mercredi 23 mars 2016

Pour Pedro Santisteve, maire de Saragosse, les attentats de Bruxelles sont une conséquence de la violence exercée par l'Europe dans d'autres parties du monde

Bon, je voulais faire juste une petite intro et je me suis laissé aller...
Quand on évoque les terribles attentats qui ont frappé Bruxelles tout récemment, ou Paris en novembre 2015, l'émotion et la tristesse sont de rigueur et c'est bien normal. Cependant, s'agissant d'événements qui ne résultent pas de phénomènes naturels mais d'actions humaines concertées dont l'objectif n'est pas celui de la rapine, on serait en droit d'attendre des réponses politiques.
Vous me direz que les hommes politiques s'expriment à ce sujet. Et en effet, on peut même trouver que Manuel Valls s'exprime plutôt trop que pas assez. Et surtout qu'il, comme les autres dirigeants européens, propose uniquement des réponses sécuritaires, dont la nature n'a souvent qu'un lien distant avec la problématique soulevée par les attentats, et qui ne donnent en guise d'explication aux agissements des terroristes que leur détestation de l'Europe, de ses valeurs, de la démocratie etc.
S'il est évident que des mesures doivent être prises pour protéger la population (et il est douteux que celles proposées y suffisent), il importe quand même de cerner correctement les causes de la mobilisation terroriste.
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Parce que, si je suis la logique de Manuel Valls ou de François Hollande, il suffira de transformer la France et l'Europe en dictature pour enfin avoir la paix puisque les terroristes n'auront plus de raisons de détester les "valeurs" et la "démocratie" européennes.
Et c'est apparemment ce chemin qu'a choisi une clique néoconservatrice qui est représentée dans à peu près tous les gouvernements européens et qui est aux manettes en France.
C'est un peu ce que dit Pedro Santisteve, le maire de Saragosse qui considère que la violence terroriste est un retour de bâton de la violence qu'exercent les pays européens ailleurs dans le monde (on pense immédiatement à la Libye, à l'Irak et à l'Afghanistan) et que le rêve d'une Europe démocratique et ouverte à tous est en train de s'effondrer.
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Pedro Santisteve, maire de Saragosse

Et ce rêve ne s'effondre pas du fait de la menace terroriste parce qu'il faut être stupide pour supposer que des attentats, même aussi meurtriers que ceux qu'ont connu la Belgique, la France et, plus loin dans le temps, l'Espagne et le Royaume Uni représentent une menace sérieuse pour les Etats européens qui pourraient finir par sortir vaincus d'une épreuve de force qui les opposerait à quelques dizaines ou même centaines de repris de justice qui ne posaient pas vraiment problème quand ils étaient supposés participer à la mise au pas, voire à l'élimination physique, du président syrien Bachar al Assad.
Le maire de Saragosse tient des propos qu'aucun élu de ce statut ne pourrait tenir en France. Saragosse est en effet une grande ville et son maire n'est pas n'importe qui: avocat pénaliste réputé, professeur de droit, il est entré en politique avec le mouvement des Indignés et il s'inscrit dans un mouvement qui fédère plusieurs partis de gauche.

Le maire de Saragosse à propos des attentats :"La violence que nous avons contribué à semer revient chez nous"

Publico (Espagne) 23 mars 2016 traduit de l'espagnol par Djazaïri
Pedro Santisteve a exprimé sa "condamnation" et sa "répulsion" devant les attentats d'hier à Bruxelles et il plaide pour la construction d'une "Europe accueillante, qui défend le droit à la vie, l'inclusion de toutes les catégories de personnes, toutes les identités, croyances et convictions."
Madrid – Le maire de Saragosse, Pedro Santisteve (du parti Zaragoza en Comun) a exprimé aujourd'hui sa "condamnation" et sa "répulsion" devant les" attentats irrationnels et injustifiables" d'hier à Bruxelles et il a affirmé que "aujourd'hui, nous revient en quelque sorte cette violence que nous avons contribué à semer dans le monde."
Le maire a participé, avec le conseil municipal au complet et les employés de la mairie à un rassemblement pour observer une minute de silence après laquelle il a fait lecture intégrale d'une déclaration officielle de condamnation.
Le maire a condamné l'attentat et a affirmé que, à son avis, "L'Europe que nous voulions construire sur la base des valeurs et de la défense des droits humains est en ruines,"…"par suite des agressions que nous, pays occidentaux, avons fait subir à des pays tiers."
Et il a ajouté : "Maintenant, en quelque sorte, nous revient la violence que nous avons contribué à semer dans le monde."
Santisteve a estimé que "nous devons y réfléchir parce que nous ne voulons pas de cette Europe de la fuite en avant, mais une Europe accueillante, qui défend le droit à la vie, l'inclusion de toutes les catégories de personnes, toutes les identités, croyances et convictions."
"C'est là notre Europe pour laquelle nous allons continuer à lutter," a-t-il affirmé.

jeudi 10 mars 2016

Daesh, d'où vient l'argent?

