vendredi 5 août 2011

Les ambiguïtés de la déclaration de l'ONU sur la Syrie


Personne ne sait comment va évoluer la situation en Syrie, pas plus le régime syrien que les dirigeants auto-désignés de la « communauté internationale », ceux-là même qui font régner justice et paix en Libye, en Afghanistan, en Irak et en Somalie.
Bien sûr, la répression exercée par le gouvernement syrien contre une population qui aspire à plus de démocratie suscite l’indignation un peu partout et, bien entendu, chez ces mêmes policiers du vice et de la vertu.
Pas question cependant pour ces derniers de faire feu de tout bois afin de monter une expédition punitive ainsi qu’il a été fait contre la Libye où pourtant la répression exercée par le colonel Kadhafi n’avait certes ni l’ampleur, ni la brutalité de ce qui se passe en Syrie.
Les représentants auto-proclamés de la communauté internationale ont cependant accentué leurs efforts pour que l’ONU prenne position sur les événements en Syrie. Le résultat de ces efforts est une déclaration du Conseil de Sécurité à laquelle ont adhéré des pays comme la Russie ou l’Inde. L’adoption de cette déclaration a été saluée par les mêmes représentants auto-désignés de la communauté internationale mais on a quelque peine à comprendre pourquoi quand on lit cette anlalyse succinte et très précise de son contenu par David Bosco

par David Bosco, Foreign Policy (USA), 3 août 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri
Lé déclaration sur la Syrie adoptée aujourd’hui par le Conseil de Sécurité est annoncée comme un signal tardi mais néanmoins très fort indiquant au régime syrien que la communauté internationale est bientôt à bout de patience avec le régime d’Assad. On peut la lire de cette manière. Le Conseil « condamne les nombreuses violations des droits de l’homme et l’usage de la force contre les civils par les autorités syriennes ». L’accord de la Chine, de la Russie et de l’Inde pour soutenir cette condamnation est important.
Mais la déclaration envoie également d’autres signaux. Elle avertit explicitement contre la perpétration d’attaques contre des institutions gouvernementales. Du point de vue du Conseil de Sécurité, une révolte à grande échelle du peuple syrien contre le gouvernement – un régime qui tue des contestataires depuis des semaines - n’est pas justifiée. La déclaration du Conseil insiste aussi pour dire que la « seule solution à la crise actuelle en Syrie passe par un processus politique inclusif conduit par les Syriens eux-mêmes. »
La signification évidente est qu’une intervention étrangère n’est pas une solution.Le Conseil accepte de reconnaître que le gouvernement d’Assad est allé trop loin. Mais il ne veut pas reconnaître le droit des Syriens à écarter par la force leurs dirigeants répressifs et il l’accepte pas le droit d’intervenants étrangers à les aider à le faire.
Pour apprécier le contenu de cette déclaration, il  faut quand même se souvenir que la Syrie ne fait pas précisément partie des pays alliés de l’Occident, des Etats Unis tout particulièrement. Les pays occidentaux, France et Etats Unis en tête ont tout fait pour obtenir le départ des troupes syriennes du Liban à la faveur d’une pseudo-enquête sur l’assassinat du premier ministre Libanais, Rafiq Hariri. C’était avant que "l’enquête", inexplicablement, s’oriente vers la responsabilité du Hezbollah ! Par ailleurs, la Syrie fait l’objet depuis longtemps de toute une série de sanctions unilatérales de la part des Etats Unis, sanctions qui ont plus rapport à la protection du sionisme qu'à celle des droits de la population syrienne.
Pourtant, cette ambiguïté relevée par David Bosco est celle-là même qui caractérise les relations entre les puissances occidentales et la Syrie. Bachar el-Assad n’était-il pas présent à Paris un certain 14 juillet pour assister au défilé sur les Champs-Elysées?  Si ce n’est pas une marque d’estime, qu’est-ce que c’est ? Et si on remonte un peu plus loin dans le temps, à l’époque de la première guerre du Golfe, on se souvient que l’armée syrienne se tenait aux côtés de celles des Etats Unis, de la France etc. dans l’opération militaire contre l’Irak.
Ce qui se joue en ce moment en Syrie est d’une importance politique et stratégique considérable, bien plus qu’en Libye où les conséquences de la guerre affligent surtout, outre les Libyens, ces Etats d’Afrique dont personne n’a cure en réalité. Alors que  le sort de la Syrie peut avoir un impact sur la paix ou la guerre dans une région d’une importance considérable en termes d’approvisionnement pétrolier, et que cette paix ou cette guerre pouvant mettre en cause le destin de l’entité sioniste si chère au cœur de tous ceux qui préfèrent voir les Juifs ailleurs que chez eux.
En fait personne ne souhaite un changement brutal de régime en Syrie qui verrait arriver au pouvoir des forces susceptibles de vouloir en découdre sérieusement à plus ou moins brève échéance avec le régime sioniste. Ce dernier se satisfait assez bien d’un régime baathiste de plus en plus faible qui n’est ni disposé, ni en capacité de faire la guerre à son belliqueux voisin. Les incursions et agressions répétées et impunies des forces aériennes sionistes au cœur du territoire syrien, et à Damas même l’ont amplement démontré.
Du point de vue occidental, l’objectif n’est bien entendu pas l’instauration de la démocratie en Syrie, pas plus que l’Occident n’avait cet objectif en Tunisie et en Egypte. Le problème étant que les Etats Unis ne disposent pas (pas encore ?) en Syrie des leviers leur permettant de limiter les dégâts comme ils ont pu le faire en Tunisie et en Egypte. Et ce que cherche l’Occident, Etats Unis en tête, c’est moins un changement de régime qu’une rupture de l’axe Damas-Hezbollah libanais et de l’axe Damas-Téhéran qui leur permettrait d’isoler l’Iran de manière décisive et de dominer complètement la région.
Des perspectives qui n’enchantent guère des pays comme la Russie mais surtout la Chine et l’Inde, ces deux derniers Etats dont les besoins énergétiques vont croissant se retrouveraient alors à la merci du bon vouloir des Etats Unis dans leur stratégie de développement et d’implantation au Proche Orient.

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