lundi 11 juillet 2011

Sur les troubles en Syrie

Les événements en cours en Syrie sont un des faits marquants de l’actualité internationale, d’autant plus que ce pays joue un rôle important dans l’échiquier politique régional du proche Orient. Comme en Egypte ou en Tunisie, le pouvoir en place se trouve face à une revendication démocratique aiguisée par des difficultés économiques qui n’ont fait que stimuler le mécontentement..
A ces revendications de nature politique, le gouvernement du président Bachar Assad a opposé une répression brutale exercée par sa police, mais aussi par l’armée qui est allée jusqu’à déployer des forces blindées dans ou autour de certaines villes.
Le bilan des pertes humaines est de fait élevé, plus d’un millier de morts (1400 ?) chez les opposants au régime ou tout simplement des personnes qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.
Si la violence de la répression est incontestable et inadmissible, ce bilan est cependant à mettre au regard de celui des pertes parmi les forces de sécurité, police ou armée : 348..
Nous sommes donc en présence d’une contestation en réalité multiforme animée par des acteurs différents : des partis et/ou une fraction importante de la société qui posent clairement un défi démocratique au régime baathiste, mais aussi des organisations structurées qui ont engagé dès le départ la lutte armée.
Tout cela sur fond de tensions entre des tenants d’une ligne dure au sein du régime et un président Bachar Assad qui a donné quelques temps le sentiment d’être désorienté voire même surpris par la dureté de la réaction de ses propres services de sécurité.

Il reste que ce qui se passe en ce moment  sur la scène internationale est emblématique du rapport que les puissances occidentales entretiennent avec ce qu’il est convenu d’appeler le « printemps arabe ». Car si nous avons en effet une condamnation apparemment sans appel de la brutalité de la répression exercée par les forces gouvernementales à l’encontre de ceux qui contestent le pouvoir et demandent une démocratisation du système politique, il n’est nullement question de sanctionner lourdement le régime syrien (qui fait de toutes façons déjà l’objet de toute une panoplie de sanctions de la part des Etats Unis)
Vous me direz que Bernard-Botul-Henri Lévy s’est emparé de ce sujet et a même organisé une conférence de solidarité avec l’opposition syrienne en présence de Mlle Fadela Amara, excusez du peu !
Au-delà du fait que cette conférence a été un fiasco compte tenu de la faible représentation des organisations d’opposition les plus influentes, il faut observer que, contrairement au précédent libyen, la clique réunie par  Bernard-Botul –Henri Lévy  (de Jean-François Copé à Bertrand Delanoe, ce dernier qui soutenait la dictature en Tunisie) n’appelle pas à une action militaire de l’OTAN guidée par la Sarkozie contre le régime de Damas.
Si Bernard-Botul-Henri Lévy ne le fait pas, ce n’est pas seulement parce que la Syrie est un morceau plus difficile à avaler militairement que la Libye. C’est tout simplement parce que notre philosophe chevelu sait que l’entité sioniste, qui est l’Etat qui lui tient le plus à cœur, n’a pas trop envie d’un changement de régime à Damas. En effet, Tel Aviv préfère traiter avec le régime baathiste dont il n’a pas grand-chose à craindre qu’avec un gouvernement dirigé par une variante du Hamas, cette dernière étant, dans le scénario cauchemar, élue démocratiquement comme ce fut le cas à Gaza.
Selon moi, Bernard-Botul-Henri Lévy n’avait qu’un seul objectif en offrant son pseudo-soutien à l’opposition syrienne : la discréditer auprès d’une partie de l’opinion syrienne et arabe.
C’est en gros le même objectif qu’ont recherché les ambassadeurs des Etats Unis et de France qui se sont rendus à Hama, suscitant le mécontentement parait-il des autorités syriennes.
J’écris « parait-il » parce que le Daily Star de Beyrouth n’y croit pas une seconde et considère que ces diplomates n’ont pu se rendre dans cette agglomération cernée par l’armée syrienne qu’avec un accord sous une forme quelconque du gouvernement de Damas. Et les protestations du gouvernement syrien font bien entendu partie du jeu… Les manifestations d’hostilité des habitants de Damas sont précisément le tout premier résultat escompté. La France pourra se targuer encore une fois d’être visée pour sa défense des droits de l’homme !
Le Daily Star nous rappelle avec raison que ce qui guide l’action des puissances étatiques, n’est rien d’autre que ce qu’on appelle l’intérêt national. Et c’est en fonction de ce qu’elles perçoivent comme étant de leur intérêt, y compris par rapport à des motifs de politique intérieure comme on l’a vu avec Nicolas 1er à la poursuite des lauriers de la gloire,  que les puissances agissent, interviennent militairement ou pas.
Dans ce processus de décision, intervient bien entendu un calcul risque-bénéfice. C’est pour des raisons d’intérêt et parce que le rapport risque-bénéfice paraissait intéressant que la France et d’autres pays membres de l’OTAN ont jugé utile d’intervenir militairement en Libye. On se souviendra par ailleurs, que l’Italie, pays le plus exposé par sa position géographique aux contrecoups d’une intervention militaire et possédant le plus d’intérêts en Libye (et donc ayant le plus à perdre) n’était pas franchement favorable à une action de ce genre.
Dans le cas de la Syrie, personne (sauf peut-être le peuple syrien), n’a intérêt à un changement de régime qui précipiterait le pays et la région dans l’inconnu. Comme on l’a dit, l’entité sioniste se satisfait parfaitement du régime actuel à Damas, les Etats Unis aussi d’ailleurs qui avaient pu apprécier la présence de soldats Syriens lors de la première guerre contre l’Irak, ainsi que les services de Damas en matière de torture.
Par contre, les Etats Unis comme le régime sioniste ont intérêt à une Syrie affaiblie et, surtout, qui prendrait ses distances avec le Hezbollah libanais d’une part, et le régime iranien d’autre part.
Tels sont les objectifs stratégiques que poursuivent les Etats Unis en Syrie et c’est également ce que souhaitent les philosophes de la mouvance sioniste comme Bernard-Botul-Henri Lévy.



