lundi 27 février 2012

Alain Juppé, salué à Tunis, hué à Bamako

Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, souhaite une saisine de la Cour pénale Internationale concernant la Syrie.  Ce qui n'est pas gagné puisque comme il le signale lui-même, la Syrie «n'est pas un Etat partie» de la Convention de Rome qui établit la CPI. 

Par contre, M. Juppé pourrait aller se présenter volontairement devant la CPI pour répondre du sort que son pays a fait subir à la Libye: de nombreuses pertes humaines que les humanitaires  dans son genre ne se casseront pas la tête à décompter. Contrairement aux dégâts matériels qui eux sont potentiellement sources de juteux contrats avec un marché évalué à 200 milliards de dollars.

C'est ce même Juppé qui vient d'aller faire le beau au mali où il a été accueilli comme il se doit par une population qui accuse le gouvernement français d'agir en sous-main pour nuire au Mali, notamment en attisant la sédition au nord du pays.

Le Mali qui était d'ailleurs opposé à l'intervention militaire étrangère en Libye et qui paye aujourd'hui, comme s'autres pays de la région, le prix de la guerre livrée par l'OTAN.

Je vous reproduis ci-dessous intégralement le papier que consacre le Journal du Mali à la visite de M. Juppé.


Mali : « Alain Juppé n’est pas le bienvenu ! »

Par Issa Fakaba SISSOKO - 27/02/2012

C’est une manifestation de colère de certains activistes qui a accueilli dimanche l’arrivée à Bamako du ministre français des Affaires étrangères.

Après le Bénin et le Burkina Faso, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a bouclé ce dimanche 26 février une visite sommaire de quelques heures dans notre capitale. Reçu par le chef de l’Etat Amadou Toumani Touré, M. Juppé était, dit-il, venu « rassurer les autorités maliennes face la crise du Nord et assurer de la disponibilité de la France à l’Etat malien dans la résolution de la rébellion ». C’est du moins ce qu’il a révélé aux journalistes à sa sortie d’audience à Koulouba.

Mais le discours est loin de convaincre certains militants des organisations politiques et de la société civile, qui l’ont accueilli par des slogans hostiles. C’était à la faveur d’une manifestation organisée par le Collectif « Touche pas à ma Constitution » et la jeunesse SADI, principal parti d’opposition. La marche, qui a quitté l’Ambassade de France pour le Musée national de Bamako, a enregistré la participation de nombreux leaders de la société civile, dont le président de la Coalition des Alternatives, Dette et développement (CAD-Mali), un mouvement altermondialiste réputé proche de la gauche.

Les manifestants, qui scannaient des slogans hostiles à la France, ont dénoncé ce qu’ils appellent « l’ingérence » de l’ex colonie dans les affaires intérieures du Mali. « La question de la rébellion est un problème maliano-malien, et nous ne comprenons pas l’intérêt accordé par la France à cette crise. Pire, l’insistance de celle-ci à imposer au Mali à déposer les armes après avoir été attaqué par des groupes d’assaillants, donne matière à réfléchir », a déclaré le président de la CAD-Mali, Sékou Diarra. Qui s’interroger sur « l’attitude ambigüe de la France ».

Dans un contexte de fortes suspicions

La visite du ministre français des Affaires étrangères au Mali intervient dans un contexte très difficile dans les relations entre les deux pays à propos de la question du Nord. A Bamako, comme dans les grandes villes du pays, les commentaires vont bon train quant au rôle présumé de l’ancienne colonie en faveur des rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Aujourd’hui, nombreux sont les observateurs à s’accorder que la France a de bonne raisons d’attiser le feu sur le sol malien. Si M. Juppé s’en est défendu ce dimanche face aux journalistes, certains analystes sont formels : « Contrairement aux déclarations officielles, les autorités françaises n’apportent rien au Mali pour la résolution de la crise au nord. Bien au contraire, elles veulent tirer profit de la résurrection de la rébellion dont les leaders politiques bénéficient de tout le confort nécessaire à Paris, et des manifestations de colère des populations pour régler leurs comptes avec le président Amadou Toumani Touré « coupable » d’ avoir refusé d’accéder à des sollicitations de Nicolas Sarkozy comme l’installation d’une base militaire française à Sévaré ».

En clair, arguent de nombreux spécialistes de la question, ces refus, passés pour une défiance de la très grande France, viennent s’ajouter à un autre contentieux entre le président malien et son homologue français : celui de la non signature par le Mali de l’ « Accord de réadmission des expulsés ». En dépit des pressions, notre pays est resté sur cette position depuis 2006 alors que la France a déjà fait signer le fameux « Accord » par 8 pays d’Afrique dont le Burkina Faso et le Sénégal ainsi que l’Ile Maurice. Dans ce bras de fer, ATT est adossé à un soutien total de tout le pays dont la population expatriée est à 4 millions de ressortissants, 3 millions d’entre eux étant installés en Afrique et 200 000 en Europe, dont 100 000 en France, selon les estimations.

« Il allait donc de soi que le président Sarkozy prenait très mal que le chef de l’Etat malien affichait ses soutiens à Kadhafi quand la France planifiait la mise à mort du dirigeant libyen » expliquent d’autres commentaires. Pour qui, « les manifestations de très grande envergure menées à Bamako ont sonné à Paris comme la dernière provocation du président ATT à qui il faudra rendre la vie impossible durant les derniers mois de son dernier mandat ». Bref, pensent certains, « il allait finalement de soi que Sarkozy et son pays soient aujourd’hui derrière tous les projets de déstabilisation du pouvoir au Mali ».

En attendant que toute la lumière soit faite sur l’éclatement de la rébellion au Nord, les commentaires vont bon train, et chacun y va de son argumentaire. Mais Alain Juppé, lui, est retourné en France avec l’image qu’une importante partie de la population malienne désapprouve sa présence sur le sol malien en cette période. 




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