lundi 16 avril 2012

'Rendez nous notre révolution': un article important sur la Syrie


 Je vous le livre tel quel, pas le temps de faire un commentaire, je vous laisse ce soin.
Mais à mon avis, quelle que soit la position qu’on peut avoir sur la Syrie, c’est un article important, où du moins qui sort de l’ordinaire qu’on lit habituellement dans la presse occidentale.

De nombreux militants qui avaient lance le soulèvement en Syrie il y a plus d’un an ont le sentiment que leur démarche pacifique pour le changement a été détournée par les rebelles de l’Armée Syrienne Libre. Ils se réunissent aujourd’hui au Caire.
par Gert van Langendonck, Sarah Lynch, Christian Science Monitor (USA), 16 avril 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le militant Syrien Mohamed Alloush a fui son pays pour le Liban, mais ce n’est pas le régime du président Bachar al-Assad qui l’a poussé à partir. Ce sont les rebelles de l’Armée Syrienne Libre qui l’ont expulsé de sa ville natale d’Homs.

“En septembre de l’année dernière, j’ai été arrêté une nouvelle fois par les autorités pour avoir organisé des manifestations, » explique M. Alloush assis à la terrasse d’un café à Beyrouth. «Après qu’elles m’eurent libéré, je suis allé vers un groupe d’hommes que je savais appartenir à l’Armée Syrienne Libre. Je suis allé vers eux et je leur ai crié : « Vous les gars, vous avez volé notre révolution ! Vous êtes aussi mauvais que les shahiba,» la milice pro-régime en Syrie.

Les rebelles ont séquestré Alloush pendant quatre jours, puis lui ont dit de qu’on ne voulait plus le voir à Homs.

Alloush appartient au mouvement de jeunes révolutionnaires qui ont lance la contestation contre le régime d’Assad en mars de l’an dernier au lendemain de soulèvements semblables en Tunisie et en Egypte. Ils se sentent marginalisés par la tournure violente que le conflit a prise en Syrie depuis que l’Armée Syrienne Libre (ASL) s’est constituée l’été dernier. Organisation armée formée majoritairement d’anciens soldats qui ont déserté l’armée gouvernementale, des informations indiquent qu’elle collabore aussi avec des djihadistes sunnites et nombre de ses brigades ont adopté un ton de plus en plus sectaire.

« Notre révolution nous a été volée par des gens qui ont leur propre programme, » explique un chanteur qui parle sous le pseudonyme ‘Safinas’ parce qu’il vit toujours à Damas. « Nous ne sommes pas un peuple violent. Nous voulons revenir à la vraie révolution. C’était quelque chose de propre quand ça a commencé, mais c’est devenu autre chose maintenant. Je suis contre lé régime, mais je suis aussi contre les rebelles en armes.»

Plus de 200 militants Syriens [pour un processus] pacifique se sont réunis au Caire jusqu’à demain pour une conférence dont l’objectif est d’unifier les révolutionnaires autour d’un objectif commun : revenir aux manifestations non violentes de l’été dernier. S’ils reconnaissent que l’ASL a créé une dynamique significative, avec l’appel du Qatar et de l’Arabie Saoudite à la communauté internationale pour qu’elle arme les rebelles, ils voient une possibilité de retournement de la dynamique en faveur des militants non violents si le cessez-le-feu négocié par Kofi Annan pour l’ONU est respecté.

“Le plan de M. Annan est notre principal espoir à ce stade et nous essayons de faire en sorte que tout le monde s’y conforme,” déclare Haytham Khoury, un membre de la Plateforme Syrienne Démocratique qui participe à la conférence.
« Nous contactons d’autres organisation d’opposition, nous essayons de donner espoir aux gens à travers les media » pour faire passer l’idée que «c’est une étape positive pour épargner des vies et retourner à une révolution complètement pacifique.»

