. Ou les Canahuati, une famille très influente pas seulement parce qu'elle contrôle deux journaux mais parce qu'elle possède aussi des usines de mise en bouteilles, des entreprises pharmaceutiques ou des affaires dans la restauration rapide comme Pizza Hut et KFV.
Presque toutes contribuent financièrement pour les deux partis et c'est avec elles que l'ambassadeur des Etats Unis Hugo LLorens s'est réuni quelques heures à peine après avoir appris qu'on avait vu Zelaya en pyjama au Costa Rica. Il leur cria après et leur passa un tel savon que plus d'un en fut offensé ainsi que l'a expliqué à elmundo.es/America une des personnes présentes. Pour la première fois, les Etats Unis semblaient ne pas avoir été informés d'un coup d'Etat au Honduras.
C'est pourquoi une des premières mesures de répression de la part de l'administration Obama a été de ne pas accorder de visas à beaucoup de ces familles. Les Etats Unis sont derrière la décision que c'est aux élections de fermer la parenthèse chaviste. Les pessimistes persistent à croire que la plaie restera ouverte.
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