L'article que je vous propose
évoque le transit par la Turquie de combattants qu'on qualifie de
«djihadistes» et qui veulent rejoindre les milices qui combattent
le régime syrien.
Ce que montre l'article, c'est que
ce transit est organisé avec des hommes qui assurent l'acheminement
et le contrôle des futures recrues, pour détecter la présence
d'espions éventuels, s'appuyant pour cela sur tout un réseau de
planques en Turquie, notamment le long de la frontière syro-turque.
L'article n'affirme pas que le
gouvernement turc participe à cet acheminement de combattants
étrangers, mais suggère qu'il ferme au minimum les yeux.
On retiendra les pauvres arguments
de la police turque pour justifier son incapacité à endiguer
l'entrée en Syrie de voyageurs à qui on ne peut rien reprocher du
fait que leurs papiers sont en règle!
Ce qui est certain par contre, c'est
que les autorités turques ont perdu le contrôle d'un phénomène
qu'elles ont tout fait au départ pour encourager.
Et que certaines agglomérations du
sud-est du pays sont désormais sous le contrôles des milices
djihadistes de l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Comme je l'écrivais tantôt, des
lendemains douloureux attendent le gouvernement turc quand la crise
syrienne sera terminée (et peut-être même avant) et ce, quelle que
soit l'issue de cette crise, que Bachar al-Assad reste en place ou
pas.
Les recrues d'al Qaïda pénètrent en Syrie à partir de leurs planques en Turquie
Des djihadistes étrangers – dont des
Britanniques – affluent en Syrie pour rejoindre al Qaïda à partir
de planques en Turquie
par Ruth Sherlock, The Daily Telegraph
(UK) 31 octobre 2013
Des centaines de recrues d'Al-Qaïda
sont accueillies dans des centres d'hébergement dans le sud de la
Turquie, avant d'être transférées clandestinement vers la
frontière pour mener le "djihad" en Syrie, a appris le
Daily Telegraph.
Le réseau de planques permet à un
flux régulier de combattants étrangers – dont des britanniques et
des Australiens – de participer à la guerre civile en Syrie, selon
plusieurs personnes impliquées dans le dispositif.
Ces djihadistes étrangers ont
largement éclipsé l'aile «modérée» des rebelles de l'Armée
Syrienne Libre (ASL) qui a le soutien de l'Occident. La capacité
d'al Qaïda à utiliser le territoire turc va soulever des
interrogations sur le rôle que joue ce pays membre de l'OTAN dans la
guerre civile en Syrie.
La Turquie soutient les rebelles depuis
le début – et on supposait que son gouvernement partageait les
préoccupations occidentales au sujet d'al Qaïda. Mais des
spécialistes disent qu'on craint de plus en plus le risque que la
Turquie puisse avoir perdu le contrôle des mouvements des nouvelles
recrues d'al Qaïda – voire même qu'elle ferme les yeux.
«Chaque jour arrivent des moudjahidine
de toutes nationalités,» déclare Abu Abdulrahman, un bénévole
Jordanien qui supervise le flux de combattants étrangers. Il gère
un réseau de centres d'accueil dans le sud de la Turquie pour les
volontaires qui souhaitent rejoindre la branche d'al Qaïda en Syrie,
connue sous l'appellation d'Etat Islamique en Irak et au Levant
(EIIL).
Il s'exprimait depuis une planque d'al
Qaïda, au moyen du compte Skype d'un intermédiaire tout en étant
écouté par des volontaires de plusieurs pays, dont la Grande
Bretagne.
Une fois que le volontaire est arrivé
en Turquie, il y a des «procédures» avant qu'il puisse rejoindre
al Qaïda, explique Abu Abdulrahman: «Si vous voulez entrer [dans al
Qaïda], vous devez être un bon musulman. Nous devons enquêter
pour être sûrs que vous n'êtes pas un espion. Si vous êtes
étranger, quelqu'un de notre réseau doit vous recommander,»
dit-il.
Ces planques sont en général des
appartements loués sous de faux noms dans des villages proches de la
frontière turque avec la Syrie. Les recrues doivent parfois attendre
des semaines avant d'être autorisées à franchir la frontière. Les
logements sont aussi utilisés comme lieux de repos pour les
combattants d'al Qaïda qui reviennent du front syrien.
