Le plan contre la Syrie qui est mis à exécution en ce moment a été défini dans son principe en 1957. Son application tient bien entendu compte des circonstances, notamment du fameux "printemps arabe" ou du fait que les puissances occidentales se sentent aujourd’hui obligées d’invoquer des considérations humanitaires, ce qui n’était pas le cas à une époque pas si lointaine. Et que M. Sarkozy se sent l'âme d'un révolutionnaire (on aura tout vu).
Que ceux qui joignent leurs voix aux régimes occidentaux qui réclament da tête de Bachar al-Assad se demandent une seconde depuis quand les Etats occidentaux veulent du bien aux Arabes ?
Ah oui, peut-être depuis Lawrence d’Arabie et la révolte arabe qui aboutira d’un côté à l’émancipation de certains pays arabes de la domination ottomane et de l’autre aux accords Sykes-Picot qui se traduiront par le mandat français sur la Syrie (Syrie + Liban) et le mandat britannique sur la Palestine avec le résultat que nous connaissons.
S’il y a des gens qui ne tirent aucune leçon de l’histoire, c’st bien nous malheureusement.
L’article que je vous propose a été publié en … 2003 !
Des documents montrent que la Maison Blanche et le 10 Downing Street avaient comploté un projet d’invasion motive par le pétrole
Par Ben Fenton, The Guardian (UK) 27 septembre 2003 traduit de l’anglais par Djazaïri
Près de 50 ans avant l’invasion de l’Irak, la Grande Bretagne et les Etats Unis avaient secrètement envisagé un « changement de régime » dans un autre pays arabe qu’ils accusaient de répandre la terreur et de menacer l’approvisionnement pétrolier de l’Occident, en élaborant un plan d’invasion de la Syrie et d’assassinat de ses hauts dirigeants.
Des documents découverts récemment montrent comment en 1957, Harold Mcmillan et le président Dwight Eisenhower avaient approuvé un plan du MI6 et de la CIA consistant à mettre en scène de pseudo incidents frontaliers comme prétexte pour une invasion de la Syrie par ses voisins pro-occidentaux, puis pour « éliminer » le triumvirat le triumvirat le plus influent à Damas.
Les plans, discutés avec une franchise effroyable ont été découverts dans les archives privées de Duncan Sandys, le ministre de la défense sous Mcmillan, par Matthew Jones, un maître de conférences en histoire à Royal Holloway, université de Londres.
Même si les historiens savent que les services secrets avaient cherché à renverser le régime syrien à l’automne 1957, c’est la première fois qu’un document est découvert qui montre que l’assassinat des trois plus hauts dirigeants était au Cœur du projet. Le document mis au point par un groupe de travail de haut niveau et top secret qui s’était réuni à Washington en 1957 ne laissait aucun doute à Mcmillan et le président Eisenhower quant à la nécessité d’assassiner les principaux dirigeants à Damas.
On lit dans une partie du “plan préféré" : « Afin de faciliter l’action des forces de libération, de réduire les possibilités pour l’armée syrienne d’organiser et de diriger ses actions militaires, de limiter au minimum pertes et destructions, et pour obtenir le résultat souhaité dans le laps de temps le plus court possible, un effort particulier doit être fait pour éliminer certaines personnes qui sont aux postes clefs. Leur élimination devrait être réalisée dès le début de l’insurrection et de l’intervention et à la lumière des circonstances du moment.»
Le document approuvé par Londres et Washington désignait trois hommes : Abd al-Hamid Sarraj, chef du renseignement militaire syrien; Afif al-Bizri, chef d’état major, et Khalid Bakdash, dirigeant du Parti Communiste Syrien.
Pour un premier ministre dont l’accession au pouvoir s’était largement faite sur le dos de la désastreuse et grotesque expédition de Suez juste une année avant, M. Mcmillan était remarquablement belliqueux. Il décrivait [ce plan] dans son journal comme «un rapport des plus formidables.» Le secret avait été très grand, Mcmillan avait ordonné même les chefs de l’état major britannique n’en soient pas informés à cause de leur tendance à «bavarder.»
