mercredi 19 janvier 2011

Selon un Seymour Hersh déchaîné, le programme pour l'Irak est de "transformer les mosquées en cathédrales".

Voilà que Seymour Hersh donne dans la théorie du complot, une formulation qui prête habituellement à sourire et vise souvent à discréditer les tenants de certaines thèses sur la genèse de conflits ou l'identité d'auteurs d'attentats. Un simple exemple: comment Saddam Hssein, tenant lui-même de ce genre de théories farfelues, a-t-il pu penser une seconde que Tony Blair et George W. Bush avaient comploté pour agresser son pays et mettre un terme à son pouvoir?
Reste que Seymour Hersh n'est pas exactement le premier venu quand on parle de journalisme et on voit mal qui pourrait lui donner des leçons de professionnalisme et de déontologie . Et pourtant, comme le note le titre de l'article, Hersh est vraiment déchaîné et en lisant cette synthèse d'une conférence qu'il a prononcée au Qatar, on comprendra aisément pourquoi: l'inquiétude de quelqu'un qui aime la liberté et la paix et qui estime qu'elles sont menacées par son propre pays et dans son propre pays.
Seymour Hersh prépare un livre dans lequel il reviendra en détail sur les points qu'il a abordés oralement. Un livre qui fera sans doute l'événement.
Pour conclure, ce n'est pas pour rien que la hasbara sioniste s'est occupée avec soin de l'article de wikipedia consacré à Hersh

Seymour Hersh déchaîné
par Blake Hounshell, Foreign Policy (USA) 18 janvier 2010 traduit de l'anglais par Djazaïri

Dans un discours présenté comme une discussion sur les époques Bush et Obama, le journaliste du New Yorker, Seymour Hersh s'est livré ici ce lundi à une diatribe décousue matinée de théorie du complot dans laquelle il exprimait sa déception par rapport au président Obama et son insatisfaction quant aux orientations de la politique étrangère des Etats Unis.

"Juste au moment où nous avions besoin d'un noir en colère," a-t-il commencé, le bras levé crânement au dessus du podium, "nous ne l'avons pas eu."

Il a bien vite disparu sur le chemin de la Maison Blanche.

Hersh, dont les articles sur les graves abus commis par l'armée des Etats Unis au Vietnam et en Irak lui ont valu une notoriété mondiale et de hautes distinctions journalistiques, a déclaré être en train d'écrire un livre sur ce qu'il appelle les "années Cheney-Bush" et qu'il ne voyait guère de différence entre cette période et l'administration Obama.

Il a expliqué qu'il tenait à jour une "checklist" des politiques agressives US qui persistaient, dont la torture et la politique de "rendition" [transfert] de suspects de terrorisme dans des pays alliés qui reste en vigueur selon lui.
Il a aussi accusé la politique étrangère des Etats Unis d'avoir été détournée par une cabale de "croisés" néoconservateurs du bureau de l'ancien vice président et maintenant dans le monde des services chargés des opérations spéciales.

"Ce dont je parle en réalité c'est de la manière dont huit ou neuf néoconservateurs, des extrémistes si vous voulez, ont renversé le gouvernement américain, en ont pris le contrôle," a-t-i précisé au sujet de son prochain livre. "ce n'est pas seulement que les néocons ont pris le contrôle, mais la facilité avec laquelle ils l'ont fait - comment le Congrès a disparu, comment la presse est devenue une partie de ce contrôle, comment l'opinion a acquiescé."

Hersh a évoqué ensuite les nombreux pillages qui eurent lieu à Bagdad après la chute de Saddam Hussein en 2003. "Dans la clique Cheney, l'attitude consistait à dire, "De quoi? De quoi ils s'inquiètent, les politiciens et les journalistes, ils se préoccupent de quelques pillages?... Ils ne saisissent donc pas? Nous allons transformer les moquées en cathédrales. Et quand nous aurons tout le pétrole, tout le monde s'en foutra."