La récente remise d’une décoration, la Légion d’Honneur, à Mohammed ben Nayef prince héritier et ministre de l’intérieur saoudien, par le président François Hollande a fait grincer quelques dents en dépit de la discrétion dont l’Elysée a entouré cette remise de médaille.
C’est que l’Arabie Saoudite n’a pas exactement le genre de régime qu’est supposé honorer un gouvernement socialiste et un président élu sur la base de valeurs de gauche.
Et il est vrai que l’Arabie Saoudite non seulement  ne ressemble ni de près ni de loin à ce qu’on appelle démocratie, mais c’est aussi un pays où la peine de mort est appliquée à grande échelle et pour des motifs qui peuvent laisser perplexes au terme de procédures qu’on a du mal à qualifier de justice.
Certains ont pointé le rôle de l’Arabie Saoudite, et d’autres monarchies de la région, dans la déstabilisation de la Syrie et, plus précisément, dans l’encouragement des factions dites djihadistes, c’est-à-dire d’organisations considérées de manière quasi unanime comme terroristes, qu’elles s’appellent al Qaïda (avec le Front al Nosra, sa branche syrienne) ou Etat Islamique en Irak et au Levant (ou Etat Islamique ou Daessh).
Ce dernier point est d’autant plus sensible que la guerre contre le terrorisme s’est longtemps résumée dans le discours à la guerre contre al Qaïda (concrètement ce sont l’Afghanistan et l’Irak qui ont été écrasés) avant que l’EIIL soit défini comme la menace N°1.
Or, il s’avère que les monarchies du Golfe, Arabie Saoudite en tête, ont financé et financent encore l’Etat Islamique.
Cette affirmation n’est pas une simple lubie de ma part. En effet, comme on peut le lire dans l’article que je vous propose, les autorités britanniques elles-mêmes admettent un tel financement, du moins dans les débuts de l’Etat Islamique. Cette restriction aux débuts de l’organisation terroriste n’est cependant pas acceptée par certains spécialistes  de la région qui soutiennent que cette aide financière continue et qu’on ne saurait expliquer autrement que le « califat » ne soit pas déjà en faillite.
Un élément qui donne du poids à leurs assertions est le refus du gouvernement britannique de coopérer pleinement au travail d’une commission d’enquête parlementaire qui cherche à faire la lumière sur cette question.

L’effondrement des revenus pétroliers signifie que l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL – Daesh) dépend de l’argent des pays du Golfe.

Les attaques de la coalition sur les installations pétrolières de l’EIIL ont sans doute réduit ses revenus de 40 %, mais les experts disent que la dépendance de l’EIIL à l’égard du pétrole a été surestimée.
Par Patrick Wintour, The Guardian (UK), 8 mars 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri
L‘effondrement des revenus pétroliers de l’EIIL l’ont probablement rendu plus dépendant des dons alloués par les riche pays du Golfe et des profits tirés des marchés des changes étrangers, a-t-on pu entendre à la première commission d’enquête britannique sur les finances de l’organisation terroriste.
Les attaques de la coalition rassemblée par les Américains sur les installations et les convois pétroliers de l’EIIL auraient réduit ses revenus de plus d’un tiers dans un contexte où les fiances de l’organisations deviennent un des principaux fronts dans la bataille pour la vaincre en Irak et en Syrie.
Le gouvernement britannique est réticent à coopérer avec la commission d’enquête parlementaire qu’il n’a pas autorisée à auditionner un cadre supérieur du ministère de la défense qui joue un rôle capital dans la supervision des visant à saper les financements de l’EIIL.
Mais le ministre des affaires étrangères Tobias Ellwood a déclaré que des progrès avaient été accomplis même si la connaissance des finances opaques de l’organisation restait lacunaire et dépendante des découvertes des services de renseignements.
Il a assuré que les revenus pétroliers du régime [de l’EIIL] étaient en voie d’effondrement et il a même laissé entendre que le quartier général de l’organisation à Raqqa pourrait imploser si et quand l’armée irakienne aura repris Mossoul.
Mais des experts ont déclaré devant la commission que le gouvernement britannique surestimait sans doute énormément l’importance des revenus pétroliers et sous-estimait l’ampleur de la dépendance de l’EIIL à l’égard de donateurs étrangers des pays du Golfe ou sa manipulation du système bancaire irakien.
Luay al-Khatteeb de l’Iraq Energy Institute a soutenu que le coût de la conduite de la guerre pour l’EIIL devait être si élevé et ses revenus pétroliers si limités qu’il doit nécessairement avoir accès à des dons financiers massifs.
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Luay al-Khatteeb

