samedi 4 août 2012

A propos d'une milice des Frères Musulmans, qui paye quoi en Syrie?


Le paysage politico-militaire n’en finit pas d’évoluer en Syrie dans le sens d’une plus grande fragmentation et d’une plus grande place pour les salafistes de tout poil.
Voilà maintenant que les Frères Musulmans ont décidé de jouer leur propre carte en dehors du Conseil National Syrien.

Personnellement j’ai du mal à m’y retrouver entre ceux qui sont soutenus par le Qatar, ceux qui émargent auprès de l’Arabie Saoudite et ceux qui bossent plus directement pour les Etats Unis.

Pour ce que je peux en comprendre, l’Armée Syrienne Libre se serait éloignée du Conseil national Syrien pour s’adosser à une autre instance politique, le Syrian Support Group (SSG).
J’ai parlé récemment de ce SSG qui n’est rien d’autre qu’une officine mise en place par le gouvernement des Etats Unis pour faire transiter armes et argent destinés à l’Armée Syrienne Libre.
L’article observe que l’ASL bénéficie également du soutien de la monarchie (démocratique) saoudienne.

Quant au Conseil national Syrien, il serait à la solde du Qatar.

Et les Frères Musulmans alors ?
Mystère et boule de gomme. Seraient-ils donc la seule faction indépendante ?

Ce serait étonnant et on y verra certainement plus clair d’ici quelques temps.

A part ça, j’ai envie de demander à M. Amr al-Azm, cité à la fin de l’article, si les Syriens de confession chrétienne peuvent être sujets au procédé qu’il cite pour obtenir des armes de l’Arabie saoudite ou du Qatar ?

Les Frères Musulmans ont créé leur propre milice en Syrie où existe une ligne de fracture chez les rebelles entre les islamistes radicaux et leurs rivaux, ont déclaré au Daily Telegraph des chefs militaires et des trafiquants d’armes.

par Ruth Sherlock, Richard Spencer, The Daily Telegraph (UK) 3 août 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Se présentant comme les « Hommes en Armes des Frères Musulmans,» la milice a une présence à Damas ainsi que dans d’autres points chauds de l’opposition comme Idlib et Homs. Un de ses organisateurs, qui se fait appeler Abou Hamza, explique qu’il avait lancé ce mouvement en association avec un membre du Conseil National Syrien (CNS), l’alliance de l’opposition.
«Nous avions constaté qu’il y avait des civils en armes à l’intérieur [des villes], alors nous avons décidé de coopérer avec eux et de les mettre dans une structure unique,» dit-il.

Hossam Abou Habel, dont feu le père était membre des Frères Musulmans de Syrie dans les années 1950, explique avoir collecté entre 40 et 50 000 dollars en un mois pour approvisionner les milices islamistes de la province de Homs en armes et autres formes d’aide.
Les milices qu’il a financées n’étaient pas affiliées à l’Armée Syrienne Libre (ASL), le principal mouvement rebelle, ajoute M. Abou Habel.

«Notre mission est de construire un pays civil [sic] mais avec une base islamique,» dit-il. «Nous essayons de sensibiliser les gens à l’islam et au djihad.»
La branche syrienne des Frères Musulmans a été revivifiée par le succès de l’organisation en Egypte où elle a remporté les élections parlementaires et présidentielles.
Dans les premiers jours du soulèvement contre le président Bachar al-Assad, les rebelles laïques comme islamistes étaient tous disposés à combattre sous la bannière de l’ASL et à reconnaître le CNS comme direction politique.

Mais l’ASL, dominée par des déserteurs de l’armée du régime s'est brouillée avec le CNS dont les dirigeants sont des exilés. L’ASL a désormais sa propre vitrine politique, le Syrian Support Group (SSG). Cette scission a divisé les principaux soutiens étrangers de la révolution, avec l’Arabie Saoudite qui soutient l’ASL et le Qatar qui se rapproche du CNS et des milices islamistes.
Ces divisions affectent les opérations sur le terrain : les milices concurrentes coopèrent quand c’est nécessaire mais sinon se désavouent mutuellement. «Je le prendrais comme un insulte si on me présentait comme membre de l’ASL, » déclare Abou Bakri qui commande en première ligne une milice islamiste à Alep baptisée le bataillon Abou Emara.

Un activiste nous explique comment son travail avec des politiciens sunnites au Liban pour acheter des armes pour l’ASL avec de l’argent saoudien.

Un membre du centre de commandement de l’ASL, établi dans la Turquie voisine, a déclaré au Daily Telegraph qu’ils ont reçu cette semaine d’importants lots de munitions, de mitrailleuses et de missiles anti-tanks. A un moment donné, quand l’Arabie Saoudite et le Qatar joignaient leurs efforts pour financer l’ASL, le centre de commandement recevait jusqu’à 3 millions de dollars en liquide chaque mois. Mais ce membre de l’ASL dit que la situation a changé.  

 «Maintenant, nous ne travaillons plus avec les Qataris parce qu’ils ont fait beaucoup d’erreurs en soutenant d’autres organisations.»

Mais la fragmentation de l’opposition armée laisse supposer que la Syrie post-Assad deviendrait un champ de bataille. «Ceci ajoute à la fragmentation et affaiblit la crédibilité de l’opposition,» affirme Louay Sakka, directeur exécutif du SSG. «Les soutiens devraient passer par le canal adéquat qu’est le conseil militaire de l’Armée Syrienne Libre plutôt que de créer leurs propres milices.»

Amr al-Azm, un universitaire Syro-américain qui a participé brièvement au CNS considère que la Syrie court le même risque de désintégration que celle qui a été mise en marche par la chute de Saddam Hussein dans l’Irak voisin. La décision occidentale de limiter son implication dans le conflit syrien – et de s’abstenir de fournir des armes létales – a laissé un vide que les islamistes ont comblé.

«En jouant sur vos propres peurs, vous avez fait qu’elles deviennent réalité,» explique M. Azm. «En n’intervenant pas, vous obligez les gens à aller vers ceux qui ont des ressources. Personne ne veut aller vers al Qaïda, mais si vous en êtes réduit à vos dernières cartouches et que quelqu’un vous demande de dire «Allahou Akbar’ (Dieu est le plus grand) cinq fous, vous le faites.» 

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