dimanche 28 septembre 2014

Joe Biden, Shakespeare et les usuriers anciens et modernes

Comme Abraham Foxman, le patron de l'Anti-Defamation League (ADL, équivalent américain e la LICRA) aime à le dire, le vice-président des Etats Unis Joe Biden est un ami du « peuple juif ».

Ce qui ne l'a pas empêché de comparer à Shylock certains usuriers qui ont fait du profit aux dépens de militaires partis combattre en Irak,

Shylock est juif en effet, mais ce n'est pas vraiment par amitié pour le peuple auquel il appartient que Biden lui a comparé les prêteurs voraces, C'est simplement parce que citer ce nom lui permettait d'éviter une description longue et fastidieuse de ces prêteurs qui exploitent les GI's partis faire leur devoir de patriote au Moyen Orient. En citant le nom de Shylock, il s'assurait d'être compris immédiatement par son auditoire.

Comme il est rappelé dans l'article, Shylock est un personnage de Shakespeare qui, dans la pièce « Le marchand de Venise » exige d'un de ses débiteurs une livre de sa propre chair en cas de non remboursement.

Le personnage appartient donc à la culture de commune occidentale, anglo-saxonne tout particulièrement.

Cette comparaison des prêteurs véreux de l'Amérique d'aujourd'hui à Shylock n'a pas laissé sans réaction Abraham Foxman qui a fait une remontrance à Joe Biden. Une admonestation très légère bien sûr car Joe Biden est comme on l'a dit un ami du « peuple juif » et qu'il considère Abraham Foxman comme un « conseiller ».
Heureusement que je suis un ami du peuple juif!
Heureusement que je suis un ami du peuple juif!
Un conseiller en quoi ? me direz-vous
C'est simple : un conseiller en affaires juives car Joe Biden sait comme d'autres, et sans doute mieux que beaucoup d'autres, qu'il vaut mieux avoir le soutien des institutions juives dont l'influence est, selon, lui, à l'origine de la plupart des grands changements sociétaux qu'ont connu les Etats Unis, Biden donnant comme exemple le mariage homosexuel.

Tout ça , c'est de l'antisémitisme évidemment. Mais outre le fait que Joe Biden s'est excusé auprès de Foxman, l'un comme l'autre sont conscients des avantages qu'ils retirent ou peuvent retirer d'un partenariat de pouvoir.

Biden: l'utilisation du terme «Shylocks» était un mauvais choix

Biden décrivait des gens qui profitent de ceux qui ont des problèmes financiers
par Ashley Killough, CNN (USA) 17 septembre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le vice-président Joe Biden a déclaré mercredi que son utilisation du terme "Shylocks", que certains considèrent comme antisémite, était "un mauvais choix de vocabulaire."

Sa déclaration intervient un jour après que le directeur national de l'Anti-Defamation League a publié une remontrance légère pour l'utilisation de ce terme par le vice-président, expliquant que Biden "aurait dû être plus prudent."

Mardi, à une cérémonie marquant le 40e anniversaire de la Legal Services Corporation Biden a raconté des anecdotes tirées de l'expérience de son fils qui servait en Irak et avait rencontré des soldats qui avaient besoin d'une aide juridique en raison de problèmes chez eux.
« C'est une des choses dont il avait constaté le besoin le plus pressant quand il avait été là-bas en Irak pendant un an, » a déclaré Biden. « Les gens venaient le voir pour parler de ce qui leur arrivait au pays en termes de saisies, en termes de mauvais prêts qui étaient... Je veux dire ces Shylocks qui profitent sur le dos de, hum, ces femmes et ces hommes quand ils sont à l'étranger. »

Le Directeur national de l'Anti-Defamation League (ADL), Abraham Foxman a déclaré mercredi que le vice-président l'avait appelé.
« A l'évidence, il n'y a avait pas de mauvaise intention ici, mais Joe et moi sommes tombés d'accord pour qu'il avait besoin de potasser son Shakespeare. Il n'y a pas d'ami plus sincère pour le peuple juif que Joe Biden, » a affirmé Foxman dans une déclaration. Non seulement a-t-il été un pilier contre l’antisémitisme et la bigoterie, mais il a le courage et la franchise de reconnaître une erreur et de s'en servir comme opportunité pour apprendre et enseignes aux autres les effets néfastes des stéréotypes. Il a transformé une gaffe rhétorique en moment de pédagogie. »

Le terme « Shylock » dérive du nom du personnage de la pièce de Shakespeare « Le marchand de Venise ». Le juif Shylock était un prêteur sans scrupules dans la pièce, et un passage marquant de la pièce est son exigence d'une « livre de la chair » du marchand Antonio s'il manque à rembourser un prêt.
Diverses incarnations de Shylock
Diverses incarnations de Shylock
Mardi, Foxman a tancé Biden en disant qu'il "aurait dû être plus prudent" et en ajoutant que ce terme « représente le stéréotype médiéval sur les Juifs et reste à ce jour une caractérisation péjorative ». 