En outré, il a été déclaré devant la commission qu’il était possible que l’EIIL gagne environ 25 millions de dollars par an au moyen d’opérations sur le marché des changes, un chiffre que conteste le ministère des affaires étrangères.
Le gouvernement britannique estime que 40 % des revenus de l’EIIL proviennent du pétrole 40 % de l’extorsion, des taxes et de l’économie monétaire locale, et les 20 % restants de sources comme la vente des antiquités et les dons. Il affirme que les revenus pétroliers ont maintenant diminué de 40 %, ce qui représente une baisse de 20 % du total des rentrées d’argent de l’EIIL.
Al Khatteeb a dit à la commission que les évaluations du gouvernement britannique surestiment probablement l’importance du pétrole. Il a laissé entendre que l’EIIL avait sans doute réussi à tirer de substantiels revenus du pétrole pendant à peine quelques mois en 2014 quand il produisait 70 000 barils par jour pour une valeur d’environ 500 millions de dollars sur une année.
Le chiffre actuel doit être plus proche des 200 millions de dollars du fait des attaques contre ses infrastructures pétrolières, de la baisse des prix du pétrole et de la faible qualité du brut syrien, ce qui signifie qu’il produit au mieux 20 000 ou 30 000 barils par jour cédés contre guère plus de dix dollars chacun.
“Cette histoire d’un califat finance par le pétrole suppose une production bien supérieure, de l’ordre de 40 000 barils par jour ou un prix beaucoup plus élevé du pétrole de l’EIIL, autour de 30 dollars le baril, » a déclaré al-Khatteeb à la commission. Il était même possible, a-t-il suggéré, que l’EIIL soit maintenant un importateur net de pétrole pour faire fonctionner les camions et les Humvees fournis par les Américains qu’il a pris à l’armée irakienne..
Les revenus de la fiscalité et de l’extorsion sur les deux millions de personnes sous son autorité, dont la plupart gagnent moins de 110 dollars par mois, rapporte peut-être le mêmemontant surtout si on prend en compte le coût entrainé par l’administration de son  territoire.
Al-Khatteeb a déclaré devant la commission: “Soit ces combattants sont contents d’accepter une diminution substantielle de leurs soldes du fait de la baisse des revenus de l’EIIL, ou une autre source de financement  non prise en compte permet de continuer à leur donner satisfaction.
“C’est une conclusion raisonnable compte tenu de la surestimation des revenus pétroliers de l’EIIL, d’une assiette fiscale faible et de plus en plus étroite ainsi que des faibles prix auxquels l’EIIL effectue ses ventes d’antiquités sur la marché noir.
 «Certains se demanderont peut-être jusque à quel niveau les Arabes du Golfe ont continué à financer le califat. Il est certain que l’EIIL a pu s’appuyer sur d’autres sources de revenus entre janvier 2015, moment où l’économie de Raqqa s’est effondrée et mi- janvier 2016 quand les forces de l’Etat Islamique ont été en capacité de lancer une nouvelle offensive d’envergure en Syrie. L’argent vient de quelque part. »
Le gouvernement britannique a en effet reconnu que des pays du Golfe ont finance l’EIIL à ses débuts, disant cependant être certain que de tels financements étatiques ont maintenant cessé. Mais Dan Chugg, un expert du ministère des affaires étrangères, a reconnu devant la commission parlementaire que cette assurance avait une valeur limitée.
Chugg a déclaré: « Avec certains de ces pays, il est difficile de savoir ce qui est financement gouvernemental et ce qui ne l’est pas quand vous avez affaire à des familles royales, des princes très riches et ce genre de choses. »
Une autre source possible de revenus pour l’EIIL vient de ses transactions sur les marché des changes à l’étranger où une partie du milliard de dollars saisi dans les coffres des banques irakiennes a été négociée pour le profit.
David Butter, un chercheur associé au thinktank Chatham House soutient que l’EIIL fait passer des fonds d’une frontière à l’autre et tire profit des fluctuations des taux de change et d’un réseau informel d’agents de change connu sous le nom de « hawala. »
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Margaret Thatcher sortant de Chatham House