L’inquiétude au sujet des positions de plus en plus antioccidentales et pro soviétiques de la Syrie était devenue forte à Downing Street et à la Maison Blanche depuis la déposition en 1954 du régime militaire conservateur du colonel Adib Chichakli par une alliance du parti Baath avec des politiciens du parti communiste et leurs alliés dans l’armée syrienne.
A la pointe de l’appel au passage à l’action, se trouvait le chef de la CIA pour le Moyen Orient, Kermit Roosevelt, petit fils de l’ancien président Theodore Roosevelt. Il avait identifié le colonel Sarraj, le général al-Bizri et M. Bakdash comme l’incarnation du pouvoir réel derrière un président de façade. Le triumvirat s’était encore plus rapproché de l’orbite de Nikita Khroutchev après la désastreuse tentative franco-britannique, en collusion avec Israël, d’annuler la nationalisation du canal de Suez.
En 1957, malgré l’opposition américaine à l’opération de Suez, le président Eisenhower avait considéré ne pas pouvoir ignorer plus longtemps le risqué de voir la Syrie devenir pour Moscou un foyer d’expansion du communisme dans tout le Moyen Orient. Lui et Mcmillan craignaient que la Syrie déstabilise ses voisins pro-occidentaux en exportant le terrorisme et en encourageant les dissidences internes. Plus important encore, la Syrie avait aussi le contrôle d’une des principales routes du pétrole au Moyen orient, l’oléoduc qui reliait les champs pétroliers de l’Irak pro-occidental à la Turquie.
Le “plan préféré” ajoute: “Dès qu’une décision politique sera prise de déclencher des troubles intérieurs en Syrie, la CIA est prête et le SIS [MI6] tentera de monter des incidents comme de petites opérations de sabotage et des coups de main en Syrie dans le cadre d’une collaboration avec certains individus.
“Les deux services [CIA et MI6] devront se consulter, le cas échéant, pour éviter tout doublon ou interférence avec les activités de l’autre… Les incidents ne devraient pas être concentrés à Damas, l’opération ne devrait pas avoir une ampleur exagérée ; et dans la mesure du possible, il faudrait veiller à éviter que les dirigeants les plus importants du régime syrien prennent des mesures supplémentaires pour leur protection personnelle.»
Sabotages
Le rapport indique que dès que le niveau nécessaire de peur aura été créé, des incidents et des heurts frontaliers seraient mis en scène pour donner un prétexte pour une intervention militaire irakienne et jordanienne. Il faut « faire apparaître la Syrie comme à l’origine de complots, de sabotages et d’actes de violence dirigés contre des gouvernements voisins, » explique le rapport. « La CIA et le SIS devraient se servir de leurs moyens dans les domaines psychologique et action pour faire monter la tension.» Ce qui voulait dire des opérations en Jordanie, en Irak et au Liban sous la forme de « sabotages, conspirations internes et diverses activités musclées » qu’on reprocherait à Damas.
Le plan appelait à financer un “Comité de la Syrie Libre,” et à armer les « factions politiques avec des moyens paramilitaires ou d’autres moyens de faire émerger des forces» à l’intérieur de la Syrie. La CIA et le MI6 susciteraient des soulèvements internes, par exemple chez les Druzes au sud, aideraient à la libération des prisonniers politiques détenus dans la prison de Mezze et mettraient en mouvement les Frères Musulmans à Damas.
Les auteurs du plan envisageaient de remplacer le régime du parti Baath/Communiste par un autre qui serait fermement antisoviétique, mais ils concédaient qu’il ne serait pas populaire et « aurait besoin de s’appuyer d’abord sur des mesures répressives et l’exercice arbitraire du pouvoir.»
Le plan n’a jamais servi, principalement parce que les voisins arabes de la Syrie n’ont pas pu être persuadés de passer à l’action et qu’une attaque qui serait venue de la seule Turquie était considérée comme inacceptable. L’année suivante, les Baathistes se tournèrent contre leurs anciens alliés communistes et firent adhérer la Syrie à une fédération avec l’Egypte du colonel Nasser qui durera jusqu’n 1963.
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