Biden a déclaré que Foxman était un « ami et conseiller » de longue date et était correct dans son évaluation du terme qu'il avait choisi.

Biden qui envisage une candidature à la présidentielle de 2016 s'est rendu en Iowa mercredi pour prendre la parole à l’inauguration de la manifestation Nuns on the Bus, une association catholique libérale [de gauche dans le vocabulaire anglo-saxon] pour la justice sociale basée à Washington.

lundi 22 septembre 2014

J'irai cracher sur vos tombes au cimetière de La Mouche

La commémoration de la mort d'innocents tués au nom d'une idéologie barbare devrait être pour tous une occasion non seulement de recueillement mais de rassemblement. Ce devrait par exemple être le cas avec la cérémonie qui s'est tenue le 21 septembre au cimetière israélite de La Mouche à Lyon en hommage,je cite l'article du Progrès reproduit un peu plus loin,, "aux martyrs de la Soha privés de sépulture."

Le problème est qu'il n'en fut rien puisque le rabbin Richard Wertenschlag, préposé à la cérémonie, n'a rien trouvé de mieux à faire qu'e d'évoquer le conflit qui oppose Palestiniens et sionistes dont il trouve injuste le traitement par les médias qui présentent selon lui les victimes comme des bourreaux.

Comme quoi, il y a bien une exploitation du souvenir des victimes de la seconde guerre au service d'une idéologie qui n'a rien à envier au nazisme et d'un Etat scélérat et criminel.

Quelqu'un avait écrit quelque chose comme "J'irai cracher sur vos tombes". Un certain rabbin l'a fait.
Le Progrès - 22 septembre 2014
Le Progrès - 22 septembre 2014

mardi 16 septembre 2014

Bryan Adams et le crime contre l'humanité commis à Gaza, une prise de position ignorée par nos médias

Le Canadien Bryan Adams est maintenant un vieux routier et une vedette internationale du rock and roll. Cet auteur-compositeur-interprète connaît non seulement ses gammes et sa guitare basse sur le bout des doigts, mais il est loin d'être dénué de culture politique.
C'est ce qu'on peut effet constater dans ses prises de position contre la dernière grande agression la population de Gaza perpétrée par les terroristes sionistes. Non content de qualifier les agissements sionistes de crime contre l'humanité, Bryan Adams persiste et signe sans jamais esquisser l'ombre d'une reculade devant les procédés d'internautes qui rappellent étrangement ceux de Bernard-Botul-Henri Lévy dans ses échanges avec le chroniqueur télé Aymeric Caron.

Cette prise de position de Bryan Adams n'a pas du tout été médiatisée en France. Je n'en ai trouvé qu'une trace en français mais hors de l'Hexagone, sur le site web d'un journal suisse.

L'article et les échanges de tweets datent d'août 2014 alors que l'agression sioniste se poursuivait encore.

Bryan Adams va sur Twitter, réaffirme sa position sur la crise de Gaza (tweets)

par Jason MacNeil, The Huffington Post Canada, 20 août 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Après avoir critiqué le premier ministre canadien Stephen Harper la semaine dernière pour l'absence d'aide du Canada pour Gaza, Bryan Adams a réaffirmé sa position sur la situation la nuit dernière via Twitter.

Après avoir posté un premier tweet le 11 août, Adams a ensuite répondu le 14 août à un internaute qui demandait avec quelle partie au conflit il était (en évoquant notamment la charte du Hamas). Voici sa réponse :
tw1-crop
Bryan Adams : … qui prend parti ? Je suis juste avec les gens, avec les enfants.
Mardi, la conversation a continué avec deux internautes, Stacy Vogel et "SoulM8dSunshine" qui prenaient une postition franchement pro-israélienne :
tw2-crop

SoulM8dSunshine" : Je ne vois ai pas vu dire un mot sur les enfants israéliens qui ont 15 secondes pour courir aux abris.
Stacy Vogel : Le Hamas vient de violer le 11ème cessez-le-feu. Mettez les torts là où ils doivent être. Protégez vos citoyens !

