J'étais parti pour faire une petite intro sur Yair lapid et Benjamin Netanyahou mais j'ai un peu dérivé...
La crise syrienne a connu récemment un tournant décisif et ce tournant n'a pas été militaire mais politique,
On
est en effet passé de l'exigence du départ du président Syrien Bachar
al-Assad par les puissances occidentales (souvenons-nous de Laurent
Roquet Fabius qui affirmait que le président syrien ne mériterait pas d'être sur la Terre) à celle de la destruction des armes chimiques dont dispose l'armée syrienne.
C'est
ce qu'on appelle un changement de paradigme, changement concocté par
les Etats Unis, la Russie et ,,, le gouvernement syrien, prenant au
dépourvu la Turquie et une diplomatie française ridiculisée dans sa vaine posture belliciste.
Le
camouflet à répétition n'a pourtant apparemment pas suffi à vacciner
Paris contre l'emploi d'un langage musclé qui n'est plus vraiment dans
ses moyens et de toute façon ne sert pas ses intérêts.
Ne vient-on pas en effet de lire que François Hollande a assuré Benjamin Netanyahou de «toute sa fermeté» à l'égard de l'Iran?
Parce
que l'élection de Hassan Rohani à la présidence de la république
islamique d'Iran est aussi un des éléments qui ont joué dans l'évolution
du traitement du dossier syrien. Non pas que le nouveau chef de l'Etat
ait pris des positions radicalement différentes de son prédécesseur,
Mahmoud Ahmadinejad, du moins sur les dossiers syrien et nucléaire, mais
son image de modéré bien mise en avant dans la presse occidentale (malgré de vaines tentatives sionistes de
le diaboliser comme on l'a fait pour Mahmoud Ahmadinejad) a donné
l'opportunité aux Etats Unis de changer de ton à l'égard de l'Iran.
Ahmadinejad et Rohani (faisant un salut nazi?) |
La
conséquence de ce changement de ton a été la rencontre entre les
présidents Rohani et Hollande en marge de l'assemblée générale de l'ONU,
et l'échange téléphonique entre
Barack Obama et le président de la république islamique d'Iran. Il va
sans dire que François Hollande avait été dûment autorisé par la maison
Blanche à rencontrer son homologue iranien.
Ce
rapprochement entre l'Iran et l'Occident a bien sûr pour conséquence
que l'élimination du régime syrien n'a plus le caractère impérieux
qu'elle avait il y a seulement quelques mois, d'autant qu'il apparaît
clairement que la fraction de l'opposition polico-militaire tenue à bout
de bras par Londres, paris et Washington ne représente pratiquement
rien, ni sur le terrain militaire, ni sur le terrain politique.
Un troisième facteur qui a joué un rôle absolument décisif dans le changement de posture des Etats Unis est la déposition du président Mohamed Morsi par
l'armée égyptienne, un coup d'état qui était motivé entre autres par le
refus d'un engagement militaire de l'Egypte contre le régime syrien,
même par volontaires interposés, et qui a pu s'appuyer sur l'hostilité
de l'Arabie Saoudite à l'égard des Frères Musulmans.
Il
faut bien se figurer en effet que, vu de Riyad, les Frères Musulmans
que nous qualifierions de bourgeois conservateurs, sont perçus comme de
dangereux révolutionnaires, une véritable menace pour la monarchie
(l'épisode de la proclamation d'une république au Yémen par les Frères
Musulmans avec à leur tête l'Algérien Fodil El Ouartilani n'a sans doute pas été oublié en Arabie).
Si
le paysage reste confus, avec des retournements qui semblent fourmiller
de contradictions, il est peut-être possible de mieux saisir sa logique
globale en prenant de la hauteur, c'est-à-dire en examinant la
situation dans la région asiatique dans son ensemble.
On
le sait, le centre de gravité de l'économie mondiale est en train de se
déplacer vers l'Asie orientale (Corée, Chine, Thaïlande) quoique
d'autres pôles de puissance semblent émerger ailleurs (Inde, Brésil par
exemple) et tôt ou tard le politique suivra. Des tentatives
d'organisation autonome de ces espaces ont vu le jour comme le BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du Sud) ou l'Organisation de Coopération de Shangaï.
Deux
pays asiatiques retiendront notre attention ici: la Chine et l'Inde,
Ces deux géants ont pour point commun d'avoir d'énormes besoins en
énergie (pétrole, gaz) que la production nationale est absolument
incapable de satisfaire, Ces deux pays se tournent donc vers des
fournisseurs étrangers dont l'Iran fait partie. Mais ce rôle de
fournisseur de l'Iran n'a en réalité pas vraiment de rôle dans les
inflexions de la diplomatie des Etats Unis. Ce qui est important à cet
égard, ce sont les réserves d'hydrocarbures présentes dans l'Asie
Centrale ex soviétique et qui font l'objet de toutes les sollicitudes.
