lundi 28 mars 2011

La CIA aux commandes de la Libye "démocratique"

Les événements de Libye, avec la guerre qui est imposée à ce pays par la coalition des « bienfaiteurs » occidentaux à laquelle se sont ajoutées des démocraties bien connues du proche Orient, sont le lieu d’une grande déception.
Pas du fait des agissements de Nicolas Sarkozy ou de David Cameron. Ils sont après tout dans leur rôle quand ils tentent de maintenir des prérogatives impériales sur le continent africain et dans le bassin méditerranéen. Et M. Sarkozy a peut-être quelque raison de penser qu’un succès militaire et politique obtenu aux dépends du colonel Kadhafi pourrait contribuer à remobiliser en sa faveur un électorat qui semble le bouder.
Non, comme Patrick Martin dont je vous propose un article, je suis déçu par ces gens qui se disent de gauche et qui approuvent l’intervention de ce qu’il faut bien appeler les forces impérialistes. Ils montrent ainsi qu’ils sont au fond dépourvus de principes. et que leur prise de position revient à approuver rétroactivement les interventions militaires en Irak et en Afghanistan. Il n’y a rien d’autre à ajouter, tout le reste n'est que du bla-bla.

Mais je suis encore plus déçu par ces Arabes prétendus eux aussi de gauche ou démocrates qui ne trouvent pas non plus grand-chose à redire à cette intervention, au contraire.
Malek Bennabi parlait de « colonisabilité » pour désigner les dispositions mentales qui font qu’un peuple peut être subjugué par une entreprise de colonisation. Je m’étais gaussé un jour de cette notion qui, selon moi, était trop psychologique. Il s’avère cependant que c’est Bennabi qui avait raison et de nombreux Arabes, prétendument de gauche ou démocrates, se montrent maintenant sous leur jour véritable d’admirateurs inconditionnels de l’Occident dont ils attendaient en fait leur salut.
Or, si l’Occident a développé des valeurs et des savoirs que les pays arabes auraient tort d’ignorer, ces valeurs ne se confondent pas avec les puissances occidentales dont les actions dans le tiers-monde et le monde arabe en particulier, ne visent qu’à la satisfaction de leurs intérêts économiques et stratégiques.
Ces Arabes dont il est question, qui sont bien souvent des « intellectuels, n’utilisent même pas ce qu’ils ont appris dans leurs écoles ou leurs universités pour analyser les situations politiques. Ils fonctionnent bien souvent sur le même principe que les dictateurs qu’ils disent réprouver. Ils ne sont simplement pas du bon côté du manche. Et ils sont prêts à tout accepter pour assouvir leur haine.
J’en rajoute sans doute un peu beaucoup, mais la réalité est quand même navrante
En attendant, je vous laisse prendre connaissance du pedigree d'un futur dirigeant de la Libye "libre" 

Un collaborateur de la CIA pour commander les rebelles Libyens

Par  Patrick Martin World Socialist Web Site 28 mars 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le Conseil National Libyen, l’organisation basée à Benghazi qui parle au nom des forces rebelles qui luttent contre le régime de Kadhafi, a désigné un collaborateur de longue date de la CIA pour diriger ses opérations militaires. Le choix de Khalifa Hifter, un ancien colonel de l’armée libyenne a été signalé jeudi par McClatchy Newspapers, et le nouveau chef militaire a été interviewé par un correspondant d’ABC News dimanche soir.

Hifter, dont l’arrivée à Benghazi avait été rapportée pour la première fois le 14 mars par Al Jazeera, a fait l’objet le 19 mars d’un portrait flatteur d ans le Daily Mail, un tabloïd britannique farouchement belliciste. Le Daily Mail présentait Hifter comme une des « deux étoiles militaires de la révolution » qui « est rentré récemment d’exil en Amérique pour apporter une certaine cohérence tactique aux troupes rebelles au sol. » Le journal n’évoquait pas ses liens avec la CIA.
McClatchy Newspapers a publié un profil d’Hifter ce dimanche. Intitulé ‘Le nouveau chef rebelle a passé une bonne partie des 20 dernières années dans une banlieue en Virginie, » l’article note qu’il avait été auparavant un officier supérieur du régime de Kadhafi jusqu’à « une aventure militaire désastreuse au Tchad à la fis des années 1980. »
Hifter avait ensuite rejoint l’opposition à Kadhafi puis finalement émigré aux Etats-Unis où il a vécu jusqu’à ces dernières semaines qui ont vu son retour en Libye pour prendre le commandement de Benghazi.
Le profil par McClatchy concluait, « Depuis son arrivée aux Etats-Unis au début des années 1990, Hifter a résidé dans une banlieue de Virginie aux environs de Washington DC. ».  Il citait un ami qui « disait ne pas trop savoir comment Hifter subvenait à ses besoins, et qu’Hifter s’occupait d’abord d’aider sa grande famille. »

Pour ceux qui savent lire entre les lignes, c'est une indication à peine voilée du rôle d’Hifter en  tant qu’agent de la CIA. Comment en effet, un ancien officier supérieur de l’armée libyenne a-t-il pu entrer aux Etats-Unis au début des années1990, seulement quelques années après l’attentat de Lockerbie, puis s’installer près de la capitale fédérale, sans l’accord et l’aide active des services de renseignements US ? Hifter a vécu en fait pendant une vingtaine d’années à Vienna en Virginie, à seulement une dizaine de kilomètres du siège de la CIA à Langley.

