vendredi 25 mars 2011

Mauvaises raisons et faux prétextes pour agresser la Libye


Un papier intéressant de Diana Johnstone qui contribue à la démystification des motifs « humanitaires » ou missionnaires (pour la démocratie, pas des croisades). de l'agression contre la Libye La Libye est effectivement tombée dans un piège qui lui a été tendu par Bernard-Henri Lévy associé aux monarques du Golfe. Dans sa démarche, le pseudo philosophe n’a sans doute pas obéi qu’à son amour immodéré pour Sion mais aussi à son narcissisme qui résiste à toutes les déconvenues comme celles consécutives aux révélations de ses diverses impostures.

BHL a certes obtenu ce qu’il voulait, la guerre contre le régime libyen, mais pas comme il voulait et, finalement malgré lui. Car BHL a d’abord précipité la France dans une impasse diplomatique dont Alain Juppé, grand commis de l’Etat typique, a su la sortir en empruntant la seule issue qui pouvait la tirer, au moins momentanément, du ridicule : la guerre sous couvert d’un mandat de l’ONU assimilé à un chèque en blanc pour ce qu’il faut bien appeler une agression impérialiste.
On verra peut-être plus tôt qu’on ne le pense que cette agression est une grave erreur stratégique et je crois que cet article nous livre un des aspects de cette faute stratégique qui tient aux rapports entretenus par le gouvernement libyen avec ses homologues d’Afrique au sud du Sahara.
Ce retour en force de l’Europe en Afrique s’accompagnera sans doute d’une accélération de sa sortie en douceur du reste du continent, sous la poussée des Américains d’une part, de la Chine d’autre part.

par DIANA JOHNSTONE CounterPunch (USA) 24 mars 2011 traduit de l'anglais par Djazaïri
Raison N°1: Changer le régime.
C’est le motif réel qui est apparu dès lors que le président Français Nicolas Sarkozy avait pris l’initiative extraordinaire de reconnaître les rebelles de Benghazi comme seul représentant légitime du peuple libyen. Cette reconnaissance violait de manière extraordinaire tous les principes et les usages diplomatiques. Elle signifiait la non reconnaissance Elle signifiait la non reconnaissance du gouvernement libyen existant et de ses institutions qui, contrairement aux connotations magiques associées au mot « dictateur » ne peuvent pas être réduites à la personnalité d’un homme fort. Une grande nation européenne, la France, a balayé d’un revers de main ces institutions pour proclamer qu’un obscur groupe de rebelles d’une région traditionnellement séditieuse de la Libye constituait le gouvernement légitime de cette nation d’Afrique du Nord.
Comme ce n’était en réalité pas le cas, ce ne pouvait être que l’affirmation d’un objectif à atteindre par la guerre. L’annonce française équivalait à une déclaration de guerre contre la Libye, une guerre pour vaincre Kadhafi et mettre ces rebelles mystérieux au pouvoir à sa place.

Faux prétexte N°1 "protéger les civils".
La fausseté de ce prétexte est évidente, tout d’abord parce que la résolution onusienne autorisant l’action militaire « pour protéger les civils » a été élaborée par la France – dont l’objectif est clairement un changement de régime – et ses alliés occidentaux. Si la véritable préoccupation du Conseil de Sécurité de l’ONU avait été de « protéger les vies d’innocents », il aurait pu, il aurait dû envoyer une solide mission d’observation neutre pour vérifier ce qui se passait vraiment en Libye. Il n’existait aucune preuve des assertions des rebelles selon lesquelles le régime de Kadhafi massacrait des civils. S’il avait existé des preuves visibles de ce genre d’atrocités, nous pouvons être certains qu’on nous les aurait montrées régulièrement aux heures de grande écoute à lé télévision. Nous n’avons vu aucune preuve de ce genre. Une mission d’enquête de l’ONU aurait pu très vite établir les faits, et le Conseil de Sécurité de l’ONU aurait agi sur la base d’informations factuelles plutôt que sur celle des affirmations de rebelles en quête d’un soutien international pour leur cause.
Au lieu de quoi, le Conseil de Sécurité, qui n'est désormais guère plus qu'un instrument des puissances occidentales, s'est précipité vers les sanctions, et le renvoi devant le Tribunal Pénal International sur la base d'allégations de “crimes contre l'humanité” en cours ou à venir, et a finalement autorisé une zone d'exclusion aérienne dont on pouvait être certain que les Occidentaux l'interpréteraient comme un permis de mener une guerre ouverte contre la Libye,
Quand les Etats Unis et leurs principaux alliés de l'OTAN sont autorisés à “protéger les civils”, ils le font avec les instruments dont ils dispose,t: bombardements aériens et missiles de croisière, Les frappes aériennes, les bombardements et les missiles de croisière ne sont pas faits pour “protéger les civils” mais plutôt pour détruire des cibles militaires, ce qui entraîne inévitablement la mort de civils, Mis à part ces “dommages collatéraux”, quel droit avons-nous de tuer des personnels militaires Libyens qui gèrent des aérodromes et d'autres installations de la défense libyenne? Que nous ont-ils fait?