Ce tweet avait amené Adams à répondre à plusieurs reprises dans la suite de la conversation, entraînant des réponses d'Adams . :
tw3
Bryan Adams :... et le blocus israélien de Gaza vient juste d'entrer dans sa huitième année, laissant 1,7 million d'habitants dans la misère.

Stacy Vogel : Votre twitter est utilisé par vos fans pour cracher leur haine et l'antisémitisme contre vos autres fans, et c'est okay ?

Bryan Adams : Personne n'est antisémite ici. Je suis/nous sommes simplement avec les gens et pro-liberté.

Stacy Vogel : Sujet trop sensible. Il y a des guerres horribles partout, où est l'indignation ? La seule indignation est quand ça concerne les Juifs.

Bryan Adams : Je ne peux pas parler pour d'autres, je ne parle que pour moi : je dis que Gaza était un crime contre l'humanité

Vogel a ensuite évoqué la mort de trois adolescents juifs israéliens qui avaient été tués plus tôt dans l'année,
tw4-crop
Bryan Adams : on n'a jamais prouvé qui était responsable, et ça ne justifie pas l'assassinat de plus de 2000 personnes dont 541 gosses.

La cconversation d'Adams sur Twitter marque un moment de regain de violence dans la région après un accord pour un cessez-le-feu de six jours. Les combats ont repris mardi dans la région après que des roquetets se sont abattues sur la ville de Beersheba, rapporte DW (radio allemande). Le gouvernement israélien a accusé le Hamas de faire échouer toute tentative de cessez-le-feu prolongé, répliquant par des frappes aériennes sur Gaza mercredi.

dimanche 14 septembre 2014

La Turquie pas d'accord pour stopper la contrebande de pétrole exporté par l'Etat Islamique en Irak et au Levant

Cet article du journal australien The Age est en fait une reprise d'un texte du New York Times avec simplement un titre différent.

Si le titre du New York Times affirme que les Etats Unis cherchent l'aide de la Turquie dans la lutte contre l'Etat Islamique (EI) ou Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), le titre de The Age affirme catégoriquement que la Turquie a opposé une fin de non recevoir à une demande très importante des Etats Unis. Les Etats Unis ont en effet demandé aux autorités d'Ankara de faire cesser la contrebande d'hydrocarbures en provenance d'Irak et de Syrie et ainsi tarir l'essentiel des revenus financiers de l'EIIL.

La Turquie a refusé pour plusieurs raisons dont certaines ont été présentées dans le post qui précède celui-ci : pour faire court, le gouvernement turc compte sur les milices de l'EI pour établir en Syrie et en Irak un ordre politique que le gouvernement présidé par Recep Tayyip Erdogan jugerait plus conforme aux intérêts de son pays.

Si 49 membres du corps consulaire sont en effet détenus par l'EIIL, il ne semble pas que leur vie soit en danger ni que leur sort ait pour l'instant une quelconque influence sur la politique turque dans la région.

La Turquie craint qu'une défaite de l'EIIL soit suivi d'un reflux sur son territoire de nombre de miliciens « djihadistes ». C'est en effet de Turquie que nombre d'entre eux sont venus et l'EIIL a de plus multiplié ses implantations en Turquie même, non seulement dans les zones frontalières mais jusque dans la métropole qu'est Istanbul et recrute des citoyens turcs par centaines.

Le ville industrielle de Dilovasi en périphérie d'Istanbul est un centre de recrutement de l'Etat Islamique en Irak et au Levant
Le ville industrielle de Dilovasi en périphérie d'Istanbul est un centre de recrutement de l'Etat Islamique en Irak et au Levant
Oserais-je dire que les lendemains risquent de déchanter pour Ankara, que les djihadistes perdent ou gagnent ?

Et pour finir, n'oublions pas l'esprit mercantile de Recep Tayyip Erdogan et de sa base politique : les régions méridionales de la Turquie proches de la Syrie et de l'Irak ont été dûrement touchées économiquement par les troubles dans les pays voisins. Leur assurer de l'essence à bon marché, fut-elle de contrebande, faire vivre un négoce lucratif est donc un moyen de solidariser avec le gouvernement les couches de la population qui profitent de ce trafic.