Butter a déclaré devant la commission : « Les système de ventes aux enchères de devises étrangères par la banque centrale irakienne doit faire l’objet d’une enquête fouillée. »
Les membres de l’EIIL, a déclaré Butter, ont effectué des mouvements d’argent entre banques en Irak et en Jordanie pour exploiter les déséquilibres sur les marchés monétaires.
 «Alors quand le gouvernement irakien procède à ses adjudications régulière de devises étrangères, l’argent de l’EIIL est injecté dans ce système et il peut obtenir une marge sur les écarts entre les différents taux de change là-bas et ramener l’argent dans son territoire via les agents hawala, » a expliqué Butter. «C’est de cette manière que l’argent circule au Moyen Orient.»
Le ministère des affaires étrangères a soutenu que ces sources de profit étaient peu probables pour trois raisons. L’EIIL a perdu ses réserves de liquidités d’abord à Mossoul puis, depuis octobre, dans les bombardements de la coalition, dont ceux sur la banque centrale de cette ville, qui ont fait partir en fumée des centaines de millions de dollars. Des pressions sur la Banque Nationale Irakienne ont aussi débouché sur des règlements plus stricts et le licenciement d’agents qui agissaient peut-être pour le compte de l’EIIL dans les ventes aux enchères de devises.
L’espoir mis dans une faillite de l’EIIL est exagéré a-t-il été dit devant la commission d’enquête, mais une diminution de ses ressources peut signifier un changement avec le passage d’une armée permanente qui mène une guerre territoriale sur deux fronts à une structure plus lâche dans le style d’une franchise d’al Qaïda qui entreprend des attentats terroristes à Damas et à Bagdad.

samedi 5 mars 2016

Après s'être aliéné le lobby sioniste, Donald Trump se met à dos les néoconservateurs

Donald Trump est décidément un personnage inclassable à bien des égards, et il suscite légitimement  la crainte notamment chez les communautés minoritaires.
Mais d’un autre côté, ces minorités ont-elles vraiment mieux à espérer de Mme Hillary Clinton qui est la favorite dans la course à l’investiture présidentielle chez les Démocrates ?
En effet, dans cette organisation démocratique en trompe l’œil que sont les primaires du Parti Démocrate, les dés sont pipés et le candidat Bernie Sanders, dont la sincérité progressiste semble assez évidente, n’a aucune chance.
Donc côté républicain c’est Donald Trump qui tient la corde. Et ce dernier, outre sa xénophobie, affichée à défaut peut-être d’être  réelle, a un certain nombre de graves défauts.
Le premier est qu’il est riche et n’est donc pas à vendre et il l’a dit clairement devant les membres du lobby sioniste qui ont acheté à peu près tous les candidats, dont Mme Clinton qui leur appartient depuis quelques années maintenant, à la notable exception de M. Sanders dont les fonds de campagne viennent  de centaines de milliers de petites gens qui comptent sur lui pour que le pays change en leur faveur.
Le deuxième , qui n’est pas sans rapport avec le premier, est que Donald Trump a déclaré publiquement qu’il serait neutre dans le conflit qui oppose Palestiniens et sionistes. Un propos qui a déclenché l’alarme dans le lobby sioniste pour lequel les Etats Unis sont nécessairement les alliés de l’entité sioniste qui est en retour leur alliée privilégiée dans un lien « unbreakable » (qu’on ne peut briser) selon le mot employé par Barack Obama.
Le troisième défaut de Donald Trump vient tout juste de se révéler : Donald Trump souhaite sortir des logiques de confrontation avec les pays étrangers, notamment la Russie, pour aller vers des relations de coopération !
Tout ça fait un peu beaucoup pour un seul homme se mettre à dos le lobby sioniste et les néoconservateurs (deux secteurs d’influence qui se recouvrent très largement) avec leur doctrine de « full spectrum dominance » [suprématie totale], une doctrine qui a la totale adhésion des industriels de l’armement puisqu’elle justifie le maintien d’un potentiel miliaire très important  qui est une source de revenus pour eux.

