On nous parle de ce qui se passe en ce moment au Mali avec la lutte armée qui oppose le Mouvement de Libération de l’Azawad (Touareg) au pouvoir central.
Si dans un premier temps l’armée malienne a subi un coup sévère avec notamment une centaine de soldats qui auraient été purement et simplement massacrés, le gouvernement est passé à l’offensive et dit avoir infligé de lourdes pertes aux militants indépendantistes.
Dans le premier temps des affrontements, des soldats maliens n’ont semble-t-il dû leur salut qu’à la possibilité qui leur a été offerte de se réfugier dans l’Algérie voisine.
C’est dire que cette révolte Touareg est grosse d’importants risques de déstabilisation pour une région déjà fragilisée par les activités de bandes terroristes et de l’armée américaine qui ont porté un coup sévère au tourisme mais plus encore par les contrecoups de l’intervention occidentale en Libye. Oui, celle dont MM. Sarkozy et Cameron sont si fiers mais dont l’Afrique commence à payer le prix.
La guerre en Libye a en effet privé nombre de pays d’Afrique sub-saharienne d’un véritable poumon économique, entre les aides directes ou indirectes apportées par le gouvernement de Mouammar Kadhafi et l’argent envoyé aux familles par les centaines de milliers d’émigrés qui travaillaient en Libye.
C’est fini tout ça et il ne reste plus que de maigres ressources à partager et d’immenses étendues à parcourir pour des masses de réfugiés
On l’a vu, des soldats maliens ont dû se replier en Algérie et il est vrai que demain, l’Algérie, comme d’autres pays de cette région d’Afrique, risque de subir les conséquences de la destruction de la Libye. Et ces conséquences peuvent être extrêmement graves pour l’Algérie qui se mordra sans doute bientôt les doigts de ne pas avoir fait preuve de fermeté au moment de l’affaire libyenne.
Et franchement, quand j’apprends que l’Algérie vient de commander des blindés russes de dernière génération, je me demande sincèrement à quoi ils pourraient bien servir. A mon avis à rien du tout et sûrement pas à réprimer la population comme certains le prétendent de manière assez grotesque (pendant les années de guerre civile, les blindés lourds n’ont été utilisés que très ponctuellement voire pas du tout).
Denis Koné nous offre un très bon article dans lequel il met en cause directement la responsabilité de l’intervention occidentale en Libye dans la crise malienne. Un article qui explique mais qui se lit aussi comme un réquisitoire contre la passivité des gouvernements africains.
Par Denis Koné, Afrique en Ligne 16 février 2012
Sécurité au nord du Mali - L’Afrique et ses dirigeants ont vécu la crise libyenne comme un spectacle et dont les conséquences sont loin de se limiter de nos jours, à ce que nous vivons au Mali. Les dirigeants africains et leur organisation, l’Union africaine ont assisté passivement à la liquidation du régime du colonel Mouammar Kadhafi.
Pour le colonel Mouammar Kadhafi, la page s’est définitivement refermée le 20 octobre dernier. Tué ce jour-là, il en finissait définitivement avec les contradictions et les soucis de son existence de révolutionnaire ; mais pour bien d’autres États africains dont le Mali et les autres pays de l’espace Uémoa, les difficultés n’ont commencé que ce jour-là.
Il en est ainsi de la rébellion touarègue à laquelle nous assistons. Des experts en tout genre cherchent à trouver les raisons qui ravivent ce conflit que l’on croyait éteint suite à la signature du Pacte national. Mais le combat que les Touaregs mènent actuellement contre notre armée n’a rien d’identitaire. Il est existentiel. Il s’agit d’hommes et de femmes qui, estimant ne pas pouvoir trouver de quoi vivre chez eux-mêmes, avaient décidé d’aller voir ailleurs.
Le hasard les conduit alors en Libye où ils trouvent de quoi mener une existence à l’abri de l’indigence. Mais un beau jour, leur quotidien devait subitement être bouleversé. Plus parce que sa tête ne plaisait plus à certains que parce qu’il gérait mal son pays, le colonel voyait se lever contre lui une armée mondiale. L’issue fut tragique. Et pour les touaregs accusés à tort ou à raison de s’être rangés du côté du perdant, c’est la chasse aux sorcières, c’est le vandalisme, c’est le pillage des biens et c’est le retour forcé.
Retour d’émigrés démunis, pleins d’amertume mais puissamment armés. L’Etat ayant, à travers les autorités militaires ayant failli à leur devoir de désarmer les revenants, la crise était inévitable. Aujourd’hui, c’est la nation malienne qui est menacée dans son unité et son intégrité territoriale et le processus électoral jadis prometteur, est plus que compromis. On n’entend aucune des puissances impérialistes qui étaient intervenues en Libye, reconnaître leur part de responsabilité dans la crise actuelle que traverse le Mali et par ricochet, les pays comme le Niger, le Burkina Faso puisque ces pays accueillent de nombreux Maliens réfugiés.
L’Onu qui avait donné quitus à l’intervention, à travers sa fameuse résolution 1973 est muette de nos jours. Au Mali et à tous les autres pays sur lesquels se déversent actuellement les conséquences de cette crise libyenne de les gérer. Les autres avaient pour mission de tuer Kadhafi. Celle-ci accomplie, ils se sont retirés et tant pis pour le reste. Pauvre Afrique !
Et c’est là que se manifeste la responsabilité des dirigeants africains. Eux qui avaient laissé faire, ils avaient naïvement pensé que cela se limiterait à Kadhafi seulement. Eh bien, ils se sont dangereusement trompés. Parce qu’en réalité, la crise malienne ne sera certainement pas la seule conséquence fâcheuse que l’Afrique aura à déplorer, suite à son incapacité à se faire respecter par le monde entier.
Déjà, le fiasco enregistré lors de l’élection du président de la commission de l’Union africaine, est également à mettre au compte de ces conséquences malheureuses et regrettables. Car la gestion calamiteuse de l’interventionnisme occidental dans les crises ivoirienne et libyenne par Jean Ping est l’élément fondamental de l’inimitié absolue que l’Afrique du sud éprouve à son encontre.
Le 40e sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui s’ouvre aujourd’hui dans la capitale nigériane Abuja saura -t-il tirer une belle leçon de ce vécu ? Les sommets étant souvent de grandes rencontres au cours desquels des discours mielleux sont prononcés sans que des actes concrets ne s’en suivent.
Denis Koné
Les Echos du 16 Février 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires publiés après modération. Les propos injurieux, diffamatoires ou à caractère raciste ne seront pas publiés.