Autant de bonnes raisons pour éviter d'entrer en conflit avec l'EIIL. Les opposants syriens « modérés » selon Laurent Fabius et David Cameron sont arrivés à la même conclusion que le gouvernement turc et font entente avec l'Etat Islamique.

Observons pour conclure que l'armée américaine s'est pour l'instant gardée de s'attaquer aux camions qui acheminent en Turquie le pétrole exporté par l'EIIL.

La Turquie ne bloque pas les revenus pétrolier de l'Etat Islamique malgré la pression des Etats Unis

David E. Sanger et Julie Hirschfeld Davis, The Age (Australie) 14 septembre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Washington: L'administration Obama s'efforce de bloquerr les millions de dollars de revenus pétroliers qui ont fait de l'Etat Islamique une des organisations terroristes les plus riches de l'histoire, mais elle a pour l'instant été incapable de persuader la Turquie, le pays allié memebre de l'OTAN où la plus grande partie du pétrole est écoulée sur le marché noir, de s'attaquer à un vaste réseau de vente.

Les officiels du renseignement occidental disent pouvoir suivre les cargaisons de pétrole de l'Etat Islamique quand elles sont transportées d'Irak vers les régions frontalières du sud de la Turquie.

En dépit de longues discussions internes au Pentagone, les forces américaines n'ont jusqu'à présent pas attaqué les camions citernes.

Cependant, a déclaré vendredi un haut responsable de l'administration Obama, « cela reste une option. »

Les difficultés pour un élargissement de l'action contre l'Etat Islamique sous la direction des Etats Unis ont été évidentes dans les discussions qu'a eues le Secrétaire d'Etat US John Kerry avec le président égyptien Fattah al-Sisi qui a exhorté la coalition militaire à cibler d'autres organisations plutôt que l'Etat Islamique.

L'absence de volonté de la Turquie de contribuer à enrayer le commerce pétrolier symbolise l'ampleur des défis auxquels est confrontée la Maison Blanche pour assembler une coalition pour contrer l'organisation militante sunnite et pour lui couper les vivre.

L'accès de l'Etat Islamique à l'argent est essentiel pour lui permettre de recruter des membres, de faire face à la masse salariale de plus en plus importante de ses combattants, d'étendre son rayon d'action et opérer à travers le territoire de deux pays.
« Sous beaucoup d'aspects, la Turquie est une carte maîtresse dans l'équation de cette coalition, » explique Juan Zarate, conseiller principal au Centre for Strategic and International Studies.
« C'est une grande déception : Il existe un vrai danger que la démarche pour affaiblir et détruire l'EIIL soit fragilisée, » explique M. Zarate parlant de l'Etat Islamique. « On a un important allié dans l'OTAN et on ne sait pas si il a la volonté et la capacité de couper le flux d'argent, de combattants et de soutien vers l'EIIL. »

Jeudi, la Turquie a refusé de signer un communiqué en Arabie Saoudite portant engagement des Etats du Golfe persique de la région [c.à.d. sauf l'Iran, NdT] à contrer à l'Etat Islamique, même dans les limites que chaque nation considérera « appropriées ».
Les responsables turcs ont dit à leurs homologies américains qu'avec 49 diplomates turcs retenus en otages en Irak, ils ne pouvait pas courir le risque de prendre position publiquement contre l'organisation terroriste.

Pourtant, les officiels de l'administration américaine disent croire que la Turquie pourrait considérablement perturber les entrées d'argent vers l'Etat Islamique si elle essayait de le faire.

« Comme n'importe quelle sorte d'activité de contrebande et de marché noir, si vous y mettez les moyens et fautes l'effort de l'attaquer, vous ne l'éradiquerez sans doute pas, mais vous pouvez l'entamer fortement, » a déclaré samedi un haut responsable de l'administration.
Au centre des discussions, on trouve les dizaines de champs pétroliers et de raffineries en territoire irakien et syrien passés sous le contrôle de l'organisation. L'extraction a généré un flux financier régulier que les experts situent entre 1 et 2 millions de dollars par jour ; un montant dérisoire au regard du marché pétrolier mondial mais une formidable aubaine pour une organisation terroriste.