Le cauchemar des néoconservateurs: Trump  veut “une bonne entente avec les pays étrangers”

Par Stuart Hooper, 21st Century Wire (USA) 4 mars 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri
Serait-ce la vraie raison pour laquelle Trump est si méprisé par l’establishment  républicain?

Dans ce qu’on ne peut présenter que comme un cauchemar pour les néoconservateurs, le candidat en tête pour l’investiture républicaine à la présidentielle, Donald Trump a déclaré hier soir pendant un  débat sur Fox News qu’il veut établir des relations de coopération, et pas de de confrontation, avec les pays étrangers.
Trump a dit ce qui suit:
“Ne serait-ce pas vraiment une bonne chose si nous pouvions nous entendre avec la Russie, si nous pouvions  avoir de bonnes relations avec les pays étrangers."
La faction politique néoconservatrice qui a dominé le Parti Républicain dans l’histoire récente considère qu’il n’y a pas grand-chose à gagner avec une politique de coopération et elle préfère au contraire la confrontation et la domination ; comme elle l’a amplement démontré avec la guerre en irak en 2003.
La déclaration de Donald Trump selon laquelle il veut explicitement  ‘une entente  avec la Russie’ est  sans précédent et Mitt Romney, le candidat républicain à la présidentielle de 2012 avait affirmé que la Russsie était «sans l’ombre d’un doute notre ennemi géopolitique numéro un. »
Un monde avec un président américain qui souhaite ‘l’entente’ pourrait être bien différent du monde d’aujourd’hui. Pourtant comme nous le constatons avec la myriade d’attaques contre Trump, certaines élites politiques et intérêts du complexe militaro-industriel ne sont pas emballés par ce concept.
Bien sûr, nous devons garder à l’esprit que ce n’est que ça: un concept. Et aussi bon que soit ce concept, il se pourrait bien que Trump ne tienne pas cette promesse.
N’empêche, c’est  quand même un changement de ton très différent, un peu plu doux, par rapport à la rhétorique politique que nous avons l’habitude d’entendre.
Pensez-vous que Trump a la bonne orientation en matière de politique étrangère, et la mettra-t-il  en œuvre?

La laïcité dans l'armée française vue par un journal américain

La laïcité est un des aboutissements possibles du processus de sécularisation. Un aboutissement et pas l’aboutissement puisque bien des sociétés sécularisées en Europe par exemple ne sont pas laïques, ce qui n’empêche pas que la liberté d’expression et la liberté de culte soient comparables à ce qu’on observe en France.
Depuis quelques années, la laïcité à la française a été dévoyée au point de réprimer le port de tenues vestimentaires considérées comme des signes religieux dans l’espace public, dont la rue.
L’armée fait cependant exception dans ce paysage étrange qu’est devenue la laïcité qui est normalement la séparation du religieux, au sens d’institutions religieuses, et de l’Etat.
L’armée française recrute en effet des aumôniers, c’est-à-dire des personnels religieux, pour faciliter l’exercice de divers cultes : les cultes chrétiens, le culte israélite et depuis quelques années le culte musulman. Ces aumôniers trouvent leur place dans l’organigramme de l’armée tandis que des lieux de culte existent dans les lieux où les militaires sont stationnés.

Pourquoi l’armée française est peut-être plus tolérante avec les Musulmans que la société française

De sévères restrictions sur la place de la religion dans la sphère publique ont aiguisé les tensions avec la population musulmane. Mais les forces armées font les choses un peu différemment.
par Colette Davidson, The Christian Science Monitor (USA) 1er mars 2016 traduit de l'anglais par Djazaïri
Paris – Le bureau d’Abdelkader Arbi est assez typique pour un employé de l’armée française, spacieux, avec un drapeau français dans un coin qui monte à hauteur de plafond , et un portrait du Président François Hollande fixé au mur.
Mais de temps en temps, il a une fonction peu orthodoxe pour un local qui se trouve dans un édifice d’un service de l’Etat : quand la salle de prière de l’armée n’est pas disponible, son bureau devient une mosquée de fortune pour des soldats qui n’ont pas d’endroit où prier.
« Il est clair que les soldats doivent apprendre à vivre ensemble, mais il n’est parfois ni commode ni pratique pour eux de prier » explique M. Arbi, le premier aumônier musulman de l’histoire de l’armée française qui fête sa 11ème année à ce poste. Les soldats sont parfois jusqu’à six à vivre dans un dortoir ou à travailler en plein air pendant la journée, ce qui poser un problème à des Musulmans pratiquants qui essayent d’observer les cinq  prières quotidiennes requises. « Ils viennent prier ici afin de ne gêner personne. »
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Abdelkader Arbi

