Intéressante cette tribune de Peter Hitchens que nous avons déjà rencontré à propos de la Syrie sur ce blog.
En vieux routier du journalisme à qui on ne la fait pas, Peter Hitchens dit tout ce qu’il y a à dire sur la situation en Syrie.
On lui reprochera peut-être ce présupposé que la planète est divisée en monde civilisé et monde barbare alors que si la coupure entre ces deux mondes existe bel et bien, elle passe par chacun d’entre nous et pas entre nous.
Nous avons mis le feu à la Syrie… Nous jetons maintenant des bombes dans le brasier
Par Peter Hitchens, The Daily Mail (UK) 1er juin 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri
Imaginez que les journaux, les radios et les télévisions en Chine commencer soudainement à dénoncer le gouvernement britannique.
Ils le qualifient de ‘régime’. Ils disent que la façon dont il traite sa minorité musulmane est cruelle et injuste.
Bientôt, leur point de vue est repris en écho par le ministre Chinois des affaires étrangères qui, dans un discours aux Nations Unies, déclare que la façon dont la Grande Bretagne traite ses minorités est une honte avant d’appeler à des sanctions contre ce pays.
L’ambassadeur Chinois arrive à l’improviste en tant qu’’observateur’ dans une manifestation islamiste à Birmingham.
Quelques manifestants sont blessés. Les grandes chaînes de télévision mondiales diffusent des séquences filmées de l’événement habilement montées pour que la police apparaisse féroce tandis que les provocations contre elle ne sont pas montrées.
Les gens commencent à remarquer la présence dans les villes britanniques d’hommes ayant l’allure d’étrangers, parfois armés.
En l’espace de quelques mois, le pays est plongé dans une guerre civile. Un pays connu pour sa stabilité, son ordre et sa prospérité descend à une allure incroyable dans un chaos violent, jonché partout de ruines, avec quantité de réfugiés, la fumée grasse des incendies et les soupes populaires.
Les habitants désorientés haussent les épaules en signe de perplexité désespérée quand ils lisent la version des événements dans la presse étrangère qui encourage les rebelles, alors même que personne ne sait vraiment qui ils sont. Ils veulent avant toute chose que les combats s’arrêtent.
Les médias étrangers rapportent systématiquement les événements de manière complètement unilatérale, claironnant avec crédulité les atrocités du gouvernement britannique sans aucune vérification. Et puis toutes les principales puissances mondiales s’accordent à autoriser la livraison directe d’armes aux rebelles.
Absurde? Wait and see. Quelque chose un peu dans ce genre est en train de se passer en ce moment sur une petite échelle en Irlande du Nord où des Américains ont, à titre individuel, aidé à l’achat de bombes et de fusils pour l’IRA, et le gouvernement des Etats Unis a exercé d’énormes pressions sur nous pour que nous cédions aux terroristes.
Et la Chine, qui est sur le point de devenir une puissance mondiale, observe soigneusement tous les précédents que nous avons créées en Yougoslavie, e, Irak et maintenant en Syrie [Hitchens cite la Libye un peu plus loin, NdT].
Je présente mes excuses au vrai ambassadeur de Chine pour avoir inventé cette histoire particulière. Mais les événements que j’imagine ici sont basés sur le comportement réel des puissances occidentales en Syrie.
Et que ce que les nations font aux autres, on le leur fait subir habituellement en retour en fin de compte.
Je n’aime pas le régime syrien. Pourquoi le devrais-je ? Il n’est guère différent de celui de la plupart des pays du Moyen Orient en ce qu’il se maintient au pouvoir par la peur. La même chose est vraie de pays que nous soutenons, comme l’Arabie Saoudite qui a été gratifiée récemment d’une longue visite du Prince Charles.
En fait l’Arabie Saoudite est si répressive que la Syrie sous Assad fait penser à la Suisse à côté d’elle. Et n’oubliez pas les pays que nous avons libérés auparavant – Irak, Libye – qui sombrent maintenant dans la violence et le chaos.
Tant de nobles idéaux, tant de souffrances et de destructions. Mon vieil ennemi, Mehdi Hasan (qui comprend mieux le monde musulman que la plupart des journalistes britanniques) a relevé avec justesse sur Question Time [émission de la BBC] mardi que notre politique de soutien aux rebelles Syriens était folle au sens clinique du terme.
Ce sont exactement les mêmes islamistes contre lesquels – quand ils sont sur le sol britannique – les ministres du gouvernement se donnent des airs de fermeté et fulminent, exigeant qu’ils soient expulsés, réduits au silence, mis sous surveillance et tout le reste.
Mais quand nous nous trouvons devant les mêmes gens en Syrie, nous voulons leur donner des armes modernes. Un de ces ‘activistes’, un gentleman nommé Abou Sakkar a dernièrement publiquement mordu à pleines dents dans le cœur ensanglanté d’un soldat de l’armée gouvernementale tué récemment.
J’avoue avoir eu une haute opinion de William Hague. Je reconnais ouvertement maintenant que j’étais dans l’erreur complète.
Cet homme n’a aucun jugement, aucun bon sens et il est un des pires ministres des affaires étrangères de notre histoire, ce qui veut tout dire.
Sa politique insensée – honteusement encouragée par une BBC qui a perdu toute notion d’impartialité - crée la guerre là où il y avait la paix.
Malgré tous ses défauts, la Syrie était le dernier endroit où les Arabes chrétiens étaient en sécurité. Ce ne sera plus jamais le cas. Qui profite de ça ? Pas la Grande Bretagne, c’est certain.
Maintenant, le zèle étrange de M. Hague pour une levée de l’embargo de l’UE sur les armes a amené Moscou à promettre la livraison de missiles antiaériens sophistiqués à la Syrie. Israël a menacé de les détruire s’ils étaient déployés. La Syrie a annoncé qu’elle réagirait avec force.
C’est exactement ainsi que commencent les conflits armés majeurs. M. Hague ne fait pas qu’arroser d’essence une maison pleine de gens qui hurlent de souffrance. Il jette aussi des bombes. Il se peut même que certaines personnes veulent vraiment une telle guerre qui aurait l’Iran pour véritable cible.
Elles savent que les ‘armes de destruction massive’ ne marcheront pas une nouvelle fois pour leur propagande. Alors ils prétendent qu’ils luttent pour la ‘démocratie’ en Syrie.
C’est un mensonge éhonté. Sauf s’il est mis un terme à cette aberration, le monde pourrait bien être sur le point de franchir un nouveau cap important dans la descente vers la barbarie.
Cette affaire est si urgent maintenant que je vous invite à demander à vos députés ce qu’ils proposent pour stopper cette glissade volontaire vers une guerre dont presque personne ne veut et qui pourrait facilement ruiner le monde civilisé.
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