Le régime syrien a suspend les actions militaires à partir du 12 avril, mais des informations sur de nouveaux bombardements aujourd’hui soulignent la fragilité du cessez-le-feu dont le but est de mettre fin aux violences qui ont tué plus de 9 000 personnes depuis que le soulèvement a éclaté. Devant les difficultés rencontrées par la communauté internationale pour faire cesser la brutale répression par le gouvernement, certains Syriens voient l’ASL comme leur seule option pour obtenir la liberté.

“Franchement, nous ne comptons plus” sur la communauté international, déclare via Skype un militant à Damas qui se présente sous le pseudonyme Mar. «Vous nous avez laissés tomber. L’ASL est notre seul espoir de salut maintenant.»

Le gouvernement d’Assad a caractérisé le soulèvement comme étant largement l’œuvre de bandes armées et de terroristes. L’activité de l’ASL, qui a été accusée de violations des droits de l’homme dans sa lutte contre le régime, a compliqué ce qui avait commencé comme une révolution dans laquelle les masses exigeaient pacifiquement mais avec persistance des réformes politiques, comme les Egyptiens l’ont fait place Tahrir.

Certains disent que le régime d’Assad craint plus le changement politique que l’insurrection armée.

«Le régime craint plus les manifestants non violents que les islamistes armés. C’est pourquoi la plupart d’entre eux ont été obligés de quitter le pays ou sont en prison, » explique Yara Nseir, qui a été forcée de fuir la Syrie l’été dernier après avoir été emprisonnée 18 jours pour avoir distribué des tracts. « Ils [les dirigeants du pays] voulaient que ça devienne un soulèvement armé parce qu’ils peuvent alors dire au monde qu’ils combattent contre des terroristes. 

Le ministre Turc des affaires étrangères Ahmet Davutoğlu a tenu des propos très parlants lors d’une conférence de presse à Istanbul le 13 avril, quand on lui a demandé si « le régime syrien avait peur de sa propre [place] Tahrir.» Il a répondu, « C’est ce que nous pensions dès le tout premier jour. »

«Je leur ai dit en face qu’ils sont des criminels

Alloush, qui a fui au Liban pour échapper à l’ASL, était parmi les premiers militants qui ont organisé des manifestations contre lé régime à Homs quand le soulèvement a commencé en mars 2011.

“A l’époque le régime aurait pu armer des provocateurs pour qu’ils se mêlent aux manifestants afin d’avoir une excuse pour tirer sur nous. Eh bien, ils n’ont plus besoin de le faire : l’ASL leur a donné la parfaite excuse pour continuer à tuer des gens. »

En février, Alloush est rentré à Homs clandestinement. Il a fait le tour des mosquées de la ville pour persuader les imams de prêcher contre le recours à la violence. Quand l’ASL s’est aperçue qu’il était en ville, il a pris à nouveau la fuite vers le Liban voisin.

Un autre jeune militant Syrien, qui se présente sous le pseudonyme Yusuf Ashamy, s’est attiré également les foudres de l’ASL.

M. Ashamy se trouvait à Tripoli au nord Liban le mois dernier pour demander à l’ASL de l’aide pour acheminer une cargaison de produits médicaux pour des villes syriennes assiégées au moment où Human Rights Watch publiait un rapport sur de graves violations des droits de l’homme commises par les rebelles Syriens.

Dans une lettre ouverte aux chefs de l’opposition syrienne, Human Rights Watch citait « les preuves de plus en plus nombreuses d’enlèvements, de torture et d’exécutions commis par des membres de l’opposition syrienne armée. »
 «Je leur ai dit en face qu’ils sont des criminels s’ils font de telles choses, et qu’ils connaissent le sens du mot liberté, » déclare Ashamy.

Ashamy s’est entendu dire qu’il ferait mieux de ne plus se montrer à nouveau à Tripoli s’il voulait rester en vie.

“Ils ont tout gâché,” dit Ashamy en parlant de l’ASL. « Au début, nous étions tous des Syriens. Mais lors de mon dernier passage à Homs [fin 2011], j’ai trouvé que les gens sur place n’avaient aucune idée de ce qui se passait ailleurs dans le pays. Ils voient les choses comme une insurrection strictement sunnite, et on m’a accusé d’être un espion parce que j’ai des origines familiales druzes.»