Des réserves auxquelles la Chine peut accéder par voie terrestre
moyennant des aménagements en infrastructures de transport qui existent
déjà et d'autres qui sont en cours de réalisation ou à l'étude.
Pour
l'Inde, les choses se présentent différemment puisque son accès
terrestre à l'Asie Centrale est barré par le Pakistan, l'ennemi intime
depuis la sécession de 1947.
L'accès
de l'Inde à l'Asie Centrale passe donc par l'Iran où l'Inde investit
100 millions de dollars dans le port et la zone franche de Chabahar,
des investissements qui complètent ceux effectués dans des
infrastructures routières qui relient de grandes villes afghanes à
l'Iran. De son côté,la Chine s'est ménagée une ouverture portuaire
semblable au Pakistan qui lui offre une route sud-nord complémentaire à
la route est-ouest.
Et
bien sûr, ces régions d'Asie, et peut-être l'Afghanistan une fois la
paix revenue, seront des fournisseurs mais aussi des clients.
Cette
partie du monde est donc à la veille d'un boom économique auquel l'Iran
va participer ne serait-ce que par son positionnement géographique au
débouché sud-ouest de ces régions.
C'est là que se situent les enjeux majeurs pour le monde, pour l'Iran et par conséquent pour le Moyen Orient et non dans une prétendue lutte entre Islam chiite et sunnite,
L'affaire
syrienne a été l'occasion pour les Etats Unis de jauger la volonté de
la Russie et de la Chine quant au contrôle de l'accès aux ressources et
aux marchés de l'Asie Centrale et du Moyen orient.
Et
les Etats Unis ont semblé conclure que cette volonté était trop forte
pour qu'ils puissent tenter quoi que ce soit de significatif sans en
subir de conséquences, par exemple dans l'unique position clef qu'ils
occupent encore, c'est-à-dire en Afghanistan.
Sous
peine d'être à moyen terme exclus de la région, la solution qui s'est
imposée à eux est celle d'un rapprochement avec l'Iran.
Ce
rapprochement va sans doute prendre du temps, parce qu'on ne passe pas
du jour au lendemain d'un langage belliqueux et menaçant à des relations
amicales et surtout en raison de la présence de l'Etat prétendu juif
qui torpille toute approche rationnelle de la part des Etats Unis dans
la région.
L'analyse
qui semble prévaloir à Washington est que c'est Benjamin Netanyahou qui
représente un obstacle et la tête de ce dernier est en quelque sorte
mise à prix par la maison Blanche qui aimerait avoir un interlocuteur
plus sensible aux intérêts de l'allié américain.
Cet interlocuteur pourrait être Yaïr lapid, l'actuel ministre des finances du cabinet Netanyahou qui vient d'être reçu très chaleureusement par Joe Biden malgré le Shutdown.
Pourtant,
comme l'explique l'article que je vous propose, si Yaïr lapid a une
autre prestance que Benjamin Netanyahou, il est fondamentalement sur la
même ligne aussi bien sur la question des négociations avec les
Palestiniens que sur le dossier iranien.
par Philip Weiss, Modoweiss (USA) 11 octobre 2013 traduit de l'anglais par Djazaïri
Yaïr
Lapid, le ministre des Finances d'Israël et étoile montante centriste,
est reçu comme une star aux Etats Unis. Lapid s'est entretenu hier, en
plein Shutdown, avec le vice-président, ils se sont apparemment bien
entendus. Le vice président a tweeté la photo ci-dessus et publié une
déclaration selon laquelle ils avaient une "conversation sur de nombreux
sujets", notamment sur l'Iran et les négociations avec les
Palestiniens. Ils avaient été rejoints par le secrétaire au Trésor Jack
Lew et le coordonnateur pour le Moyen-Orient à la Maison Blanche, Phil
Gordon.
Lapid
était une vedette de la télévision, et ça se voit. Charlie Rose a passé
beaucoup de temps avec Lapid mardi. D'abord sur le Charlie Rose Show.
Puis au centre culturel 92d Street Y pour une co-présentation avec une
organisation pro-israélienne, l'Israeli Policy Forum.
A
92d Street Y, Rose a présenté Lapid comme étant «un des Juifs les plus
célèbres du monde.» L'interview (vidéo ici) était dans l'ensemble
gentille et Lapid a pu contrôler aisément la situation, comme si c'atait
lui qui animait le talk show.
Il
a plaisanté avec naturel l'accent sudiste de Rose et l'a rembarré quand
il lui a demandé s'il aspirait à être premier ministre, et il a moqué
le New York Times qui cite les gens hors contexte. Mais ses positions ne
sont guère différentes de celles de Netanyahou, et on n'a pas à
attendre longtemps avant que Lapid commence à parler de la Cité de David
[Jérusalem].