"C'est cette attitude," a-t-il poursuivi. "Nous allons transformer les mosquées en cathédrales. C'est l'attitude qui prévaut, je suis ici pour l'affirmer, dans une grande partie du Joint Special Operations Command. (JSOC)"

Il a ensuite soutenu que le général Stanley McChrystal qui a dirigé le JSOC avant de devenir brièvement le commandant en chef de l’armée US en Afghanistan, et son successeur, le contre amiral William Mc Raven ainsi que de nombreux membres du JSOC sont membres, ou au moins sympathisants, des Chevaliers de Malte ».

Hersh faisait sans doute référence à l’Ordre Souverain de Malte, une organisation catholique romaine vouée à la défense de la foi et l’assistance aux pauvres et aux malheureux, » selon son site internet.

“Beaucoup d’entre eux sont membres de l’Opus Dei,” a poursuivi Hersh. « Ils savent bien ce qu’ils font – et ce n’est pas une attitude atypique de quelques militaires – c’est, au pied de la lettre, une croisade. Ils se voient eux-mêmes comme les protecteurs des Chrétiens. Ils les protègent contre les Musulmans comme au 13ème siècle. Et c’est leur fonction. »

“Ils ont des signes discrets d’appartenance, ces pièces de monnaie qui circulent de l’un à l’autre, qui sont de pièces de croisés » a-t-il poursuivi. « Ils ont des insignes qui reflètent bien l’idée que c’est une guerre culturelle… En ce moment, il y a un énorme, un immense sentiment anti musulman dans la communauté militaire. »
Hersh a rapporté avoir récemment discuté avec “un homme du milieu des renseignements… quelqu’un en rapport avec les activités du JSOC”  de la chute de Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie. « Il disait, ‘Oh mon Dieu, c’était un si bon allié. »

"La Tunisie va changer la donne," a ajouté ensuite Hersh. "Ca va flanquer la frousse à plein de gens."

Evoquant le Pakistan, Hersh, après avoir rappelé ses liens amicaux avec benazir Bhutto, a parlé d'une rencontre lors d'un dîner avec Asif Ali Zardari, l'époux de la premier ministre disparue, au cours de laquelle Hersh a affirmé que le président du Pakistan avait manifesté brutalement son dédain pour son propre peuple.

Hersh a décrit un voyage qu'il avait fait dans le Swat où l'armée pakistanaise venait juste de déloger des insurgés Talibans qui s'étaient emparé de cette vallée pittoresque, un leu de villégiature traditionnel pour la classe moyenne citadine. Hersh a expliqué avoir interrogé Zaradari sur les villages de tentes qu'il avait vus le long de la route et où des gens vivaient dans des conditions difficiles et insalubres.

"Eh bien, ces gens ici au Swat, c'est ce qu'ils méritent," avait répliqué le président Pakistanais, selon Hersh. A la question du pourquoi, Zardari avait répondu, selon Hersh, "Parce qu'ils ont soutenu les Talibans." (Note: cette conversation de Hersh n'est pas rapportée dans son article de 2009 du New Yorker sur les armes nucléaires pakistanaises, probablement parce qu'elle n'était pas vérifiable).

Le journaliste chevronné a également soutenu que le chef de poste de la CIA à Islamabad, qui a été récemment rappelé après l'apparition de son nom dans des documents judiciaires pakistanais et dans la percutante presse pakistanaise, avait été en fait limogé pour avoir contesté les plans du général David Petraeus qui a pris en mains l'été dernier la guerre en Afghanistan après la mise à l'écart expéditive du général McChrystal.

Selon Hersh, "Au moment où Petraeus faisait un rapport très optimiste qu'il remettait au président en décembre, le chef de poste venait tout juste de déclarer à l'interne que ce rapport faisait fausse route. Il avait simplement dit: 'C'est du total aveuglement. Cette politique fait fausse route.' Il est sorti des clous. On l'a sorti."

"J'ai cessé de me faire des illusions sur la CIA, a déclaré Hersh. "Ils sont entraînés à mentir, un point c'est tout. Ils mentiront à leur président, ils mentiront certainement au Congrès, et ils mentiront au peuple américain. C'est tout simple."

Hersh s'exprimait à l'invitation de la Georgetown University's School of Foreign Service qui possède un campus annexe au Qatar.

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