Dans un pays aux prises avec la peur de la radicalisation et le sentiment que sa définition du sécularisme (la laïcité NdT) est synonyme d’islamophobie, l’armée propose un modèle de prise en compte de la liberté religieuse qui n’exclut pas complètement le religieux de la sphère publique.
S’il est en théorie illégal pour un aumônier d’exercer son office dans une école ou un bâtiment publics l’église et l’Etat sont encore entremêlés dans l’armée. Et ces dernières années, le gouvernement a œuvré pour faire en sorte que les libertés religieuses soient élargies au nombre de plus en plus grand de Musulmans qui rejoignent l’armée.
« Ces soldats veulent simplement faire leur boulot tout en respectant pleinement leur religion, » explique Arbi. « Ils ont au final le sentiment d’être traités à égalité. Après tout, tout le monde ici combat pour la même cause – la France. »
Sécularisme strict
Permettre à des soldats de prier pour des raisons militaires ne devrait pas nécessairement être choquant, sauf que c’est en France – un pays qui se targue d’un sécularisme strict, ou laïcité, (en français dans le texte) dans ses lois
La France a combattu âprement pour garantir la laïcité, y compris par les interdictions de ports de signes religieux ostentatoires à l’école depuis 2004 et de la burka dans les lieux publics depuis 2010.
Mais une clause de la loi de 1905 qui porte séparation de l’église et de l’Etat concerne des dispositions particulières pour les personnes détenues dans les prisons, pour les hôpitaux et les internats scolaires publics – tous lles lieux où un individu ne peut accéder librement aux lieux de culte traditionnels. Dans ces cas l’Etat doit donner un accès à un aumônier  désigné par ses soins.
La loi de 1905 fait pendant à une loi semblable de 1880 qui donne ces mêmes droits aux membres de l’armée française. Il y a actuellement 38 aumôniers musulmans dans l’armée aux côtés des plus de 200 aumôniers des religions catholique protestante et juive [israélite, NdT].
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Insigne de l'aumônerie militaire chrétienne (catholique ou protestante)

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Insigne de l'aumônerie militaire israélite

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Insigne de l'aumônerie militaire musulmane