La CIA était bien au courant des activités militaires et politiques d’Hifter. Un article du Washington Post du 26 mars 1996 parle d’une rébellion armée contre Kadhafi en 1996 et écrit son nom dans une transcription différente. L’article cité des témoins selon qui la rébellion a pour « chef le colonel Khalifa Iftar  [et est] une organisation du type « contra » basée aux Etats-Unis et appelée Armée Nationale Libyenne. »
La comparaison est faite avec les forces terroristes “contra” financées et armées par le gouvernement des Etats Unis dans les années 1980 contre les autorités sandinistes au Nicaragua. Le scandale Iran-Contra, qui avait secoué l’administration Reagan en 1986-87, concernait la mise au jour de ventes illégales d’armes US à l’Iran, dont le produit servait à financer les contras au mépris d’une interdiction par le Congrès. Les parlementaires Démocrates avaient couvert le scandale et rejeté les appels à une procédure d’impeachment contre Reagan pour avoir financé les activités d’une illégalité flagrante ourdies par une brochette d’anciens agents des services secrets et de conseillers à la maison Blanche.
Un livre publié par Le Monde Diplomatique en 2001; Manipulations Africaines, fait remonter la relation avec la CIA encore plus loin, en 1987, signalant qu’Hifter, alors colonel de l’armée de Kadhafi, avait été capture au Tchad où il combattait avec une rébellion soutenue par la Libye contre le gouvernement d’Hissène Habré, soutenu par les Etats-Unis. Il fit défection pour le Front National de Salut Libyen (FNSL), la principale force d’opposition à Kadhafi, qui avait le soutien de la CIA. Il organisa sa propre milice qui opéra au Tchad jusqu’à la déposition d’Hissène Habré en 1990 par Idriss Déby, son rival appuyé par la France.
Selon ce livre, “la force de Haftar, créée et financée par la CIA au Tchad, disparut dans la nature avec l’aide de la CIA peu de temps après le renversement du gouvernement par Idriss Déby. » Le livre cite aussi un rapport du service de recherche du Congrès daté du 19 décembre 1996, selon lequel le gouvernement des Etats-Unis apportait une aide militaire et financière aux membres du FNSL qui avaient été repositionnés aux Etats-Unis.

Ces informations sont accessibles à tous ceux qui se livrent à une recherché même superficielle sur internet, mais elles n’ont pas été relayées par les médiats ontrôlés par les grands groupes, hormis une dépêche de McClatchy qui évite toute référence à la CIA. Les chaînes de télévision,  trop occupées à faire l’éloge des « combattants de la liberté » de l’est libyen, ne se  sont pas fatiguées à signaler que ces forces étaient désormais commandées par un collaborateur de longue date des services de renseignements des Etats-Unis.
Pas plus que n’en ont tenu compte ceux qui parmi les libéraux ou la “gauche” s’enthousiasment pour l’intervention des Etats Unis et de l’Europe en Libye. Ils sont trop occupés à saluer l’administration Obama pour son approche multilatérale et « consultative » de la guerre, présumée être différente de l’approche unilatérale à la « cowboy » de l’administration Bush en Irak. Que le résultat soit le même – mort et destruction qui s’abattent sur la population, la souveraineté et l’indépendance d’un pays anciennement colonisé foulées aux pieds – ne signifie rien pour ces thuriféraires de l’impérialisme. 
Le rôle de Hifter, présenté à juste titre il y a 15 ans comme le chef d’une “organisation du genre contra”, montre quelles sont les véritables classes sociales à l’oeuvre dans la tragédie libyenne. Quelle que soit l’authenticité de l’opposition populaire qui s’est exprimée dans la révolte initiale contre la dictature corrompue de Kadhafi, la rébellion a été détournée par l’impérialisme.
L’intervention de l’Europe et des Etats Unis en Libye n’a pas pour but d’apporter la “démocratie” et la “liberté” mais d’installer au pouvoir des pantins de la CIA qui dirigeront le pays aussi brutalement que Kadhafi, tout en permettant aux puissances impérialistes de piller les ressources pétrolières du pays et de se servir de la Libye comme base d’opérations contre les révoltes populaires qui soufflent sur le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.

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