Mettant en relief la complexité de la mission de M. Kerry en vue d'obtenir du soutien au Moyen Orient, le président égyptien avait dit auparavant au Secrétaire d'Etat en visite qu'une coalition internationale contre le terrorisme ne devait pas seulement se concentrer sur les militants de l'Etat Islamique, mais aussi sur Ansar Bayt al-Maqdis et l'ennemi du régime égyptien, les Frères Musulmans.

Les responsables sécuritaires égyptiens ont affirmé que l'Etat Islamique avait établi des contacts avec Ansar Bayt al-Maqdis, l'organisation militante la plus dangereuse du pays qui a tué des centaines de membres des forces de sécurité depuis que l'armée a renversé le président islamiste Mohamed Morsi l'an dernier après des manifestations massives contre lui.

New York Times, Reuters

jeudi 11 septembre 2014

Obama à l’assaut de l’Etat Islamique ou la stratégie du chaos (ou encore la Turquie prise à son propre piège)

Les choses semblent se dessiner maintenant. Le gouvernement des Etats Unis a décidé de former une coalition à laquelle est fixée la mission de vaincre l'Etat Islamique qui a pris corps sur une partie des territoires de l'Irak et de la Syrie.

La coalition comprend un noyau dur avec des pays comme la Grande Bretagne et la France et des partenaires plus périphériques.

L'article que je vous propose parle justement du positionnement de la Turquie par rapport à cette orientation stratégique du président Obama, Turquie qui vient de refuser l'utilisation de ses bases aériennes pour des bombardements en territoire syrien et irakien.

L'auteur nous explique que, parmi les pays susceptibles de participer à ce noyau dur,  la Turquie, est le seul Etat  à partager une frontière avec l'Etat islamique n'a nulle envie de faire partie de ce noyau dur.

Pour la bonne raison que les autorités turques ont longtemps misé et misent encore sur des mouvements comme celui qui a donné naissance à l'Etat Islamique en Irak et au Levant (aujourd'hui Etat Islamique) pour venir à bout des régimes qui selon elles maltraitent les Sunnites. La priorité du gouvernement turc étant de corriger le gouvernement irakien et d'éliminer le régime baathiste au pouvoir à Damas.

Une bonne partie des milliers de combattants qui peuplent les rangs du Califat proclamé par Abou Bakr al-Baghdadi ont en effet à un moment ou à un autre transité par le territoire turc et y retournent à l'occasion pour se soigner par exemple.

map-isil-2014-06

Un autre problème auquel fait face le gouvernement turc tient à ce qui se passerait si l'Etat Islamique était contraint d'abandonner ses positions : ce serait alors le reflux des miliciens « djihadistes »vers la Turquie où l'armée de ce pays n'aurait sans doute plus d'autre choix que de leur livrer bataille.

Tout cela est exposé dans cet article (que j'ai traduit de l'anglais à partir d'un original écrit en turc, ce qui explique certains défauts du texte), Ainsi que ce cauchemar pour le gouvernement turc que constituerait une alliance formelle ou de facto entre la coalition anti-EI et le régime de Bachar al-Assad !

Pour l'heure on ne sait cependant pas si l'intervention militaire occidentale aura un effet positif pour le régime syrien où si elle cherchera à l'affaiblir sous couvert de bombarder les forces de l'Etat islamique.
Enfin l'auteur observe que, en cas de défaite de l'Etat Islamique, les organisations qui pourraient se substituer à lui sont faites à peu près du même bois, l'une d'entre elles étant officiellement affiliée à al Qaïda.

Ce qui ne saurait gêner outre mesure la CIA comme on peut s'en douter.

Le dilemme de la Turquie devant la lutte contre l'Etat Islamique

par Fehim Taştekin, Al-Monitor 7 septembre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Après quehttp://www.al-monitor.com/pulse/contents/authors/fehim-tastekin.html les Etats Unis ont annoncé qu'ils constituaient un « noyau de coalition » avec dix pays pour combattre l'Etat Islamique (EI), les regards se sont tournés vers la Turquie. La Turquie aura-t-elle vraiment une place parmi les dix pays cités par Reuters ? Dans l'affirmative, quel rôle jouera-t-elle ? Après le sommet de l'OTAN du 5 septembre au Pays de Galles, le Secrétaire d'Ertat à la Défense Chuck Hagel a indiqué que ce noyau de la coalition facilitera la formation ultérieure d'un groupe plus large et plus structuré. Le Secrétaire d'Etat US John Kerry a déclaré que la coalition devait être mise en place de sorte à empêcher l'EI de s'emparer de plus de territoires sans avoir à envoyer sur place des soldats de l'alliance [OTAN], par un soutien aux forces de sécurité irakiennes et à d'autres qui sont prêtes à affronter l'EI. Il a précisé que la ligne rouge pour tous était de ne pas lancer d'opération terrestre.

