vendredi 14 mai 2010

Questions à deux balles pour un ovule

Il a été ici plusieurs fois questions de l’ambigüité du statut du judaïsme : religion, race, nationalité… Cette ambigüité est liée au fait que cette religion se transmet par la lignée maternelle. La condition nécessaire et suffisante pour être considéré comme juif aux termes de la loi halachique (loi juive) est en effet d’être né d’une mère juive.
Il reste pourtant possible de se convertir au judaïsme… C’est souvent compliqué mais possible même si l’intégration complète dans l’univers juif n’est pas toujours garantie pour autant. Ce qu’ont montré certaines difficultés rencontrées par des parents d’élèves au Royaume Uni, où les déboires de ces femmes dont la conversion a été annulée.
D’où aussi le risque d’holocauste par le mariage.
Aujourd’hui, ce sont les techniques de reproduction assistée faisant intervenir un don d’ovules qui remet cette question à l’ordre du jour. En effet, mère juive, donc bébé juif, pas de problème sauf quant le don d’ovules est effectué par une femme non juive.
Nous avons d’une part la mère biologique (non juive) et la mère qui a porté l’enfant (juive). Question à deux balles : l’enfant est-il juif ou pas ?
Dans un premier temps, le rabbinat a semblé s’accorder sur la caractère juif de l’enfant conçu et porté de la sorte. La chose est cependant en train d’évoluer puisqu’une conférence rabbinique tenue en janvier considère que le statut de mère revient à celle qui a donné ses ovules et que donc le caractère juif de l’enfant dépendra de la religion de cette mère. Celle qui a porté l’enfant pendant neuf mois étant définie comme un «incubateur.»
Nouvelle question à deux balles : comment peut-on concevoir que comme le veut la tradition juive, « la foi est transmise par la mère à l’enfant », en dehors, faut-il le préciser, de tout apport éducatif préalable ?
Si, comme le dit le rabbin Edward Reichman « le judaïsme n’est pas une religion génétique » (mais existe-t-il des religions génétiques et pourrait-on appeler religion quelque chose qui se transmet par les chromosomes ?), on peut à tout le moins dire qu’il s’agit d’une religion qui est restée bloquée, dans sa tendance orthodoxe, à une étape à mi chemin du stade tribal et du stade de l’universalité.



Le traitement de la stérilité devient plus compliqué
Certains rabbins affirment maintenant que la religion de la donneuse d'ovule est ce qui compte le plus
par GABRIELLE BIRKNER, Wall Street Journal (USA) traduit de l'anglais par Djazaïri

De quoi un enfant Juif a-t-il le plus besoin de la part de sa mère? Oubliez la soupe au poulet - tout est une question d'œufs, affirment de plus en plus nombreux d'éminents rabbins. Certaines décisions rabbiniques récentes sur le traitement de l'infertilité stipulent qu'un enfant conçu in vitro n'est juif que si l'ovule provient d'une femme juive.

Ce problème est plus urgent en Israël, en partie parce que des restrictions sévères sur le don d'ovule ont longtemps contraint des femmes stériles à se procurer des ovules à l'étranger où la plupart des donneuses ne sont pas juives. Mais des décisions en Israël qui favorisent la mère génétique par rapport à celle qui porte l'enfant sont également susceptibles d'augmenter la demande déjà élevée pour des ovules juifs aux Etats Unis, et pourraient remettre en cause le statut religieux de centaines d'enfants nés de femmes juives dans le monde.

Les tendances traditionnelles du judaïsme considèrent que la foi est transmise par la mère à l’enfant. Encore récemment, les autorités rabbiniques orthodoxes reconnaissaient généralement la mère qui donne naissance comme le parent qui donne le statut religieux de sa progéniture. Mais à la conférence de janvier du Puah Institute, le rabbin Mordechai Halperin a déclaré que le curseur de l’opinion rabbinique s’était déplacé vers l’attribution du statut maternel à la donneuse d’ovule. Puah apporte des services au niveau international aux Juifs qui veulent s’assurer que leurs traitements contre la stérilité sont conformes à la loi religieuse.