Raison N°2: Parce que c'est facile.
Les forces de l'OTAN étant enlisées en Afghanistan, des dirigeants de pays de l'alliance (mais pas tous) ont dû penser que ce serait une bonne idée de remporter une victoire rapide et facile dans une jolie petite “guerre humanitaire,” Ce qui, du moins l'espèrent-ils, pourrait ranimer l'enthousiasme pour des actions militaires et relancer la popularité en berne de politiciens qui pourront s'exhiber fièrement comme des champions de la démocratie” et des destructeurs de “dictateurs,”

Faux Prétexte N° 2: Les Arabes nous ont demandé cette guerre.
Le 12 mars, la Ligue Arabe réunie au Caire annonçait son soutien à une zone d'exclusion aérienne en Libye, Ce dont s'est servi l'opération partiellement OTAN conduite par la France, “Nous répondons aux demandes du monde arabe,” pouvaient-ils prétendre, mais quel monde arabe? D'un côté, Sarkozy a effrontément présenté sa croisade contre Kadhafi comme étant dans le droit fil des soulèvements dans le monde arabe contre des dirigeants autocratiques, tout en prétendant dans le même temps répondre aux demandes des,,, plus autocratiques parmi ces dirigeants, nommément les monarques du Golfe, eux-mêmes affairés à réprimer leurs propres mouvements de contestation démocratique, (on ne sait pas exactement combien d'Etats de la Ligue Arabe ont participé à cette décision, mais la Syrie et l'Algérie ont émis de fortes objections),
L'opinion occidentale était supposée ne pas se rendre compte que ces dirigeants Arabes avaient leurs propres raisons de détester Kadhafi, très différentes de celles qui sont formulées en Occident. Kadhafi leur a jeté en pleine figure leur trahison de la Palestine, leur duplicité et leur hypocrisie. L’année dernière, incidemment, l’ancien député Britannique George Galloway avait relaté comment, en comparaison des obstacles mis en travers de l’aide pour Gaza par le gouvernement égyptien, son convoi avait vu le volume de son chargement d’aide humanitaire doublé pendant son passage en Libye. Il y déjà longtemps que Kadhafi, considérant ses dirigeants comme des incapables, a tourné le dos au monde arabe, pour se tourner vers l’Afrique.
Alors que la position  intéressée de la Ligue Arabe contre Kadhafi a été saluée en Occident, peu d’attention a été accordée à l’opposition unanime de l’Union Africaine à la guerre contre le dirigeant Libyen. Kadhafi a investi une grande quantité de ses revenus pétroliers dans la construction d’infrastructures et dans le développement de l’Afrique sub-saharienne. Les puissances occidentales qui vont le renverser continueront à acheter du pétrole libyen comme avant. La grande différence pourrait être que les nouveaux dirigeants, mis en place par l’Europe, suivront l’exemple des émirs de la Ligue Arabe en transférant leurs revenus pétroliers d’Afrique vers la bourse de Londres et les marchands d’armes européens.

Vraie Raison N° 3: Parce que Sarkozy a suivi le conseil de BHL
Le 4 mars, le dandy littéraire Français Bernard-Henri Lévy a rencontré en privé avec Moustapha Abdeljalil, un ancien ministre de la justice qui a retourné sa veste pour devenir le dirigeant du « Conseil National de Transition » (CNT) des rebelles. Le soir même, BHL appelait Sarkozy sur son téléphone portable et obtenu qu’il accepte de recevoir des chefs du CNT. La rencontre s’est tenue le 10 mars au palais de l’Elysée à paris. Comme l’a relaté le spécialiste des relations internationales du Figaro Renaud Girard, Sarkozy a alors annoncé à des Libyens ravis le plan qu’il avait concocté avec Bernard-Henri Lévy : reconnaissance du CNT comme seul représentant légitime de la Libye, nomination d’un ambassadeur de France à Benghazi, frappes de précision sur des aérodromes militaires libyens ; avec la bénédiction (qu’il avait déjà obtenue) de la Ligue Arabe. Le ministre Français des affaires étrangères Alain Juppé avait été stupéfait d’apprendre après les media cette évolution spectaculaire de la diplomatie française.
Kadhafi a expliqué en long et en large après le début du soulèvement  qu’on ne pouvait pas lui demander de démissionner parce qu’il n’avait aucune fonction officielle. Il n’était, avait-il insisté, qu’un « guide » vers qui le peuple libyen pouvait se tourner pour des conseils sur des questions délicates.
Il s’avère que les Français aussi ont un guide spirituel non officiel : Bernard Henri Lévy. Tandis que Kadhafi porte des costumes colorés et réside sous une tente, BHL porte des chemises blanches impeccables ouvertes sur un torse viril et passe le temps à Saint Germain des Prés, un quartier de Paris.
Aucun des deux n’a été élu. Les deux exercent leur pouvoir par des voies mystérieuses.
Dans le monde anglo-saxon, Bernard-Henri Lévy est considéré comme un personnage comique, assez comme Kadhafi. Sa « philosophie » a à peu près autant d’adeptes que le Livre vert du guide Libyen. Mais BHL a aussi de l’argent, beaucoup ; et il a de nombreux amis encore plus riches. Il exerce une influence énorme dans le monde médiatique français ; il invite des journalistes, des écrivains, des gens du spectacle dans son coin de paradis à Marrakech, il siège au conseil d’administration de deux quotidiens de « centre gauche », Libération et le Monde. Il écrit régulièrement dans toutes les publications grand public quand il le veut, il apparaît sur toutes les chaînes de télévision quand il le choisit. Il est souvent détesté par les Français ordinaires. Mais ils n’ont aucun espoir d’en être débarrassé par une résolution de l’ONU.

Diana Johnstone is the author of Fools Crusade: Yugoslavia, NATO and Western Delusions.She can be reached at  diana.josto@yahoo.fr



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