Il y peut-être 10 000 combattants
étrangers en ce moment en Syrie, selon des experts. Certains sont
des vétérans endurcis par la guerre en Irak, d'autres sont des
jeunes «des bleus du djihad» et une part significative d'entre eux
vient de pays occidentaux.
Abu Abdullah, un volontaire Australien,
dit être parti pour aller combattre en Syrie parce qu'un «mode de
vie occidental est contre l'Islam», Il a aussi été révulsé par
les atrocités commises par le régime du président Bachar al-Assad.
"Quand vous voyez des femmes et
des enfants – n'importe quel être humain - être abattus ou violés
ou tués devant leurs pères et leurs familles, tout simplement parce
qu'ils prient Dieu [Allah], vous devez être ému par leur humanité.
Le prophète Muhammad a dit que si une partie du corps est blessée,
alors le reste du le corps ne peut connaître le repos. Si une seule
personne est blessée et si quelque chose va contre l'Islam, nous
avons le devoir de réagir.»
Mais Abu Abdullah hésite quand il
essaye de se rappeler un passage du Coran [justifiant ses dires,
NdT]: «Je suis désolé, je ne suis pas le plus compétent des
musulmans. Dieu, pardonne-moi pour cela ", dit-il.
Charles Lister, d'IHS Jane's, un
consultant défense, déclare: «Il existe de fortes présomptions
sur le fait que le nombre de djihadistes en Syrie est en
augmentation. Si on examine par exemple la nature de la présence de
l'EIIL, l'aire géographique de présence des étrangers est en
expansion. Ce qui a probablement un rapport avec la facilité avec
laquelle les recrues peuvent traverser la frontière.»
Un autre analyste dit que la Turquie
«ferme les yeux» devant le nombre de combattants étrangers qui
entrent en Syrie via son territoire, y compris en passant par
Antakya, la capitale de la province limitrophe de Hatay. Le résultat,
ajoute-t-il, est que les djihadistes sont devenus une épine dans le
pied de la Turquie, ayant pris de facto le contrôle de villes et de
villages proches de la frontière.
Les officiels Turcs contestent ces
affirmations avec véhémence et mettent l'influx de combattants à
l'échec de la communauté internationale à mettre fin à la guerre
en Syrie. «Nous n'avons jamais été laxistes sur ce problème. Nous
ne tolérons pas la présence d'extrémistes et d'éléments
terroristes sur notre sol,» déclare un officiel Turc. «Si des
djihadistes sont passés [par notre territoire], c'est à notre insu
et hors de notre contrôle. La présence d'extrémistes en Syrie est
un motif de préoccupation pour la Turquie et d'autres pays – et la
raison pour laquelle le nombre de djihadistes en Syrie continue de
croître en Syrie tient à l'échec de la communauté internationale
à résoudre la crise actuelle.»
Cet officiel appelle les pays étrangers
à ne pas «pointer seulement la responsabilité» de la Turquie et
à oeuvrer à renforcer la surveillance de leurs citoyens qui
pourraient vouloir aller en Syrie: «Sauf si on nous donne des
informations sur l'appartenance de ces gens à al Qaïda, à une
organisation terroriste, sur quelle base juridique pouvons nous les
stopper s'ils voyagent avec un passeport valide?»
La police turque essaye de fermer les
planques d'al Qaïda en faisant des descentes dans les appartements
où des renseignements ont signalé une présence d'al Qaïda. Et les
autorités turques ont commencé à améliorer la qualité des
contrôles à la frontière. Mais avec plus de 800 kilomètres de
frontières communes entre la Turquie et la Syrie, et avec le grand
nombre de djihadistes étrangers qui arrivent dans le pays, les
autorités ont été pour l'instant incapables de couper le robinet.
Si la police arrête quelqu'un, elle ne peut pas l'incarcérer ni le
renvoyer dans son pays d'origine parce qu'il est difficile de prouver
qu'il est membre de l'EIIL, jubile un djihadiste.
Dans la ville frontalière de Kilis, à
trois heures de route d'Antakya, les djihadistes se sentent
suffisamment à l'aise pour siroter le café dans les halls d'hôtels
en discutant tranquillement avec leurs collègues. Cette semaine, le
Telegraph a discuté avec un membre de l'EIIL dans uns de ces hôtels,
Que la Turquie le veuille ou pas, «elle a été très bonne avec
nous,» dit en clignant de l'oeil le djihadiste qui souhaite rester
anonyme.
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