C'est un tenant d'une ligne dure sur Jérusalem.
“Jérusalem
ne sera jamais divisée. Jérusalem est la capitale d'Israël. Les pays ne
renoncent pas à leurs capitales… mais oui, il y aura – certains
territoires qui seront restitués…”
Rose: “Vous n'êtes pas en faveur de Jérusalem comme capital pour les Palestiniens et les Israéliens.”
“Vrai.”
Gaza ne fait pas partie de l'Etat palestinien tel qu'il peut l'imaginer.
Gaza
est hors jeu. Il n'y pas de négociations avec le Hamas. Le Hamas est
une... organisation terroriste qui devrait être traitée comme telle.
La vallée du Jourdain est également exclue des négociations. «Sécurité.»
Il est aussi partisan d'une ligne dure sur l'Iran.
“Le
problème que nous avons avec l'Iran…c'est qu'ils construisent des armes
nucléaires… et que les Iraniens financent le Hamas et le Hezbullah… Je
pense que la ruse et la fraude ont toujours fait partie des instruments
de la stratégie |de l'Iran].”
Lapid
dit que l'Iran doit faure deux chose simples pour une levée des
sanctions. Renoncer aux centrifugeuses, il y en a 18 000, et fermer son
réacteur au plutonium.“parce que personne n'utilise des réacteurs au
plutonium à des fins pacifiques.”
Ses
attitudes par rapport à Israël sont très marquées par un chauvunisme
ethnique. Son père avait échappé à l'holocauste à Budapest et il aime
vivre dans un Etat juif.
“Ecoutez,
je ne cherche pas un mariage heureux avec les Palestiniens. Je veux un
divorce. L'idée de gouverner... environ 3 millions de Palestiniens est
problématique pour l'identité juive d'Israël, et je veux vivre dans un
Etat juif.…”
Quel
est votre principal motif d'inquiétude pour l'avenir d'Israël? lui a
demandé Rose? Une bonne partie de la réponse de Lapid est: les Arabes.
“Je
dirais l'éducation…. Cette année, 49 % des élèves qui entrent à l'école
élémentaire sont soit des ultra orthodoxes, soit des Arabes. Je ne veux
pas dire que c'est une menace existentielle mais c'est un changement
existentiel pour Israël. Et nous devons faire en sorte que tous
participeront à la société israélienne.. Donc oui, je crains plusles
menaces internes que les menaces externes.”
Et
quand Lapid dit qu'il tend constamment la main aux autres partis, pour
travailler avec eux, il parle d'autres partis juifs, du Likoud au Foyer
Juif en passant par les travaillistes. Pourquoi Charlie Rose ne luii
demande-t-il pas s'il parle avec les partis palestiniens, et s'il ne le
fait pas, pourquoi? Ros accepte ainsi le même genre de discrimination
que celui auquel il s'opposait en Caroline du Nord dans son enfance.
Lapid
dit de l'extrémiste de droite Naftali Bennett que c'est un ami, et que
le gouvernement de Netanyahou ne tombera pas avant l'expiration de son
mandat. “Il y a une bonne énergie et la volonté de travailler ensemble.”
La première question qui vient de l'auditoire est, “Pourquoi ne pouvez-vous pas diviser la ville de Jérusalem?”
La réponse référait à la doctrine ethno-religieuse, et était un peu effrayante:
“[si
nous] posons que tout relève du rationnel… alors– je serais sans doute
mieux à vivre à New York . Vous savez, Israël a été créé au début pour
être un havre de sécurité pour les Juifs du monde. Je ne pense pas que
c'est un lieu sûr. J'entends par là que New York est un endroit plus sûr
quand on est juif. Je vis en Israël parce que je veux vivre dans un
pays qui n'est pas seulement un territoire, mais aussi une idée. Et
Jérusalem est l'essence de cette idée. Certes, il y a... des raisons
logiques pour dire OK, je renonce à Jérusalem Est, mais un pays ne peut
pas survivre sans un ethos et l'ethos d'Israël est à Jérusalem Est.
C'est la cité du roi David. C'est – vous savez quoi, notre droit au
retour doit aussi être pris en compte – et nous sommes revenus à
Jérusalem. J'aime Tel Aviv, la ville où je vis mais nous ne sommes pas
rentrés après 2 000 ans pour Tel Aviv, nous sommes rentrés pour
Jérusalem.
Applaudissements nourris du public à 29 dollars la place.
Lapid
dit aussi croire en Dieu et lire «beaucoup» la Bible. Parce que la
Bible est pleine de héros et que notre monde est celui des
«anti-héros », Oui, et il préférerait vivre dans une idée, pas dans un
pays. Il y a chez lui beaucoup plus de vernis que chez Netanyahou, mais
l'ethos est le même.
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