Après
un retard à l'allumage qui en dit long, la presse et la classe
politique françaises mettent les bouchées doubles pour condamner les
propos racistes tenus à l'encontre de Mme Christiane Taubira, ministre de la justice du gouvernement Ayrault. Est particulièrement visée la une du magazine d'extrême droite "Minute".
Des
poursuites seraient engagées par le premier ministre contre le magazine
en question. Sans aller jusqu'à préjuger de la tournure que prendra la
procédure judiciaire, il y a quand même fort à parier qu'elle
débouchera sur un non lieu étant donné que la une de Minute emploie deux
expressions tout à fait banales dans le parler français: "malin comme
un singe" et "avoir la banane".
Après,
il faut aller voir le contenu rédactionnel. Je n'ai personnellement pas
l'intention d'aller jusque là quoique, comme le disait Pierre
Desproges:
"Il est plus économique de lire Minute que Sartre. Pour le prix d'un journal, on a à la fois La Nausée et Les Mains sales"
Si
on n'en reste pas au stade de l'émotion, réelle ou feinte, on a quand
même quelque peine à voir ici une lame de fond qui permettrait à la
France d'éviter de connaître à nouveau certains errements tels que ceux
qui ont marqué le déplacement de Mme Taubira à Angers le 25 octobre.
Comme
d'autres l'ont dit avant moi, on est en effet confondu par l'inertie de
la classe politique concernant les propos tenus à Angers. Or, c'est
seulement en référence à ces propos qu'on peut espérer qualifier de
raciste la une de Minute.
Et
on ne peut qu'être interloqué par l'indignation exprimée par
jean-François Copé, l'homme qui excite à l'islamophobie avec son
histoire de pains au chocolat des petits infidèles confisqués par leurs
camarades de confession musulmane pour cause de Ramadan.
S'il
fallait un indice du caractère surjoué de l'indignation de la classe
politique, ces deux me semblent parfaitement suffisants.
Et
ce n'est pas dans ce spectacle en trompe l'oeil que se joue quoi que ce
soit de fondamental pour l'Hexagone où l'islamophobie est devenue le véritable bien commun de la république.
Le véritable événement politique qui pourrait avoir une portée considérable vient de se dérouler à la Haye aux Pays Bas où
La présidente du parti français Front national Marine Le Pen et le chef de file de l'extrême droite néerlandaise Geert Wilders (PVV) ont conclu mercredi à La Haye une alliance en vue des élections européennes de mai 2014.
lit-on dans 7sur7
Une alliance dont Mme Le Pen attend beaucoup:
"Aujourd'hui est un jour historique", a déclaré Mme Le Pen lors d'une conférence de presse à La Haye
Un
jour historique dit-elle et elle n'a peut-être pas tort. Et pour
comprendre ce qu'elle entend par là, il suffit de lire la suite de
l'article.
Et Geert Wilders, qualifiant l'UE d'"Etat nazi", de renchérir: "aujourd'hui marque le début de la libération de ce monstre nommé 'Bruxelles'".
Geert Wilders |
Dans
la bouche d'un leader politique d'extrême droite; Etat nazi devrait
avoir une connotation positive, or ce n'est évidemment pas le cas dans
le propos de Wilders puisque cet Etat nazi qu'est l'Europe est un
monstre.
Le groupe envisagé par Mme Le Pen et M. Wilders pourrait inclure, entre autres, le Vlaams Belang, la Ligue du Nord italienne, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et le Parti de la liberté autrichien (FPÖ) ainsi que des partis d'Europe du Nord.
La liste n'est pas exhaustive mais on apprend un peu plus loin que
Mais Mme Le Pen et M. Wilders ont exclu de s'associer, par exemple, avec les Hongrois du Jobbik et d'autres députés nationalistes slovaques, roumains et bulgares, tous accusés de dérives racistes.
Par
dérives racistes, il faut entendre antisémites. Geert Wilders est par
contre connu pour ses positions clairement philosémites et ultrasionistes.
Charmants: Marine Le Pen et Geert Wilders |
L'alliance
avec Wilders va contribuer à accélérer l'aggiornamento de l'extrême
droite française qui tente depuis quelque temps, sous l'impulsion de
Marine le Pen et de Florian Philippot, de tourner le dos aux classiques
antisémites qui sont un des héritages de l'époque de Vichy et donc de la
droite nationaliste classique.
Le
Front National pourrait alors se situer, relativement à la question de
l'antisémitisme et à celle du sionisme, dans le droit fil des positions
adoptées par ces partis qui, comme le Vlams Belaang , aspirent à peser sur la vie politique de leurs pays respectifs.
L'idée
force est que l'antisémitisme affiché dans le discours officiel du
parti ou de certains de ses militants est un des obstacles concrets à
une véritable émergence sur la scène politique et que face à ce qui est
perçu comme une menace de la présence musulmane, les institutions, ou
une partie des institutions communautaires ou organisations juives,
peuvent être de précieux alliés aussi bien en termes de dédiabolisation
que de convergences idéologiques.
L'alliance avec Wilders n'est qu'accessoirement une alliance contre l'Union Européenne,
c'est avant tout un élément clef de la recomposition politique en
France et de l'évolution du rapport de forces à l'intérieur du Front
national.
L'extrême
droite et ces organisations juives ont l'islamophobie en partage,
l'extrême droite ayant en propre un racisme dont les cibles sont bien
connues et les organisations juives étant motivées par la défense et la
promotion du projet sioniste, raciste aussi dans son essence et sa
pratique.
Une
telle convergence est certainement de nature à mettre le Front national
dans une position avantageuse en cas d'éclatement de l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP)
Ces synergies sont particulièrement claires aux Pays Bas, mais aussi en Angleterre et aux Etats Unis.
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