“La religion ne peut pas être pratiquée en nombre d’endroits en France, mais pour ceux qui n’ont pas tous leurs droits, la religion est ne manière de leur rendre cette liberté, » explique Valentine Zuber, professeur d’études religieuses à l’Ecole pratique des Hautes Etudes (EPHE – Paris).
Mais cela ne s’est pas toujours appliqué à tout le monde. Alors que les soldats chrétiens et juifs pouvaient fréquenter des salles de prière et des aumôniers présents sur site, les soldats musulmans étaient largement exclus de la vie religieuse, encore cent ans après que les dispositions sur la liberté religieuse eurent autorisé des aumôniers militaires.
Les Musulmans pratiquants se sentaient obliges de cacher leurs prières quotidiennes avant l’arrivée de Arbi en 2005 au fort militaire de Vincennes dans la banlieue de Paris, et ils n’avaient guère de recours quand ils étaient confrontés à des plaisanteries et des insultes racistes ou à un sentiment d’exclusion.
Un contingent musulman de plus en plus nombreux.
Mais ce genre d’attitudes est intenable aujourd’hui du fait de l’importance croissante dans l’armée du contingent musulman qui représente entre 10 et 20 % des effectifs militaires de la France.
L’évolution vers un recours à des aumôniers musulmans est finalement intervenue en 2004, quand une étude qui s’intéressait à la deuxième génération d’immigrés dans l’armée avait montré l’existence d’une discrimination très répandue  et avant tout religieuse. 
Samir, soldat dans le sud de la France et Marocain de la seconde génération (des détails sur son identité ont été changes pour protéger son anonymat), était un Musulmans pratiquant quand il est entré dans l’armée en 2005. Si sa pratique religieuse se limite aujourd’hui à s’abstenir de consommer du porc, Samir dit qu’il a vu la différence entre la vie avec et sans libertés religieuses.
“Il y a dix ans, les Musulmans ne pratiquaient tout simplement pas leur religion sur la base, » déclare Samir. « Les officiers ne voulaient pas la voir. »
Et quoique le racisme et la discrimination religieuses subsistent dans les rangs – Samir dit avoir récemment entendu parler d’un jeune officier qui a réprimandé un soldat musulman pour avoir prié dans sa chambrée – les attitudes à l’égard des Nord-Africains et des soldats noirs s’améliorent. « Cette nouvelle génération de soldats et très diverse et les choses changent pour le mieux, même si cette évolution se déroule très lentement. »
Depuis que des aumôniers musulmans sont arrives sur la base, les soldats ont l’autorisation de prier dans leurs chambrées, de consulter l’aumônier en cas de besoin, et de choisir  des rations halal pendant les missions à l’étranger. Certains aumôniers participent chaque année  à l’organisation de voyages pour le pèlerinage à La Mecque. Pour le reste, les lois du pays relatives à la laïcité sont appliquées de la même manière que celles qui concernent l’espace public – aucun symbole religieux visible n’est autorisé.
ration sans porc
“Nous ne pouvons pas exprimer quoi que ce soit de visible concernant notre religion” explique Samir. « Pas de médaillon, pas de barbe – nous devons rester neutres. Le seul endroit où nous pouvons prier est la chapelle militaire ou notre chambre.
Une approche équilibrée
Maintenir un équilibre entre la pratique religieuse ouverte et privée  et une approche modérée en termes de soutien [spirituel] – les aumôniers n’ont pas le droit de faire du prosélytisme – est peut-être ce qui permet à la version du sécularisme dans l’armée de continuer à fonctionner. A la différence des locaux des administrations publiques ou des écoles, où les débats sur la laïcité ont créé des tensions profondes, la pratique religieuse dans l’armée est généralement épargnée par le soupçon et le scandale.
Oscillant entre sphère publique et sphère privée, l’armée permet aux indivdus de pratiquer leur religion dès lors qu’elle ne trouble pas l’ordre public – ce qui est a définition originelle de la laïcité.
L’armée semble être le lieu où la neutralité et la liberté sont les plus respectées en France” déclare Zuber..
Et parce que l’Etat rémunère les aumôniers militaires, dans un pays où l’Etat n’a pas le droit de subventionner des institutions ou des personnels religieux, la religion elle-même se voit accorder une certaine présence et crédibilité, ajoute-t-elle.
“Notre système de laïcité actuellement en vigueur ne nous permet pas d’appliquer des règles semblables partout ailleurs, » observe Zuber, « mais peut-être que si le rôle des aumôniers était mieux compris, cela changerait les mentalités chez les gens. Pour l’instant, il n’y a pas de volonté politique en ce sens. »
Tenir à distance toute forme de radicalisation?
Cette approche modérée pourrait aussi être vue comme une tentative pour tenir à distance la radicalisation. Alors que la France a eu des problèmes avec la radicalisation dans ses prisons, de tels exemples dans l’armée restent rares. Pourtant Arbi dit que même s’il a rarement pu observer un soldat montrer des signes de radicalisation de ses idées, son rôle est de rester vigilant particulièrement sepuis que des attaques terroristes ont traumatisé la France en janvier et novembre de l’année dernière.
“N’importe qui peut dérailler, mais ce n’est pas un problème musulman » affirme Arbi. Quand Mohamed Merah s’est lancé dans sa folie meurtrière à Toulouse en 2012, deux des tois soldats tués étaient musulmans. « Ce sont des soldats français et même sion peut avoir du malà s’en rappeler, l’Islam n’est pas une religion ‘étrangère’. La relation entre l’Islam et la France a une histoire longue. »
Alors que la France continue à débattre de l’équilibre entre la promotion du sécularisme et le découragement de l’islamophobie, Arbi considère que la possibilité pour les Musulmans de pratiquer librement dans l’armée est une assurance contre une dérive radicale d’un ressentiment musulman. La meilleure façon d’envisager les choses, dit-il, c’est comme dans la parentalité – traiter chaque personne de manière égalitaire est fondamental.
“Notre boulot consiste à faire la guerre,” explique Arbi. « Mais si les soldats ne ressentent pas une égalité entre eux, cette guerre peut devenir intestine. »