Ces dernières années, quelques décideurs rabbiniques bien connus – Yosef Shalom Elyashiv, Avraham Sherman et feu Meir Brandsdorfer entre autres – ont émis des décisions qui considèrent la mère qui donne naissance en tant que “incubateur” et son ventre comme un “instrument externe.” Même si ces décisions émanent d’Israël, elles exercent une emprise sur de nombreux Juifs ultra-orthodoxes ailleurs.

“Le judaïsme n’est pas une religion génétique pour la raison simple qu’elle accepte des convertis,” explique Edward Reichman, un rabbin également médecin qui enseigne l’éthique médicale juive à la Yeshiva University. “Dans le même temps, on a besoin d’une définition légale de la maternité  et on comprend que le contributeur génétique puisse être considéré comme la mère de cet enfant.”

Un des plus éminents arbitres du rabbinat orthodoxe aux Etats Unis, le rabbin Moshe Tendler n’est pas d’accord. Il considère que les récentes décisions prises en Israël sont erronées. “Les gènes n’apportent que le plan directeur et, pendant neuf mois le travail est fait par la mère qui porte l’enfant.” Le rabbin Tendler déclare: “Au moment où la mère qui porte l’enfant accouche, la donneuse d’ovule pourrait être à la plage à Miami.” Pourtant, le rabbin Tendler indique faire chaque année une poignée de conversions de bébés nés de femmes juives qui ont recouru à des ovules non juifs ; simplement pour écarter les doutes sur la religion de l’enfant.

A la conférence de Puah, le rabbin Halperin – qui est responsable de l’éthique médicale au ministère israélien de la santé – a appelé le parlement israélien à agir rapidement pour réduire les restrictions au don d’ovule. Dans le cadre légal actuel, seule une femme déjà en cours de traitement pour la fertilité peut donner ses ovules, mais une nouvelle loi doit être soumise à la Knesset qui autoriserait beaucoup plus de jeunes femmes israéliennes à donner. Dans un effort pour obtenir le soutien des factions ultra-orthodoxes de la Knesset, la loi a aussi une disposition exigeant des femmes qui suivent un traitement contre la stérilité en Israël de ne le faire qu’avec des ovules provenant d’une femme de la même religion.

Le débat a soulevé de délicates questions éthiques. “L’idée qu’il existerait un sang juif est très déplaisante,” affirme Zev Chafets, un ancien porte parole du gouvernement qui a aussi écrit au sujet de la médecine de la reproduction en Israël. Quand des gens font une telle distinction, dit-il, “il n’est plus question de science mais de race. Ca veut dire “Nous ne voulons pas des gens qui ne sont pas de notre communauté, et notre critère est celui du sang.”

Une Israélienne orthodoxe qui avait donné naissance à deux enfants au moyen d’ovules provenant d’une donneuse non juive à Chypre m’a dit s’être sentie trahie par les décisions rabbiniques en faveur de la génétique. « Quelle horreur pour nous que les rabbins nous aient dit une chose » - que les enfants qu’elle a portés seraient Juifs – « et que maintenant certains rabbins disent autre chose… Soit c’est casher, soit ça ne l’est pas. »

Cette femme ne veut pas être identifiée car elle n’a pas encore expliqué à ses jeunes enfants comment ils ont été conçus et parce qu’elle craint qu’avec leur statut religieux désormais remis en question, les enfants soient exclus de leur école orthodoxe. Elle s’inquiète aussi des difficultés qu’ils pourraient avoir, l’âge du mariage venu, à trouver un conjoint ou un rabbin orthodoxe pour célébrer leur union.

 “Je ne peux pas dire que ses craintes soient infondées,” affirme le rabbin Reichman. Il parvient à imaginer un scenario dans lequel un rabbin retenu pour célébrer un mariage demanderait aux fiancés comment ils ont été conçus afin de s’assurer que tous deux sont juifs conformément aux normes les plus strictes.”

 “Si nous profitons de cette technologie, une de ses conséquences est qu’il y aura des gens qui n’accepteront pas une décision rabbinique, ce qui pourrait avoir un impact sur le choix du conjoint,” dit-il. “J’espère que ce ne sera pas un problème mais il est raisonnable de penser que c’est une possibilité.”

Gabrielle Birkner est web rédactrice du magazine Forward et fondatrice de son blog  “questions féminines”, The Sisterhood.

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