Selon des informations de coulisses rapportées par CNN Turquie après la rencontre entre le président américain Barack Obama et le président turc Recep Tayyip Erdogan, Ankara n'est pas favorable à l'idée de participer au noyau de la coalition. Le quotidien Cumhuriyet a rapporté que la Turquie formulait des réserves et que la rencontre Obama – Erdogan s'est conclue avec un accord sur une participation de la Turquie de derrière les coulisses.

Les réserves de la Turquie sont répertoriées comme suit :

Les otages turcs détenus par l'EI ne doivent subir aucun mal
L'équilibre des forces dans la région ne doit pas être modifié, et de ce point de vue, aucun armement ne devrait être fourni aux Chiites qui sont puissants à Bagdad.
La Turquie est dans un processus de règlement avec les Kurdes. La présence d'armes incontrôlées dans la région pourrait représenter une menace pour la sécurité intérieure de la Turquie.
L'opération ne devrait pas renforcer le régime de Bachar al-Assad en Syrie.

Reuters a cité un diplomate US affirmant qu'en raison de la situation particulière qui prévaut, la contribution de la Turquie ne peut pas être très visible.

Les dilemmes de la Turquie

Les dilemmes de la Turquie devant la lutte contre l'EI ne se limitent pas à la question des otages. Les Etats Unis ont fixé comme ligne rouge la présence de troupes au sol. Dans une telle situation, il est inévitable que les troupes sur le terrain pour combattre l'EI doivent provenir de forces locales [de la région]. Un succès durable implique que les forces locales consolident leur emprise. Les forces terrestres qui ont repris des sites stratégiques comme le barrage de Mossoul et la ville d'Amerli avec l'appui aérien des Etats Unis étaient des acteurs que la Turquie n'a pas vraiment envie d'aider. 

Amerli, ce sont des milices chiites comme les Brigades de la Paix, les brigades Abou Ali avec des unités de l'armée irakienne dominée par les Chiites qui ont ouvert la voie. Les opérations dans le nord sont conduites par les peshmerga, la branche militaire du Gouvernement Régional du Kurdistan, le Parti des Travailleurs du Kurdisatn (PKK) et les Unités de Protection du Peuple (YPG, Kurdes de Syrie). Repousser l'EI sans les forces locals à propos desquelles Ankara a émis des réserves ne sera pas possible. En déclarant « Nous devons soutenir les autres [forces] qui sont prêtes à résister à l'EI, » Kerry a souligné l'importance de ces forces locales. La Turquie, qui a interprété les soulèvements dans les provinces de MossoulSalahuddin et Anbar comme des rébellions sunnites contre le gouvernement chiite en Irak et a maintenu des contacts étroits avec ces organisations dans l'espoir d'une issue favorable aux Sunnites, ne veut pas que la coalition contre l'EI relance les forces chiites. 

Les propos suivants du premier ministre turc Ahmet Davutoglu sur l'Etat Islamique (qui s'appelait lui-même auparavant EIILEtat Islamique en Irak et au Levant) doivent être compris comme l'expression de l'attente par la Turquie d'un nouveau rapport de forces en faveur des Sunnites : « La colère, la marginalisation et les insultes ont abouti à l'éruption soudaine d'une réaction sur un vaste front. Si les Arabes sunnites n'avaient pas été marginalisés en Irak, il n'y aurait pas eu une telle accumulation de fureur La structure que nous appelons EIIL pourrait être vue comme une organisation terroriste extrémiste. Mais parmi ceux qui la rejoignent, il y a des Turcs, des Arabes et des Kurdes. »

Le deuxième dilemme important pour la Turquie est le renforcement de la puissance du PKK et du PYG par leur combat contre l'EI et leur gain de légitimité aussi bien aux yeux des populations de la région que de la communauté internationale.