Pourquoi le soulèvement a reflué

Récemment, certains militants ont créé une nouvelle organisation pour faire revivre les manifestations pacifiques des premiers jours de la révolution.

“Nous sommes encore nombreux à vouloir une révolution pacifique,” explique depuis Damas via Skype une militante qui se fait appeler Céline. «Mais depuis que c’est devenu un conflit armé, beaucoup de gens qui avaient de la sympathie pour notre cause ont abandonné.»

Organiser des manifestations est aussi devenu plus dangereux. « En ce moment, nous ne parlons qu’à des personnes que nous connaissons très bien, » explique Céline.

En conséquence, les manifestations sont devenues plus petites. Céline décrit une action récente.

«Nous étions d’accord pour nous réunir à un carrefour stratégique du centre de Damas. Certains d’entre nous ont fait brûler des pneus, tandis que d’autres scandaient des slogans. Le tout n’a pas duré plus de cinq minutes. Des passants voulaient nous rejoindre, mais nous étions déjà partis.»

Ce n’est peut-être pas grand chose, «mais c’est très important que nos voix soient entendues. Et nous faisons en sorte que nos manifestations soient filmées et que les vidéos soient envoyées aux media.»

On a besoin de leaders pour ‘cette période très sensible’

Le Conseil National Syrien (CNS), l’organisation qui chapeaute l’opposition, est suppose fournir un canal pour travailler à un changement politique. Mais même Mlle Nseir, qui est la porte parole du CNS en Syrie le considère comme trop aligné sur l’ASL pour offrir une réelle alternative à la rébellion armée.

« Le CNS prétend être représentatif du people syrien. C’est tout simplement faux,» explique Nseir. « Ils ne parlent que d’armer les rebelles. Ils ne parlent jamais de résistance non violente et ils ne parlent certainement pas au nom de la majorité silencieuse qui ne soutient ni le régime ni les rebelles en armes.»

Nseir a envisagé de démissionner du CNS comme d’autres l’ont fait,” mais on m’a persuade de rester et d’essayer de changer les choses de l’intérieur.”

Elle a mis ses espoirs dans la conférence du Caire. «Nous espérons nous mettre d’accord sur un message derrière lequel toute personne opposée à une plus grande militarisation du conflit pourra se rallier.»

“L’opposition: Elle doit résoudre le problème,” affirme Ali  Ali, un militant Syrien qui s’est fortement impliqué dans l’organisation du soulèvement du pays et qui réside actuellement au Caire où il assiste à la conférence.
“Les gens qui manifestent dans les rues ne doivent plus verser leur sang et ont besoin d’une véritable opposition  pour gérer cette période sensible, » dit-il, ajoutant que comme le régime, l’opposition a la responsabilité du sang qui coule tous les jours en Syrie » et de trouver un moyen de faire cesser la violence.

«Cette conférence est une arène pour débattre de toutes les idées et visions politiques, » explique le militant Syrien Orwa Al-Ahmed, qui réside actuellement à Dubaï. « La plupart des gens sont pour une initiative pacifique. Mais pour y arriver, il faut l’implication d’autres leaders et visions politiques.»

Les militants ne sont pas naïfs : ils savent qu’on ne peut pas revenir à la situation de l’été dernier, avant que le soulèvement devienne violent. Mais ils restent déterminés à œuvrer à des solutions pacifiques.

“Il n’y a pas de retour en arrière,” déclare Alloush. « L’ASL est une réalité et nous devons l’accepter. Mais cela ne signifie pas que nous devons les accepter comme leaders de cette révolution. Je connais ces gens, et je sais que beaucoup d’entre eux veulent transformer la Syrie en république islamique. S’ils en ont l’occasion. »

L’opposition syrienne a appelé à des manifestations de masse ce vendredi pour tester le plan de paix de M. Annan. Une des conditions du plan est que le régime autorise la liberté de réunion.

 «Nous avons une fenêtre étroite, mais le temps est contre nous, » affirme le militant Safinas. « Nous luttons contre deux régimes et deux armées maintenant.»

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