Par la rédaction du Daily Star, Daily Star (Liban) 9 juillet 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

Un jeu se met en place en Syrie, mais il n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser.
Les Etats Unis, les pays européens et arabes sont tous impliqués, mais le développement le plus remarquable est intervenu cette semaine, quand les ambassadeurs de France et des Etats Unis en Syrie se sont rendus dans la ville de Hama pour montrer leur solidarité avec le soulèvement populaire dans cette ville.
Il serait naïf de penser que les ambassadeurs auraient fait ce déplacement sans s’assurer au préalable d’une certaine forme d’assentiment officiel du gouvernement syrien.

Les pays européens et les Etats Unis ont affirmé de manière répétée leur désapprobation et leur condamnation de la brutale répression de la contestation par le gouvernement mais, pour l’instant, il y a eu beaucoup de fumée sans feu.

Washington a exhorté le président Syrien Bachar Assad à entreprendre des réformes politiques, mais Assad a été en mesure de prétendre qu’il est aussi le champion d’un tel mouvement vers les réformes. Si on en juge par les actions de l’Europe et des USA jusqu’à présent, le régime syrien n’est pas en danger.

Le problème tient au deus poids deux mesures du monde extérieur par rapport aus effusions de sang qui ont marqué le monde arabe ces six derniers mois..
La communauté internationale n’a pas agi, n’est pas disposée à agir et n’agira pas sur la base des grands principes moraux, mais plutôt sur la base du pur intérêt politique.
Les populations de cette région du monde sont souvent trompées par la rhétorique des officiels étrangers, croyant que de nouvelles évolutions importantes sont peut-être en cours, alors qu’en réalité le véritable message est du genre « business as usual. ».
Les Etats Unis soutiennent de nombreux régimes dans le monde avec un passif en matière de droits de l’homme qui aurait, dans u autre contexte, déclenché la sonnette d’alarme.
Les peuples arabes, et leurs gouvernements, devraient se faire beaucoup de souci lorsqu’ils entendent qu’ils ont le soutien du monde extérieur, ou qu’ils n’ont pas le soutien du monde extérieur.

La situation en Libye ne devrait pas être prise comme un indice de quoi que ce soit de significatif quand on en vient à un pays comme la Syrie. Le départ du dirigeant Libyen Mouammar Kadhafi ne laissera pas un important vide politique régional [je ne serais pas aussi affirmatif vu les graves conséquences pour l'Afrique, NdT], tandis que le départ d’Assad et de son gouvernement aura des répercussions significatives dans les pays voisins, que ce soit en Irak, au Liban ou ailleurs. Pour l’instant, Washington apporte un soutien tacite à Assad, malgré les flashs d’informations qu’on peut entendre de temps en temps. Les Etats Unis ne sont pas en position de faire la démarche risquée consistant à choisir un camp, et ils sont conscients que le gouvernement d’Assad, à sa manière, offre le genre de « sécurité » que Washington et d’autres capitales étrangères sont désireuses d’avoir.

La plus importante leçon de cette semaine est que les peuples arabes qui se lancent dans de courageuses protestations publiques devraient se concentrer sur les conditions intérieures de leurs actions. Ils ne devraient pas compter sur le monde extérieur pour les aider, parce que l’histoire a montré que seuls les intérêts, et rien d’autre, guident ce genre de politiques.

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