Depuis que le Parti d'Union Démocratique (PYD) est apparu comme le catalyseur de l'autonomie de fait des Kurdes de Syrie, la Turquie a dû revoir son approche. Cette nécessité a été ressentie pour la défense des frontières avec l'Irak et la Syrie, et même pour assurer la sécurité de la tombe de Suleiman Shah qui est considérée comme territoire turc sur la rive de l'Euphrate [en Syrie]. Les mouvements militaires turcs pour ravitailler les soldats turcs qui gardent la tombe et pour la relève doivent se faire en concertation avec le YPG.

La Turquie coopère-t-elle avec l'EI ou le YPG ou le PKK ? Le co-président du Parti Démocratie Populaire Kurde (HDPSelahhatin Demirtas explique, « Ca pourrait sembler marginal, mais le PKK combat la barbarie de l'EI. S'il doit y avoir la paix avec la Turquie et si le PKK doit renoncer à la lutte armée contre la Turquie, pourquoi ne pas l'aider maintenant avec des armes ? » La question que la Turquie cherchait à éviter est ainsi revenue à l'ordre du jour. La Turquie doit décider si elle veut préserver le processus de paix [avec les Kurdes] en passant de l'animosité à la coopération ou tout perdre en exagérant les craintes de voir les armes que pourraient acquérir les Kurdes se retourner un jour contre la Turquie. Les craintes de la Turquie limitent bien sûr sa marge de manoeuvre pour accéder au statut d'acteur régional auquel aspire tant les dirigeants du Parti de la Justice et du Développement (AKP au pouvoir).

Un dilemme de plus : La possibilité que l'Etat Islamique qui amasse pas mal d'argent avec le gas oil qu'il vend en contrebande en Turquie se serve des frontières turques comme route logistique pour orienter ses attaques contre la Turquie. L'EI qui a été en capacité de s'organiser dans les grandes villes turques pourrait très bien cibler ces villes. De nombreuses informations alertent sur une telle possibilité. Si l'EI se désintégrait , le pays vers lequel il se repliera en premier lieu pour s'y réorganiser sera la Turquie.

C'est un motif de migraine pour le long terme, mais ce qui est indéniable c'est que la Turquie est beaucoup plus préoccupée par des attaques de l'EI qu'elle ne l'était au moment de la prise de Mossoul par l'EI. Le gouvernement avait même dit auparavant à propos de le prise du consulat de Turquie à Mossoul : « Notre consulat est territoire turc. Mais l'attaque qu'il a subie et la prise d'otages ne sont pas significatifs pour la Turquie. Le territoire turc n'est pas visé. » La Turquie – seul pays du noyau dur à avoir une frontière avec l'Etat Islamique est une cible aisée et parfaite pour des représailles – a fait connaître ses inquiétudes au sommet de l'OTAN. D'autres pays qui pourraient être visés par l'EI n'appartiennent pas au noyau de la coalition. La Jordanie que l'EU veut ajouter au Califat ne s'est pas montrée avec la coalition même si le roi Abdallah de Jordanie était au sommet de l'OTAN et que son pays a été chargé de fournir des renseignements sur les forces présentes sur le terrain. L'Arabie Saoudite, qui apporte ses ressources financières pour ce genre d'opérations, est un autre pas à ne pas se manifester de manière visible

Un autre motif d'inquiétude pour le gouvernement AKP est la possibilité d'une reprise du contrôle par l'armée syrienne après avoir éliminé l'EI. Erdogan n'est pas disposé à voisiner à nouveau avec une Syrie qui resterait gouvernée par Assad. L'administration Obama n'a pas encore décidé si elle allait coopérer avec Assad où avec les ennemis d'Assad contre l'Etat Islamique. En Irak, un partenariat informel s'est mis en place avec l'Iran et le mouvement de Moqtada al-Sadr qui avait combattu l'invasion américaine, mais ce n'est pas si facile de prendre une décision quand on en vient à la Syrie. Même si Obama peut continuer à envisager l'option du soutien à l'opposition syrienne modérée, rien ne garanti que ça marchera contre des organisations extrémistes comme l'EI. C'est pourquoi les Etats Unis veulent se concentrer sur l'EI pour le moment.

Il y a deux candidats assez forts pour remplir le vide laissé par l'Etat Islamique : le Front Islamique, qui est lui-même constitué d'éléments extrémistes, et la branche syrienne d'al Qaïda, le Jabhat al-Nosra. C'est suffisant pour compliquer les efforts d'élaboration d'une stratégie pour la Syrie.