Le premier ministre Britannique David Cameron semble aller de déconvenue en déconvenue en ce moment.
Non seulement son pays est touché par une grave affaire d’espionnage de dirigeants politiques étrangers qui avaient participé à un sommet du G20 en 2009 à Londres, mais M. Cameron vient de se faire rappeler à l’ordre en matière de respect du droit international par Vladimir Poutine qui a signifié une nouvelle fois son refus d’un armement des opposants qui combattent militairement le régime de Damas ainsi que son refus d’une zone d’exclusion aérienne même limitée au-dessus du territoire syrien.
Et comme si ce n’était pas suffisant, voilà que la Cour Suprême de Grande Bretagne ajoute son grain de sel en annulant les sanctions contre une banque privée iranienne au nom du respect de la règle de droit que les autorités britanniques s’estiment fondées à bafouer en fonction de ce qu’elles considèrent être leurs intérêts.
Qu’on ne s’y trompe pas, l’arrêt de la cour britannique est avant tout un signe de la volonté chez d’éminents juristes et magistrats de donner un coup d’arrêt à des procédures d’exception qui s’appliquent en dehors de toute nécessité, sauf celle de dissimuler une insuffisance criante de preuves.
Ces procédures touchent certes aujourd’hui une entreprise étrangère mais leur spectre d’utilisation sera forcément amené à s’élargir, comme c’est déjà le cas aux Etats Unis, pour toucher toutes sortes d’institutions ou de personnes au gré de la raison d’Etat.
La décision de la Cour Suprême britannique qui fera date intervient après un arrêt d’une juridiction européenne affirmant le caractère abusif des sanctions adoptées au niveau européen contre la même banque.
Le moindre des paradoxes n’étant pas, vu la propagande occidentale sur l’Iran, que c’est ce dernier pays qui s’appuie sur le droit tandis que les autorités britanniques ont besoin de recourir à de graves entorses à ce même droit.
La Cour Suprême annule les sanctions contre une banque iranienne et critique les audiences secrètes.
Le ministère des finances reçoit l’ordre de lever les sanctions contre la Banque Mellat et des voix critiques préviennent que la transparence de la justice et la règle de droit sont les victimes des tribunaux secrets.
Par Owen Bowcott, correspondant affaires juridiques, The Guardian (UK) 19 juin 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri
L’enthousiasme du gouvernement pour les tribunaux secrets a été refroidi après que les juges de la plus haute juridiction britannique ont annulé des sanctions antiterroristes imposées à une banque iranienne et écarté en les qualifiant de dérisoires les renseignements qui les étayaient.
Dans deux arrêts connexes, la Cour Suprême a ordonné au Trésor de lever les sanctions contre la Banque Mellat et affirmé que, à l’avenir, les audiences en appel pourraient se tenir à huis clos «seulement quand il a été démontré de manière convaincante que c’était vraiment nécessaire pour l’intérêt de la justice.»
La banque dont le siège est à Téhéran se bat depuis 2009 pour obtenir une levée des sanctions.
Le ministère britannique des finances soutenait que la banque a financé des entreprises qui participent au programme nucléaire militaire de l’Iran.
Pour justifier ces allégations, le ministère des finances avait demandé pour la première fois à la Cour Suprême de siéger en session secrète en avril dernier.
Dans le premier jugement, lu par Lord Neuberger, le président de la Cour Suprême, les magistrats ont déclaré : "Ayant tenu une audience à huis clos, il s’est avéré que rien ne motivait un jugement à huis clos par la Cour Suprême [par rapport aux informations des services secrets] parce qu’il n’y avait rien [dans ces informations] de nature à affecter notre raisonnement quant à l’appel sur le fond".
“Une audience ne devrait se tenir à huis clos que quand il a été prouvé de manière convaincante qu’elle était vraiment nécessaire dans l’intérêt de la justice. Si la cour soupçonne fortement que rien dans les documents secrets n’est susceptible d’affecter le résultat de l’appel, elle ne devrait pas ordonner une audience à huis clos.»
L’organisation Liberty est intervenue dans ce dossier. Corinna Ferguson, conseillère juridique de cette organisation des droits de l’homme a affirmé : " Les grands principes de la transparence de la justice et de l’Etat de droit sont atteints quand cette maladie de la justice secrète infecte la plus haute juridiction du pays. Le jugement en forme de douche froide d’aujourd’hui étale au grand jour les arguments du gouvernement et met à nu sa volonté de mettre l’accent sur l’importance du secret au service de ses propres fins".
«Compte tenu des récentes révélations sur l’espionnage et les écoutes, on a vraiment l’impression qu’il y a une loi pour l’Etat, et une loi pour tous les autres – aucun contrôle sur eux [l’Etat] ; pas de sphère privée pour nous.»
Sarosh Zaiwalla, de la société d’avocats Zaiwalla & Co Solicitors, qui représentait la Banque Mellat a déclaré : «La décision d’aujourd’hui est une victoire pour le droit autant que pour la Banque Mellat. Le jugement va donner une énorme confiance en l’indépendance du système judiciaire britannique et constitue un exemple de ce que même des litiges controversés peuvent être résolus en appliquant le principe de la primauté du droit par les tribunaux britanniques.»
La Banque Mellat a toujours nié avoir soutenu le programme nucléaire militaire iranien.
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